• Une seconde plongée plus approfondie à Perama, Corfou

    Lors de ma précédente exploration des fonds marins de Perama j'avais effectué un grand tour général de la crique histoire de découvrir le potentiel du site, et je n'ai pas été déçu. Je vais maintenant essayer d'aller à la rencontre de la faune cachée de cette petite baie en prenant le temps de visiter en détails certaines zones. Ce compte rendu est donc le fruit d'une observation plus attentive, plus méticuleuse, de ce spot de snorkeling de l'île de Corfou.

    Aujourd'hui la mer est beaucoup moins transparente qu'à ma précédente sortie, en nageant à la surface je m’aperçois que la visibilité est très mauvaise. Par contre en descendant en apnée je retrouve rapidement une eau plus claire mais aussi plus froide. Durant cette plongée il va donc falloir que je passe du temps en apnée au fond de l'eau pour faire des observations intéressantes !

    Je commence les explorations dans l'infiniment petit, ceux qui lisent régulièrement mon blog connaissent mon intérêt pour les petites bêtes. J'ai repéré deux limaces de mer entremêlées à la surface d'un rocher bien exposé à la lumière du jour. Toutes les deux forment une petite boule très colorée. Il s'agit de thuridilles de Hope (Thuridilla Hopei).

    thuridille de Hope

    Les deux petites limaces de mer sont enchevêtrées car elles sont en phase d'accouplement ! Comme elles sont hermaphrodites, elles se fécondent mutuellement. Une fois l'acte accompli elles se séparent et poursuivent leur chemin. Les thuridilles de Hope sont endémiques de Méditerranée, elles ressemblent beaucoup aux élysies timides (que je vous présente régulièrement dans les récits) mais elles sont bien plus colorées et esthétiques que ces dernières.

    thuridille de Hope

    Je poursuis mes explorations en scrutant attentivement l'envers des rochers mais je ne croise pas d'autres animaux intéressants, juste de jolies éponges pierres (Petrosia ficiformis). Sur ce site de Perama elles ont vraiment une belle teinte bordeaux lie de vin.

    éponge pierre

    En insistant je finis par tomber sur un serran écriture (serranus scriba) qui a élu domicile dans une cavité sombre. A mon goût c'est l'un des plus beaux poissons du littoral méditerranéen car il est assez bariolé.

    serran écriture

    Je poursuis mes explorations en nageant au dessus d'une grande étendue de sable. Ce fond clair semble au premier abord très monotone, pour ne pas dire carrément ennuyeux. Mais en ralentissant sensiblement ma vitesse de progression et en ouvrant bien les yeux je finis par débusquer quelques animaux qui vivent dans cet environnement austère. Le premier que je repère est un gobie noir (Gobius niger) qui reste statique sur le fond vers 4 mètres de profondeur. Je ne manque pas d'aller lui rendre visite. C'est la première fois que j'observe cette espèce, çà vaut bien l'effort de passer quelques instants en sa compagnie dans l'eau froide qui règne près du fond. Le gobie noir est l'un des plus grands gobie de Méditerranée, on le rencontre très souvent posé sur les étendues sablonneuses où il chasse de petites proies.

    gobie noir

    Un peu plus loin, alors que la mer devient plus profonde, je repère depuis la surface un autre poisson, mais il est bien plus camouflé avec le sable que le gobie noir. Je reconnais d'en haut une grande vive (Trachinus draco), j'ai déjà eu l'occasion de la croiser en 2019 lors d'une plongée à Lanzarote, aux Canaries.

    grande vive

    La grande vive affectionne elle aussi les fonds sablonneux. On la rencontre souvent dans la zones des 5 à 10 mètres de profondeurs. Celle-ci est partiellement enfouie dans le sable vers 6 mètres et se tient immobile à l'affut de proies qui pourraient passer à sa portée. Là aussi une apnée s'impose pour lui tirer un portrait détaillé.

