• Première plongée nocturne de la saison 2024 à Morgiou

    Il s'est fait désiré, mais l'été est enfin arrivé ! La hausse des températures nocturnes permet d'ouvrir enfin la saison tant attendue des plongées nocturnes. Comme chaque année, je rejoins mon ami François dans la calanque de Morgiou, un spot où l'observation de la biodiversité marine est tout bonnement incroyable, en particulier lorsque la nuit survient. C'est un plaisir à chaque fois renouvelé de venir plonger ici, d'autant plus en compagnie de François, un vrai passionné qui connaît sa calanque comme le fond de sa poche !

    calanque de Morgiou

    A mon arrivée à Morgiou je constate avec bonheur que la mer est transparente et qu'elle est tout à fait calme, il n'y a pas un brin de vent. C'est de bonne augure, les conditions semblent idéales pour réaliser des photos sous-marines de qualité et pour passer une plongée agréable.

    Au crépuscule, je commence à m'équiper tout en profitant des paysages somptueux de la calanque. Alors que le Soleil est déjà passé sous l'horizon, les falaises blanches sont éclairées par les lueurs rosées de l'arche anticrépusculaire, que l'on appelle également "ceinture de Vénus". Elle surmonte la barre sombre de l'ombre que la Terre projette derrière elle. La vision de l'ombre annonce l'arrivée imminente de la nuit.

    Nous y sommes, l'obscurité s'installe et je me mets à l'eau. La Méditerranée n'est pas encore très chaude, 20 ou 21°C, c'est un peu limite pour une longue plongée nocturne. Mais pour le moment avec la combinaison de 2 mm çà reste agréable. Je fais un petit tour du côté des bancs de sable bordés de posidonies en attendant l'arrivée de François. Depuis la surface, je repère une petite masse claire posée sur le substrat par trois mètres de fond. Je descends en apnée voir de plus près de quoi il s'agit, quand je vois apparaître dans le faisceau de ma lampe une belle sèche (sepia officinalis). La sortie commence bien !

    seiche

    Je fais maintenant un peu tour près de la rive rocheuse où je m'attarde sur le joli panache branchial coloré d'une serpule (serpula vermicularis), un petit ver tubicole.

    serpule

    François m'a enfin rejoins et nous décidons de poursuivre les explorations en direction de la grotte bleue. Sur le trajet, mon ami repère un animal qui s'agite sur le fond. Nous descendons voir de quoi il ne retourne à tour de rôle, en fait nous tombons nez à nez avec une murène (muraena helena) qui a capturé un crabe. Le malheureux crustacé est coincé entre ses puissantes mâchoires ! En voilà une qui a trouvé son repas du soir.

    murène

    Nous voilà parvenus dans la grotte où il fait noir d'encre. Ce milieu très ombre est apprécié par les apogons communs (apogon imberbis). L'un d'entre eux a bien voulu prendre la pose devant mon objectif.

    apogon

    En explorant le long de la paroi verticale de la grotte, je découvre une jolie limace de mer rondouillarde, voici une berthelline orange (berthellina edwardsii).

    berthelle orange 

    En voilà une autre, qui déambule sur une crète rocheuse. Les berthellines oranges sont sciaphiles, elles apprécient les milieux très sombres et riches en anfractuosités rocheuses. La grotte bleue en abrite toute une population, elles sont assez facilement observables en plongée de nuit si on procède à une exploration attentive. 

    berthelle orange

    J'en repère une nouvelle qui présente un aspect très différent, celle-ci est blanche, semi translucide, et son corps et couvert de petites taches marron. Il semble s'agir d'une autre espèce, mais laquelle ?


    Certaines berthellines oranges arpentent les rochers peu profonds du fond de la grotte, il faut donc faire attention de ne pas poser ses palmes n'importe où ! Cette espèces se nourrit d'éponges ou d'ascidies.

