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Les fonds sous-marins de Cala Egos à Majorque
Pour cette nouvelle plongée en snorkeling je vous propose de quitter la région marseillaise pour découvrir les fonds sous-marins de Cala Egos sur l'île de Majorque aux Baléares. Nous sommes toujours en Méditerranée mais bien plus au sud que le littoral provençal, dans des eaux plus chaudes dont la température avoisine 25 ou 26°C, çà change ! Cala Egos une jolie petite calanque étroite et longue, elle serpente entre des falaises couvertes de pins.
Les premiers coups de palmes dans l'eau sont accompagnés par la visite d'oblades (oblada melanura) curieuses. Elles sont très nombreuses à tourner autour des baigneurs, même dans quelques mètres d'eau.
Sur le fond sablonneux de la calanque je ne repère pas grand chose d'intéressant au premier abord mais en scrutant avec attention le désert sous-marin je finis par repérer un petit rombou (bothus poda) très bien camouflé. Comme je m'intéresse à lui d'un peu trop près il s'est senti repéré et a décidé de changer de place. Sa tête est désormais posée sur une zone plus foncée et subitement le poisson plat est devenu bien plus facile à observer.
Dans les zones plus chaudes de la Méditerranée les girelles paons (thalassoma pavo) sont plus nombreuses que sur le littoral du sud de la France, on les croise le long des parois rocheuses battues par les vagues. La photo ci-dessous montre une femelle très colorée, se sont vraiment de beaux poissons.
Sous les rochers, à l'abri de la lumière du Soleil, se cachent quelques merveilles comme cette splendide ascidie coloniale. Il s'agit d'un botrylloide fer à cheval orange (Botrylloides niger), une espèce des mers chaudes dont l'ère de répartition initiale est plutôt tropicale. Depuis quelques années elle est également observée dans le sud de la Méditerranée. Est-ce un signe de plus du réchauffement climatique ?
Cette ascidie est un véritable plaisir pour les yeux, elle offre de belles compositions quand elle est accompagnée d'algues rouges et d'éponges.
Et des éponges il y en a également pas mal.
Au pied de la falaise, dans une zone plus exposée à la lumière, je découvre une vision qui me semble tout droit sortie d'une mer tropicale : Une énorme colonie hémisphérique de madrépores coralliens qui s'étend sur une surface de près de un mètre. Il s'agit d'une cladocore en touffe (cladocora caespitosa).
Les polypes sont de couleur brune et verte, cette teinte est due à la présence d'algues symbiotiques comme les zooxanthelles et les zoochlorelles dans leur tissu structurel. En tout cas cette observation est une première pour moi, je n'en ai jamais vu sur notre littoral.
Dans une petite cavité située au dessus de la cladocore je distingue un petit poisson rougeâtre que je connais bien car il est fréquent dans nos calanques marseillaises, il s'agit de l'apogon commun (apogon imberbis). Les plus observateurs d'entre vous auront peut-être remarqué la présence d'une petite rascasse de Madère (scorpaena maderensis) blottie dans un creux de la roche au pied de l'apogon. On la reconnait à ses petits points blancs disposés en ligne sur ses flancs et aux bandes sombres présentes sur sa queue.
En me rapprochant de l'ouverture de la calanque la mer devient assez agitée, du coup je décide de changer de côté et d'aller explorer l'autre rive. Sur le trajet je croise encore quelques oblades, elles sont vraiment très nombreuses à Cala Egos.
Parvenu de l'autre côté de la calanque, je constate que l'envers des surplombs rocheux sont ici aussi mis en valeur par le chatoyant botrylloides fer à cheval orange.
Une autre espèce invasive s'est bien acclimatée aux chaudes du sud de la Méditerranée : l'éponge bourse à paillettes (paraleucilla magna). Ce spongiaire tubulaire de couleur blanc crème est originaire du Brésil, il a été observé en Méditerranée depuis l'année 2001 dans le sud de l’Italie et à Malte, depuis il a fait son chemin et a été rencontré dans de multiples endroits comme le littoral espagnol, aux Baléares, en Adriatique et même sur la Côte d'Azur ! J'ai également pu la photographier en 2019 à Lanzarote aux Canaries.
Les fissures les plus sombres de cette calanque abritent souvent des apogons plus ou moins faciles à approcher. Ils ont tendance à fuir dès qu'on éclaire leur cachette, puis au bout d'un temps plus ou moins long ils refont leur apparition et on peut les photographier. Il faut juste parvenir à retenir sa respiration suffisamment longtemps en attendant qu'ils montrent leur bon profil !
