• Une belle plongée dans l'Etang de Berre à Touret de Vallier

    Me voilà parti pour une seconde plongée dans l’Étang de Berre, mais ce coup-ci je vais explorer les fonds marins de la côte martégale, à proximité du canal de Caronte où s'effectue l'échange d'eau entre la Méditerranée et l'étang. Au départ j'avais prévu de plonger du côté de la plage de Ferrières au centre de Martigues, mais il y avait là beaucoup de monde et une mauvaise odeur dans l'air qui m'ont dissuadé. Du coup je suis passé au plan B en continuant la route en direction de Saint-Mitre-les-Remparts, j'avais repéré sur les cartes un pan de côté rocheuse qui avait l'air paisible du côté du quartier de Touret de Vallier. Une fois sur place le coin m'a beaucoup plus, même si l'accès à la mer est peu évident car la côte est très pentue. Ici le bord de mer est jonché de rochers immergés couverts d'algues, c'est l'assurance d'avoir une belle biodiversité à découvrir.


    Nous sommes début juin et l'eau est déjà chaude dans l'étang, au moins 22°C ! il faut dire qu'il est peu profond et qu'il chauffe vite. De ce fait le phytoplancton prolifèrent et la mer commence à perdre en transparence. Dès la mise à l'eau je me retrouve à nager au milieu de tout un tas d'organismes flottant parmi lesquels je repère un cténophore qui présente de jolies couleurs iridescentes au niveau de ses tentacules couverts de rangées de cils. Il s'agit vraisemblablement d'une noix de mer (Mnemiopsis leidyi).

    cténophore

    Ce cténophore à l'air un peu perdu au milieu des méduses communes (aurelia aurita). Elles sont nombreuses à dériver tout autour de moi, bien heureusement celles-ci ont des tentacules assez petits et peu urticants, du coup je peux me délecter de la beauté de leurs ombrelles translucides et bleutées sans danger.

    aurelia aurita

    Les méduses communes ne sont pas si abondantes que çà sur notre littoral des Bouches du Rhône, je croise bien plus souvent sa cousine très urticante, la pélagie (Pelagia noctiluca). Ma dernière rencontre avec la méduse commune remonte à 2017 en Thaïlande ! Aurelia aurita est cosmopolite, elle fréquente la plupart des océans et mers du globe.

    aurelia aurita

    Du côté des rochers je fais ma première rencontre avec la très originale blennie paon (Salaria pavo) ! Cette blennie joliment colorée est parfaitement reconnaissable car le mâle reproducteur possède une grande crête sur la tête. La blennie paon supporte les eaux saumâtres et affectionne les petits fonds calmes, notamment ceux des étangs.

    blennie paon

    A coté de la blennie paon la blennie dalmate (Microlipophrys dalmatinus) semble microscopique, elle ne dépasse pas 5 cm de long ! 

    blennie dalmate

    Au niveau de la végétation sous-marine, j'ai beau regarder partout, je n'ai pas vu de zostères. Par contre j'ai pu observer des laitues de mer en grande quantité et quelques touffes de codium fragile (Codium fragile sp.). 

    codium fragile

    En fouinant parmi les algues je découvre avec bonheur un long poisson au museau pointu qui serpente sur le fond, voilà un joli syngnathe de lagune (Syngnathus abaster). Je suis venu plonger sur ce spot dans l'espoir d'en voir un et bien me voilà exaucé ! Ce syngnathe possède une poche ventrale boursoufflée, il s'agit probablement d'un mâle qui incube ses œufs !

    syngnathes des lagunes

    Cet environnement rocheux et abondant en algues constitue un biotope apprécié par le crabe vert de Méditerranée (Carcinus aesturarii) car ils sont très abondants sur ce site de Touret de Vallier. En voilà justement un petit caché sous les laitues de mer.

    crabe vert

    Comme d'habitude je ne résiste pas à aller explorer les petites cavités cachées sous les gros blocs rocheux, on y trouve parfois des animaux intéressants. Ce coup-ci je tombe sur une anguille d'Europe (Anguilla anguilla) qui sort sa tête d'un trou, ici comme le dit l'adage : "il y a anguille sous roche !". Notons que depuis 2007 l'anguille fait partie des espèces considérées comme menacées et qu'elle fait l'objet de mesures de protection ... En tout cas cette observation me fait bien plaisir, c'est la première fois que j'en vois une sous l'eau, j'enchaine les premières durant cette plongée ! Puis elle a une bonne bouille cette anguille, elle ressemble un peu au congre.

    anguille d'Europe

    Mais la reine de l'esthétisme en ces lieux est sans contestations possibles la blennie paon mâle en livrée de reproduction ! Admirez ces belles couleurs et cette crête céphalique impressionnante, Tout cet apparat est destiné à attirer les femelles et intimider les rivaux.

    blennie paon

    Au niveau du sol une nasse rampe lentement sur un galet, on perçoit parfaitement son pied musculeux clair et moucheté de noir. Notons que les nasses jouent un rôle écologique important en consommant les organismes morts. Ici il s'agit vraisemblablement d'une nasse brillante (tritia nitida).