    François repère sous un surplomb rocheux une mystérieuse tache sombre. Nous allons la découvrir de plus près en apnée et nous nous apercevons qu'il s'agit d'une crevette drimo (gnathophyllum elegans) ! Cette trouvaille me réjouit, çà fait longtemps que j'en ai pas vu et j'adore ce crustacé dodu à l'allure improbable, il s'agit d'une des crevettes les plus remarquables de Méditerranée !

    drimo crevette

    La crevette drimo se rencontre sur les substrats durs riche en coralligène, elle apprécie en particulier les environnements rocheux offrant beaucoup de cachettes comme les tombants ou les grottes. Comme elle chasse la nuit on a plus de chance de l'observer en plongeant au crépuscule ou en pleine obscurité. En pleine journée elle reste à l'abri sous les rochers.

    drimo

    La grotte bleue accueille également quelques nudibranches, mais ceux-ci sont généralement très petits et il faut bien ouvrir l’œil pour les remarquer. Voici une minuscule coryphelle mauve (edmundsella pedata) accrochée à une branche d'hydraires.

    coryphelle mauve

    François me fait signe avec sa lampe, il a découvert une très grande murène (muraena helena) cachée sous un rocher par 4 mètres de fond. Je descends lui rendre visite et une fois parvenu à destination je me retrouve face à un sacré engin, elle est vraiment impressionnante cette murène ! Je sens bien que ma présence l'incommode, elle me fixe en me montrant ses dents acérées, je vais donc éviter de trop la taquiner. Allez hop, une ou deux photos et je remonte ... 

    murène

    Près de la surface je débusque une nouvelle  coryphelle mauve (edmundsella pedata). Elle est encore plus petite que la précédente ! Ses cérathes sont rosées, cette teinte est données par les glandes digestives.

    coryphelle mauve

    En sortant de la grotte très obscure nous retrouvons la clarté naturelle du ciel nocturne, au dessus de nos têtes brillent des dizaines d'étoiles. Alors que l'ambiance sonore de la grotte est très calme, dehors il règne un véritable tintamarre sous-marin ! Nous entendons distinctement un bruit de fond ressemblant à un concert de coassements, il s'agit des sons produits par les carapaces et les pinces de milliers de crustacés qui entre en activé pendant la nuit, à l'image de cette belle cigale de mer (scyllarus arctus).

    Je ne me suis pas amusé à photographier toutes les cigales de mer que j'ai croisé ce soir car j'en ai vu pas mal. En tout cas çà fait plaisir de voir que cette espèce se porte bien dans la calanque.

    cigale de mer

    Nous entamons le chemin du retour en direction du port de Morgiou. Malheureusement je ne peux pas prolonger trop longtemps cette belle plongée car le boulot m'attend demain matin, je sens que çà va être dur dur ... Je reste quand même concentré sur les animaux que je peux croiser sur le trajet. Et j'ai bien fait, voilà une petite  murène (muraena helena) qui se tient en embuscade parmi les algues.

    murène

    La nuit les petites rascasses rouges (scorpaena notata) sont également en chasse. Ces poissons solitaires passent leur temps immobiles sur le substrat, ils attendent patiemment qu'une proie passe à leur portée. Les rascasses sont capables d'adapter leur couleur aux milieux où elles se postent afin de s'assurer un bon camouflage. 

    petite rascasse rouge

    En scrutant attentivement les algues qui tapissent la paroi rocheuse, j'ai droit sur une petite surprise. Une bosélie mimétique (bosellia mimetica) est accrochée à une fronde de monnaie de Poséidon (halimeda tuna). Cette limace de mer ressemble à un petit disque vert foncé, elle vie sur cette algue verte qui constitue sa principale source de nourriture.

    bosélie mimétique

    Ce soir je ne me suis pas amusé à photographier toutes les étoiles de mer glaciaires (marthasterias glacialis) que j'ai croisé, mais elles étaient vraiment très nombreuses ! Ces échinodermes carnivores sortent en masse la nuit pour aller chasser, elles se nourrissent d'invertébrés et notamment de mollusques.