Cala Egos me semble être un spot assez poissonneux, il faut dire que j'ai vu aucun pêcheur et aucun chasseur dans la calanque, juste des baigneurs parfois équipés de leur masque et de leur tuba comme moi. Mais ces derniers restent beaucoup en pleine eau, au dessus des étendues de sable. Pour découvrir certaines espèces comme ce beau serran écriture (serranus scriba) il vaut mieux s'aventurer du côté des falaises ou des petits herbiers de posidonie. Celui-là a été trouvé en fouinant sous les rochers.
Comme à mon habitude je passe beaucoup de temps à visiter les anfractuosités et ma curiosité est souvent récompensée, voilà que je tombe à nez à nez avec un petit mérou brun (Epinephelus marginatus) ! Ces poissons ont une bouille sympa, le fait qu'ils puissent nous regarder avec leurs deux yeux en même temps y est peut-être pour quelque chose, en plus la forme de leur bouche donne l'impression qu'ils sourient. Pas étonnant qu'ils soient les chouchous des plongeurs !
Près du fond une masse globuleuse attire mon attention. Il s'agit d'une éponge massive dont l'aspect est clairement irrégulier. Les traces marron ou verdâtres qu'elle comporte atteste de la présence de cyanobactéries symbiontes à sa surface. Cet organisme fixé est vraisemblablement une ircinie variable (Ircina variabilis).
Un peu plus loin je remarque un autre mérou qui s'agite près du fond ! Observer deux mérous en l'espace de quelques minutes c'est assez extraordinaire de nos jours ! J'effectue une descente vers quatre mètres de fond pour le photographier de plus près mais le poisson ne tient pas en place, il demeure difficile à approcher.
Le temps de remonter à la surface pour respirer et de redescendre je m'aperçois que j'ai perdu de vue le mérou ... En cherchant un peu je le retrouve posté dans une petite crevasse, il est en plein face à face avec un poulpe ! Voilà donc l'objet de son état d'agitation. Aucun des deux ne se dérobe, chacun défend fermement sa position. Je sais que les mérous adultes sont friands de poulpes mais ce serranidé est encore jeune et assez petit, est-il capable de s'en prendre à un céphalopode de cette taille ?
En longeant la côte rocheuse je croise à nouveau des girelles paon. Cette fois-ci je repère un mâle, ils sont faciles à reconnaître, ils sont plus gros que les femelles et leur teinte tire vers le vert ou le bleu.
Sur les rochers je découvre une blennie, je n'en ai pas vu beaucoup durant cette plongée. Il s'agit ici d'une blennie pilicorne (parablennuis pilicornis) mâle en livrée de reproduction à bande sombre. Attention à ne pas la confondre avec une blennie de Roux (parablennius rouxi), il est fréquent que les plongeurs fassent la confusion entre les deux espèces. Pour les distinguer c'est assez facile, la livrée de la blennie pilicorne reste très mouchetée alors que celle de la blennie de Roux est plus uniforme, surtout au niveau de la bande sombre.
Ma sortie touche à sa fin, en rejoignant le bord je croise à nouveau de belles oblades. Certaines n'hésitent pas à passer tout près de moi.
Cala Egos offre un beau spectacle sous l'eau mais à l'air libre le paysage n'est pas mal non plus. Une balade sur les hauteurs des falaises vaut le coup d'oeil, en veillant à ne pas trop s'approcher du bord escarpé.
Entre Cala Egos et Cala Llonga la côte rocheuse est exposée aux vagues du large dès qu'il y a un peu de vent.Ces petites calanques ont quelque chose de familier pour un marseillais mais les maisons blanches et les plantes exotiques sont là pour me rappeler que je suis bel et bien aux Baléares !
Cala Egos à Majorque La calanque de cala Egos est située entre les ports de Portopetro et de Cala Llonga, à proximité de la station balnéaire Cala d'Or sur la côte sud-est de l'île de Majorque. Il s'agit d'une jolie petite crique étroite et longue, elle serpente entre des falaises couvertes de pins. Au fond de la calanque se trouve une petite plage de sable fin entourée de grands complexes hôteliers qui nuisent un peu à la beauté du site. Heureusement ces derniers n'empêchent pas d'accéder à librement à la calanque. En tout cas Cala Egos demeure un spot intéressant pour la plongée en snorkeling car le coin est assez poissonneux. Les falaises regorgent également de recoins et d'anfractuosités à visiter.