    Et revoilà un syngnathe, il évolue un peu plus a découvert que le précédent mais il reste calme et peu farouche. J'ai tout mon temps pour le photographier. Ce poisson semble également avoir la poche ventrale remplie d’œufs, c'est de bonne augure pour la population de syngnathes de l'étang !

    syngnathe des lagunes

    Comme il prend la pose j'ai même le temps de détailler sa tête. Avec son museau étiré et sa bouche orientée vers le haut, notez la ressemblance flagrante avec son cousin, le célèbre hippocampe !

    syngnathe des lagunes

    En voici un nouveau qui évolue parmi les algues qui couvrent la surface d'un gros rocher. Les syngnathes de lagune (Syngnathus abaster) que je croise sont tous foncés avec des marques blanches, mais ils peuvent présenter des teintes variées, notamment vertes.

    syngnathe des lagunes

    En regardant en direction du fond détritique de l'étang je remarque la présence de gros gobies qui se tiennent immobiles sur le substrat. Ici il s'agit d'un gobie noir (Gobius Niger), cette espèce affectionne les eaux saumâtres peu profondes, il est donc bien adapté à la vie dans l'étang de Berre.

    gobie noir

    Les parties ombragées des rochers du bord de mer comporte quelques éponges. Ici je suis face à une halichondrie cierge (Halichondria bowerbanki), une éponge qui se développent dans les fonds turbides et vaseux. Elle peut être jaunâtre ou verdâtre lorsqu'elle est en symbiose avec une algue.

    Les blennies paon se succèdent devant l'objectif de l'Olympus TG4, il y en a vraiment partout, sur les rochers, sur le fond ou même dans les cavités ! Cette espèce chasse en soirée et comme il commence à se faire tard cela explique peut-être pourquoi elles sont aussi nombreuses à s'activer. Son régime alimentaire est très varié, elle apprécie les mollusques gastéropodes ou bivalves, les algues, ou encore les œufs de poisson.

    blennie paon

    En voilà une nouvelle, il s'agit d'un mâle qui monte la garde sur son territoire depuis un promontoire.

    blennie paon

    Près du bord je surprends au détour d'un rocher une blennie palmicorne (parablennius sanguinolentus) de compétition ! En effet, elle présente une taille assez impressionnante. Bien qu'imposante, elle demeure très farouche et elle détale à grande vitesse dès que j'essaye de l'approcher. Il m'aura donc fallu beaucoup de patience pour parvenir à lui tirer le portrait.

    blennie palmicorne

    Aujourd'hui  j'ai droit a un festival de crabes verts de Méditerranée (Carcinus aestuarii), en voilà un nouveau. Les crabes verts sont chez eux ici (les provençaux les appellent "favouilles") mais une autre espèce de crabe à fait son apparition dans l'étang de Berre en 2019, il s'agit du crabe bleu (Callinectes Sapidus). Ce crustacé est originaire d’Amérique, il est considéré comme invasif. Par contre il ne doit pas encore être bien répandu ici car je n'en ai croisé aucun lors de cette plongée.

    crabe vert

    Sous un bloc rocheux se cache un autre crabe, mais celui-ci est bien plus impressionnant que le crabe vert photographié précédemment, d'ailleurs je ne me souviens pas en avoir déjà vu d'aussi gros ! Ce crabe possède des pinces menaçantes grosses comme des sécateurs, je n'ai pas vraiment envie de tenter une approche ! Compte tenu de sa couleur marron rougeâtre et des petites protubérances visibles sur une partie de son corps je pense qu'il s'agit d'un crabe verruqueux (Eriphia verrucosa). Cette espèce vie plutôt dans la mer, de l'autre côté du canal de Caronte, mais il semble s'être bien acclimaté aux eaux saumâtres de l'étang.

    crabe verruqueux

    Je détourne rapidement le regard du grand crabe car un petit poisson clair nage lentement devant moi et attire mon attention. Il s'agit d'un gobie dont l'aspect ne m'est pas familier. Il est assez vif et ne tient pas en place, je sens que ma présence le dérange, du coup j'ai du mal à le photographier correctement. Sa tête plate et son dos couvert de selles blanches évoque l'allure du gobie varié (Pomatoschistus pictus).