    grande vive

    Et je ne suis pas au bout des mes surprises, car en continuant à explorer la zone des 6 mètres je découvre une nouvelle vive, mais bien plus grosse que la précédente. Son aspect me semble différent de celui de la grande vive mais pour en avoir le cœur net je n'ai pas le choix, il va falloir une fois de plus que je descende la scruter de plus près.

    vive araignée

    A mon approche la vive dresse sa nageoire dorsale noire en guise d'avertissement, tout en restant partiellement enfouie dans le sable. Elle n'est clairement pas contente de me voir. Comme je reste quelques secondes près d'elle et que sa tentative d’intimidation n'a pas fonctionné, elle décide de s'enfuir sans demander son reste. Cela me permet d'observer une belle série de taches noires alignées ses flancs et d'identifier l'espèce à laquelle elle appartient, il s'agit d'une magnifique vive araignée (Trachinus araneus).

    vive araignée

    De retour à la surface je me dis que ce désert de sable est finalement bien plus intéressant qu'il n'y paraît, ce biotope est loin d'être le lieu stérile qu'il semble laisser croire.

    Je change maintenant d'environnement pour aller plus près du bord visiter quelques gros rochers. L'un d'eux présente un côté abrité de la lumière où se sont fixées des éponges colorées.

    Au pied d'un grand rocher, à 3 mètres de profondeur je distingue une petite outre rouge, il s'agit d'une ascidie rouge (Halocinthia papillosa). Cet animal se nourrit en filtrant l'eau de mer, elle capte au passage les micro-organismes végétaux et animaux qu'elle transporte. Je connais bien cette ascidie qui est également présente sur notre littoral français, je la rencontre régulièrement au Mugel notamment.

    ascidie rouge

    Dans une petite cavité sombre que j'explore avec ma lampe je surprends une mignonne petite blennie à tête noire (Microlipophrys nigriceps). Cette toute petite blennie très colorée est l'un des trésors qui se cache dans les recoins rocheux les plus obscurs, elle ne se révèle qu'aux plongeurs fouineurs et attentifs. Par contre cette espèce n'aime pas du tout la lumière, le blennie s'agite beaucoup quand on l'éclaire avec un faisceau trop cru. Si vous voulez qu'elle prenne la pose il vaut mieux utiliser un diffuseur devant la lampe, il réduira sensiblement l'éblouissement et l'affolement de l'animal.

    blennie à tête noire

    En remontant vers la surface je me retrouve face à un ver de feu (Hermodice carunculata) qui déambule sur la roche, heureusement que je n'ai pas posé la main à cet endroit là ! Je rappelle que les soies blanches du ver de feu sont particulièrement urticantes, d'où l'intérêt de porter des gants en plongée !

    ver de feu

    Je refais une petite descente pour visiter une dernière anfractuosité et j'y découvre une nouvelle blennie à tête noire. Ce grand rocher semble constituer à lui tout seul leur petit monde. 

    blennie à tête noire

    Le tricléocarpe (Tricleocarpa fragilis) est une algue calcaire rouge buissonnante qui attire l'attention, avec ses ramifications cylindriques rosées elle pourrait faire penser à du corail. Cette organisme très esthétique vit dans les zones faiblement éclairées.

     

    A force d'enchainer les apnées je commence à sérieusement fatiguer, je décide de retourner vers la digue de l'hôtel. Sur le trajet du retour je fais encore de belles observations, à l'image de ce gobie svelte (gobius geniporus), aussi appelé gobie à joues poreuses, qui est posé sur le fond au pied d'un massif de posidonies. C'est la première fois que je croise cette espèce, même si ce poisson ressemble beaucoup au gobie moucheté (gobius incognitus) et qu'il m'est peut-être arrivé de le confondre avec lui dans le passé. Le gobie svelte a un museau un peu pointu, des lignes de taches brunes rectangulaires sur les flancs et deux grosses taches sombres dessinant un vague "U" inversé sur les joues. 