Tags : snorkeling à Majorque, snorkeling à Cala Egos, PMT aux Baléares, spot de snorkeling à Majorque, voir des mérous à Majorque
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Commentaires
Salut Julien !
J'espère que tu t'es régalé durant ton séjour dans le Var. C'est bien possible que tu ais pu voir des girelles paon là bas, elles sont localisés près des rochers où l'eau remue pas mal. Du coup ce n'est pas toujours facile de les photographier, elles bougent tout le temps et nous on est secoué par les remous.
Sinon j'ai pu voir tout çà durant une sortie assez courte, 1h20 grand maximum. Durant ce laps de temps j'ai pu voir trois mérous, je vous ai présenté le second et le troisième en images, le premier était plus gros mais il était situé au fond d'une crevasse où il y avait une résurgence d'eau douce, du coup je n'ai pas réussi à lui tirer un portrait correct, l'eau était très trouble.
3PascalVendredi 27 Août 2021 à 13:51Quelle richesse !!! Les mérous sont superbes et apparemment moins furtif que sur la Presqu'Île de Giens. J'en croise régulièrement mais pour leur tirer le portrait ce n'est guère aisé ... dommage.
Encore merci à Toi pour ce beau panelSalut Pascal !
Je pense qu'on avait les mêmes mérous, les miens aussi étaient très craintifs et ne tenaient pas en place ... j'ai galéré pour faire ces images, elles sont le fruit de nombreux essais !
La bonne nouvelle c'est qu'on commence à les observer un peu de partout, c'est le signe que les mesures de protection à leur égard finissent par porter leur fruit.
Par contre j'ai l'impression qu'ils se sont transmis dans les gènes une peur viscérale de l'humain, la grande faucheuse qui a bien failli les exterminer ...
Et ce n'est finalement pas plus mal car je ne compte plus les jeunes vacanciers que j'ai vu aller plonger dans les calanques équipés de combinaisons et de harpons tout neufs, çà m'étonnerait que ceux là soient au courant des règlementations ... Il faudrait que les gardes du parc mettent des panneaux récapitulatifs sur les espèces protégées à l'entrée des calanques, j'ai vu qu'ils ont commencé à en mettre quelque uns pour le poulpe (protégé de juin à septembre) mais il faut qu'ils continuent dans ce sens pour les autres espèces.
Et il faudrait également que Décathlon (entre autres), grand pourvoyeur de harpons, propose une alternative à la chasse sous-marine. Leur rayon plongée ressemble à une véritable armurerie, tendant à faire croire que la meilleure façon de découvrir les poissons c'est de les flinguer ! A quand des rayons destinés à l'équipement pour la photo sous-marine !!!!
5PascalSamedi 28 Août 2021 à 18:16Bonjour Laurent, heureux d'entendre ton point de vue sur la chasse sous-marine actuelle qui rejoint le mien. Depuis 4 ou 5 ans, j'ai constaté une présence accrue de "chasseurs" sur les sites que je fréquente malgré que certains sites soient protégées, certaines espèces également ou que la chasse d'autres espèces soient réglementées (taille, période, etc). Je pense comme Toi que cela est du à la facilité à trouver le matos et s'y essaye qui veut n'importe quand et surtout n'importe comment : je croise régulièrement des "chasseurs" dans à peine un mètre de flotte, fusils armés, qui quasi te frôlent ... bref on est loin du vrai chasseur qui se tape des apnées longues en restant à l'affût à plusieurs mètres de profondeurs.
Je précise que je ne suis pas contre cette activité si elle est respectueuse de l'environnement (ce qui implique une TRES bonne connaissance de la faune, la flore et de la biodiversité en général) et surtout respectueuse de la sécurité d'autrui ...
Je crains fort que cela finisse par des drames ou des accidents malheureux qui entraîneront une réglementation plus sévère ... comme cela a été le cas avec la chasse traditionnelle (pas celle de régulation mais celle de loisir où l'on tire sur du "gibier" d'élevage relâché pour l'occasion) et les "chasseurs du dimanche"Oui c'est exactement çà, on est tout à fait d'accord. Je pense qu'on est nombreux à partager le même avis, en tout cas je sais que mes amis André, Thomas, François et Gilles avec qui je plonge partagent le même sentiment.
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mon dieu ! quelle moisson !
je n'avais jamais vu de séran écriture aussi gros
la girelles paon femelle, un flash dans les yeux. je crois, que j'en avais vu du côté de toulon.
effectivement, les petits mérous ont quelquechose de "kawai"
et le poulpe toujours aussi hypnotisant de beauté
cette balade a durée combien de temps ?