    gobie varié

    Le gobie a encore changé de place et cette fois-ci il s'est posé sur le fond couvert de débris de coquilles. Remarquez comme il a changé de teinte, son corps est devenu plus foncé afin de mieux se fondre dans son environnement. 

    gobie varié

    L'étang de Berre abrite une importante population de rapanes véinés (rapana venosa). Ce gastéropode de grande taille est signalé dans l'étang depuis 2015, il s'agit d'une espèce invasive originaire des mers de Chine et du Japon.

    rapane veiné

    Ce petit cnidaire ressemble beaucoup à l'anémone tomate (Actinia equina) mais il s'agit ici d'une actinie striée (Actinia striata). Elle se distingue par ses tentacules courts, sa base surlignée d'un liseré bleu et sa colonne finement striée. 

    Voilà deux heures que je suis dans l'eau et je n'ai pas vu le temps passer ! La batterie de l'Olympus TG4 clignote en rouge, et il peut s'éteindre à tout moment, il faut dire que j'ai bien mitraillé aujourd'hui ! Avant de rejoindre le bord je tombe à nouveau sur un syngnathe de lagune, quoi de mieux que ce joli poisson pour conclure cette plongée particulièrement prolifique et enthousiasmante. L'étang de Berre est bien loin de l'image négative qu'on lui confère, du moins sur ce spot martégal de Touret de Vallier où la biodiversité est finalement assez riche.

    syngnathe de lagune

     


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  • Commentaires

    1
    Coyote13
    Mercredi 7 Juin 2023 à 01:08

    Salut Laurent,

    Je viens de jeter un rapide coup d'oeil sur les photos de ta dernière sortie. Il est tard et je vais prendre le temps de mieux les regarder demain, mais je suis très agréablement surpris des clichés que tu as la gentillesse de partager... Décidément l'étang de Berre réserve de belles surprises et j'avoue que j'avais une image plutôt négative et suis bien content de m'être trompé à ce point. Comme quoi, les idées reçues ont la vie dure.

      • Mercredi 7 Juin 2023 à 12:50

        Salut ! Oui l'étang de Berre est vraiment très surprenant, je pense que nous devions être nombreux à penser que l'étang était trop pollué pour pouvoir y trouver de la vie et y plonger sans mettre en danger sa santé. çà a sûrement été le cas à une époque, mais la situation semble s'améliorer clairement et je pense qu'il faudra ajouter l'étang de Berre à la liste des sites de snorkeling intéressants à explorer dans les Bouches du Rhône ! Par contre je pense que la saison de plongée dans l'étang se cantonne a printemps et à l'automne, en été comme l'eau devient très chaude elle se charge en phytoplanctons et devient opaque. Donc à voir ce que çà donnera cet été

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    2
    Lacsap
    Mercredi 7 Juin 2023 à 07:29

    Bonjour, il y a de bien belles choses à voir sur ce site ... Un grand merci pour le partage yes

    3
    Mélina
    Mercredi 7 Juin 2023 à 09:43
    Ah, tu vois, plein de syngnathes ! Une belle sortie ! C'était aux Ferrières que j'étais allée, ok m'avait dit qu'il y avait des doris verrucosa mais je ne les ai malheureusement pas trouvées !
    4
    chantal
    Mercredi 7 Juin 2023 à 12:09

    Chantal

    Bonjour, une très belle sortie. Je pensais pas qu'on pouvait voir une biodiversité aussi importante à l'étang de Berre. Belles photos surtout le syngnathe de lagune. Merci 

    5
    Mercredi 7 Juin 2023 à 12:57

    Salut Mélina,

    Oui tu avais bien raison pour les syngnathes, ils sont nombreux là bas ! Merci pour ton témoignage précieux :) Je pense que toute la côte est intéressante pour le snorkeling, de Ferrières à Figuerolles. Par contre  je n'ai pas vu d'haminoés, j'ai vu des pontes qui ressemblent aux leurs. Pas vu de doris non plus, mais c'est intéressant de savoir qu'on peut en observer là bas !

    6
    Acrux3A
    Samedi 10 Juin 2023 à 09:32
    Très belles image. Ça fait plaisir de voir l'étang si vivant.
    7
    Mardi 13 Juin 2023 à 00:06

    Merci Agnès ! L'étang de Berre s'est révélé être un coin pratique pour faire de belles images, l'étang est peu profond et l'eau y est très calme, c'était facile de rester stable, ce qui n'est pas le cas partout !

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