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Une nuit dans la calanque de Figuerolles
Nous revoilà partis pour quelques heures de snorkeling en nocturne. Cette fois-ci nous nous rendons à la calanque de Figuerolles à la Ciotat au crépuscule. L'eau est à 22°C, c'est plutôt agréable, mais lors qu'on reste plusieurs heures dans l'eau la nuit on se refroidit vite, du coup j'enfile quand même la combinaison de 2 mm.
Nous commençons notre balade aquatique par le versant ouest de la calanque dont les falaises comportent quelques grottes et des renfoncements intéressants à visiter.
La première grotte est assez profonde mais elle est très riche en sédiments. Il n'est pas évident de ne rien soulever en nageant avec les palmes ... malgré la visibilité limitée je remarque sur le sol de la grotte une belle ophiure lisse (Ophioderma longicauda) qui se faufile entre les cailloux.
Il y a peu de coralligène dans cette grotte mais on y trouve quelques cnidaires intéressants à l'image de cette anémone rougeâtre nocturne (telmatactis forskalii) qui ne se déploie que la nuit comme son nom l'indique. Le jour elle se contracte complètement dans le trou où elle a élu domicile et elle passe alors complètement inaperçu. C'est d'ailleurs la première fois que je l'observe.
Au fond la grotte la visibilité est mauvaise, il y a vraiment trop de particules dans l'eau. Nous surprenons tout un banc de muges cachés dans l'obscurité, il s'agitent frénétiquement autour de nous dans une grande panique qui soulève encore plus de sédiments. Je décide alors de faire demi tour et de les laisser tranquille.
En ressortant de la grotte et en longeant les parois rocheuses je remarque de nombreuses bonellies vertes (bonellia viridis) dont les trompes en "T" dépassent des anfractuosités. Le corps dodu du ver marin reste quant à lui bien à l'abri dans un trou. Ces bonellies sont toutes des femelles, les mâles sont extrêmement petits et vivent en symbiose avec les femelles.
Nous nous approchons d'une seconde grotte et à l'entrée une grande crevette rose (palaemon serratus) monte la garde. Ses yeux brillent comme deux opales sous l'éclat de ma lampe.
Un peu plus loin nous tombons sur une petite murène (muraena helena) bien cachée au fond de son trou.
Celle-ci se montre plutôt craintive et elle n'hésite pas à montrer ses dents acérées lorsqu'on tente de l'approcher d'un peu trop près.
J'y observe également quelques hervias (cratena peregrina) accrochées à leurs buissons d'hydraires, en fait nous rencontrons fréquemment cette espèce cette année, il y en a sur pas mal de sites que nous fréquentons et ce n'est pas pour nous déplaire !
L'intérieur de la grotte est très intéressant, une belle zone se révèle tapissée de bryozoaires et de madrépores jaunes (Leptosammia pruvoti) et oranges, on se croirait dans une prairie face à un champ de fleurs !
Le bryozoaire sombre est un Schizoporella brun (Schizoporella errata), il offre une beau contraste avec les madrépores aux couleurs chatoyantes qui par endroit sont regroupés en formant des sortes de bouquets.
Nous croisons également quelques cigales de mer (scyllarus arctus), François m'en signale une toute petite qui est blottie parmi des polypes de zoanthaires jaunes.
Les promontoires rocheux qui séparent les grottes sont eux aussi riches en surprises. En longeant la falaise je croise une belle rascasse brune (scorpaena procus) de taille conséquente. Un des plus grosses qu'il m'ait été donné d'observer jusqu'à présent.
Près de la surface je surprends un mulet labéon (Oedalechilus labeo) qui passe la nuit seul dans un recoin abrité des vagues.La nuit est maintenant bien noire et de plus en plus d'animaux sortent de leur cachette. Voilà un petit poulpe qui vient à ma rencontre, il semble intrigué par la lumière de ma lampe. Il se pose sur la roche juste devant mon appareil photo et reste là immobile. Difficile à cet instant de savoir qui observe l'autre !
Certains poissons préfèrent se cacher la nuit pour dormir tranquille à l'abri des prédateurs. La girelle paon (Thalassoma pavo) a sa propre technique pour se mettre à l'abri, elle choisit de s'enfouir dans le substrat. L'une d'entre elle n'a vraisemblablement pas eu suffisamment de place pour s'enfoncer entièrement dans le sol et laisse dépasser sa queue. Je montre la scène insolite à François qui, comme moi, découvre avec amusement le comportement nocturne de ce poisson.
Sur la partie basse du petit tombant que je parcours je remarque une masse sombre posée parmi les touffes d'algues. Cette dernière m'intrigue mais comme elle se trouve à 3 ou 4 mètres de profondeur il m'est impossible de définir de quoi il s'agit depuis la surface. Cette boule noire me rappelle quelque chose, j'en avait déjà vu une à la calanque du Petit Nid à Sausset les Pins. Je fais une petite apnée pour aller la voir de plus près et effectivement, après vérification, il s'agit bien de ce à quoi je pensais : un lièvre de mer (aplysia faciata) !