    gobie svelte

    Sur la face peu éclairée d'un gros rocher, je tombe cette fois-ci sur une cladocore en touffe (Cladocora caespitosa) qui forme une colonie massive de madrépores coralliens. Les polypes de ce spécimen ont tous déployé leurs tentacules, la cladocore est active de jour comme de nuit.

    cladocore en touffe

    C'est seulement la seconde fois que j'ai la chance d'observer ce scléractiniaire (corail dur) méditerranéen qui est malheureusement assez rare, il est même inscrit sur la liste rouge des espèces en danger de l'UICN. La première fois c'est à Cala Egos à Majorque en 2021.

    cladocore en touffe

    L'abondance des serrans écritures (serranus scriba) sur ce spot est vraiment étonnante, j'ai du en observer pas loin d'une trentaine en l'espace de deux plongées ! Le serran photographié ci-dessous était plutôt curieux, il s'est laissé approché facilement ce qui n'a pas toujours été le cas avec ses congénères. Comme quoi les poissons ont tous des caractères différents !

    serran écriture

    Tout près du bord j'ai droit au joli ballet des girelles communes (coris julis) qui s'agitent dans mon sillage pour chercher de la nourriture dans le substrat que je remue en nageant.

    girelles communes

    Je longe la digue pour rejoindre l'échelle qui va me permettre de sortir de l'eau quand je remarque dans un petit creux de la roche le panache branchial d'un ver polychète, mais lequel ? Ce panache me semble dédoublé, si c'est vraiment le cas il pourrait s'agir d'un petit bispire (Bispira volutacornis) Mais sa taille et sa couleur ne ressemblent pas à ceux que j'observe sur le littoral provençal.

    Cette plongée en mode fureteur dans la petite crique de Perama aura été riche en observations. En prenant le temps d'explorer les fonds marins avec lenteur et attention j'ai pu découvrir de nombreuses espèces, dont pas mal d'inédits pour moi. J'ai souvent lu que la Grèce n'était pas une destination particulièrement intéressante pour le snorkeling, je pense que mes deux plongées à Perama démontrent le contraire, du moins pour l'île de Corfou !

    Perama Corfou 

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       Baie de Perama à Corfou

    Perama est un village balnéaire situé en mer Ionienne sur la côte est de l'île de Corfou, à quelques kilomètres seulement de l'aéroport et de Kerkyra, la capitale de l'île. Le littoral escarpé de Perama fait face aux côtes de l’Épire et de l'Albanie, il offre un environnement rocheux et boisé. Côté mer l'eau est tellement transparente qu'on distingue sans peine les zones d'herbiers de posidonie, les blocs rocheux immergés et les bancs de sable clair qui composent les fonds marins de cette localité. C'est un véritable tableau coloré que la nature à composé dans cette petite baie, un vrai plaisir pour les yeux.

     

     


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  • Commentaires

    1
    Lacsap
    Jeudi 2 Juin 2022 à 12:12
    Bonjour Laurent, merci pour les superbes photos. As-tu une idée de la taille des Thuridilla Hopei rencontrées ? Bonne journée
    2
    Jeudi 2 Juin 2022 à 14:25

    Salut !

    Je ne te cache pas qu'elles ne sont pas bien grosses, tout au plus 2 cm ! D'où l'intérêt de ne pas nager trop vite quand on cherche des limaces de mer.

      • Lacsap68
        Jeudi 2 Juin 2022 à 18:21

        Un grand merci pour cette précision ... Je nagerai moins vite et serai plus attentif lors de mon prochain séjour à Giens cool

    3
    Jeudi 2 Juin 2022 à 23:46

    Il y a aussi des thuridilles de Hope sur notre littoral, il est possible qu'on puisse en trouver à Giens. Mais sur les rochers des petits fonds du 13 on croise beaucoup plus souvent sa cousine, l'élysie timide. Elles ont un aspect très semblable, mais en blanc avec des petits points oranges. Peut-être que tu en verras aussi !

      • Lacsap
        Mardi 7 Juin 2022 à 07:25

        Désolé pour la réponse tardive ... Merci concernant l'Info pour l'élysie timide cool

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