Je procède à plusieurs descente afin de l'observer plus en détails.Entre deux apnées il a changé de place mais cette fois-ci il semble visiblement posé sur un endroit qui l'intéresse car il ne fait guère cas de ma présence et reste immobile.
A quelques mètres de lui un deuxième lièvre de mer nage près du fond. C'est un animal très élégant quand il déploie ses parapodes qui ressemblent à des ailes. Quand il les fait onduler lentement il donne l'impression de voler en pleine eau. Je tente encore une approche en apnée mais la mer est à cet endroit là assez chargée en particules et il m'est difficile de le suivre et de le photographier correctement.A côté des lièvres de mer les hervias (cratena peregrina) apparaissent toutes petites mais elles sont bien plus colorée ! En voici une photographiée sur un tombant couvert d'eudendriums de Méditerranée.
François choisit maintenant d'explorer les profondeurs sombres de la baie, je l'observe en train de s'enfoncer dans l'obscurité. C'est vraiment un aventurier sous-marin !
De mon côté je continue à longer la côte ouest de la calanque. Dans une petite fissure je tombe sur une nouvelle cigale de mer (scyllarus arctus).
Elles sont généralement assez craintives mais celle-ci se laisse approcher sans trop de problèmes.
L'heure avance, du coup nous décidons de changer de côté, nous traversons de part en part la calanque pour rejoindre la falaise est, celle-ci ressemble à un long tombant très vertical. Il est également très intéressant à étudier à la lumière des lampes.
La première curiosité qui se présente à moi est une anémone solaire (cereus pedunculatus) qui arbore une étrange couronne de tentacules orangés, c'est la première fois que j'en observe une de cette couleur.
Non loin de là une petite ophiure lisse (Ophioderma longicauda) est de sortie.
La belle surprise du coin est une petite motelle à trois barbillons (Gaidropsarus mediterraneus) qui se cache parmi les algues non loin de la surface. Dans le sud nous l'appelons mostelle de roche. Encore un poisson que l'on a plus de chances de croiser en sortie de nuit !
Je commence à me rapprocher de la plage et au détour d'un rocher je tombe sur un beau protule à boule (apomatus similis) bien déployé. Il se distingue du protule lisse par la présence d'un petit opercule semi transparent ressemblant à un petit disque blanc fixé au panache branchial.
L'opercule est bien plus visible sur ce second cliché du protule, il apparaît comme un petit rond légèrement bleuté qui pourrait faire penser à une vulgaire particule défocalisée.
La sortie touche à sa fin, en me rapprochant du bord je rend visite à toutes les cavités rocheuses qui se présentent à moi aux abords de la digue de Figuerolles. De nombreux habitants y trouvent refuge comme cette castagnole (chromis chromis).
Dans une fissure située vers deux mètres de profondeur je découvre une grosse motelle à trois barbillons, elle partage son trou avec une ophiure lisse.
A l'entrée de l'abri de la motelle se trouve une belle ascidie rouge (Halocynthia papillosa) bien reconnaissable à sa forme d'outre, ce sera ma dernière photo pour cette belle sortie de 2h30 qui finalement ce sera révélée très riche en observations. Ce qui est sûr c'est que dans l'eau nous ne voyons jamais le temps passer !
La calanque de Figuerolles
La calanque de Figuerolles à la Ciotat fait partie du parc national des Calanques. Cette calanque encaissée offre aux visiteurs un point de vu magnifique, ses falaises de poudingues ocres plongent dans les eaux turquoises de la Méditerranée. Les reliefs de la calanque sont dominés par un pic rocheux caractéristique ressemblant à une tête d'aigle ou de lion selon l'imagination de l'observateur, il s'agit du rocher du Capucin. La crique de Figuerolles comprend une plage de galet dont l'accès se fait par un long escalier escarpé peu évident à arpenter pour les plongeur chargés de matériel et de poids de lestage ! Les fonds marins de la calanque sont intéressants à explorer en snorkeling, la faune est très riche le long des tombants des falaises et autour de l'îlot qu'elle englobe. Le fond de la crique devient quant à lui rapidement profond, il concernera plutôt les apnéistes ou les plongeurs bouteilles.
Tags : plongée de nuit à Figuerolles
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Commentaires
Bonjour,
Oui c'est étonnant mais finalement il y a encore plus de vie la nuit que le jour ! Les hydraires se déploient, les crustacés sortent de leurs cachettes, et il y a même du bruit sous l'eau !! On entend des tas de cliquetis qui témoignent d'un véritable effervescence de la vie marine.
3DCVFMercredi 8 Janvier 2020 à 10:14Salut,
Encore un très beau reportage très bien illustré, bravo.
- Les « Bonellis », je ne les connais que par les livres, jamais vu en mer.
- magnifique photo de l’ « hervias » ( après les murènes)
- avec ses yeux blancs la cigale de mer semble être hypnotiséeSalut DCVF,
Pour les bonéllies vertes le secret c'est de sortir la nuit. J'en ai jamais vu de jour par contre en nocturne tu en a dans tout les trous ! Surtout à Figuerolles ...
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Bonjour,
C'est fou, on ne penserait pas qu'il y ait autant de choses à voir la nuit sous l'eau !