    étoile de mer glaciaire

    Les petites rascasses rouges (scorpaena notata) sont très photogéniques, elles sont peu craintives et se laissent facilement tirer le portrait. Celle-ci présente de nombreuses nuances de teintes sur son corps ce qui lui permet de se fondre dans le tapis d'algues environnant.

    petite rascasse rouge

    A l'étage inférieur, une jolie porcelaine livide (luria lurida) déambule parmi le coralligène qui tapisse une petite cavité. Il s'agit d'une espèce rare en Méditerranée qui fait désormais l'objet d'une protection stricte. Je me dépêche de la photographier car elle est en train de partir derrière un petit promontoire où je ne pourrai pas la suivre.

    La curiosité est une qualité pour le plongeur bio. En prenant le temps d'explorer les cavités je découvre une jolie petite cigale très étrange, elle est minuscule et toute orange ! Bizarre, bizarre ... Il faut que je m'attarde dessus.

    cigale naine

    Alors que je m'apprête à zoomer sur la petite cigale de mer pour la détailler, j'ai la surprise de voir passer une magnifique crevette drimo (gnathophyllum elegans) juste devant moi ! Son apparition est furtive, elle part vite se cacher dans les algues. Du coup j'ai juste quelques secondes pour détourner l'appareil photo vers elle et déclencher et j'y suis parvenu in-extremis. Ouf, là voilà dans la boite, décidément il faut vraiment avoir l’œil partout !

    drimo

    Heureusement, la petite cigale orange est restée bien sagement en place pendant que je m'intéressait à la drimo. Du coup j'ai le temps de l'étudier plus attentivement. En fait, il s'agit d'une petite cigale naine (scyllarus pygmaeus), elle est bien plus petite que la cigale commune (scyllarus arctus), sa livrée est rose ou orangée avec une ceinture blanche. C'est de nuit que nous avons le plus de chance de pouvoir observer cette espèce, et pour ma part c'est la première fois je la vois !

    cigale naine

    Certains poissons diurnes dorment le long de la falaise durant la nuit, ils se tiennent presque immobiles au dessus des algues. Voici un sar commun (diplodus sargus) qui est en période d'inactivité, durant cette phase de repos qui s'apparente au sommeil il ne réagit presque pas, même en passant dans le faisceau de ma lampe de plongée. 

    sar commun

    De son côté, François a trouvé un poulpe tacheté (Callistoctopus macropus) ! Cette espèce de pieuvre est rarement croisée par les snorkelers car elle n'est observable que par nuit noire, souvent après 23h en été, lorsque ces animaux se mettent eux aussi en chasse.

    poulpe tacheté

    Le poulpe tacheté est facilement reconnaissable à sa couleur rouge et ses taches claires, ses tentacules sont également plus longs que ceux du poulpe commun (octopus vulgaris), ce qui lui vaut le surnom de "poulpe à longs bras".

    poulpe tacheté

    Une plongée nocturne à Morgiou ne serait pas complète sans observation du beau pagure rayé (dardanus calidus). Ce grand bernard-l'ermite est lui aussi plus actif la nuit, mais il m'est arrivé d'en croisé de jour dans des cavités abritées de la lumière.

    pagure rayé

    Alors que notre balade aquatique nocturne touche à sa fin, j'ai droit à une dernière très belle rencontre, celle d'un petit corb (sciaena umbra) présentant de magnifiques couleurs. Peu farouche, il se laisse assez facilement admirer, je savoure mon plaisir ! Le corb est une espèce protégée, il est interdit de le pêcher ou de le chasser. Cette protection semble porter ses fruits car au fil des années je trouve qu'on en voit de plus en plus.

    corb

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png    

    La calanque de Morgiou

     

    La calanque de Morgiou est située dans le Parc national des Calanques. Cette calanque encaissée abrite un petit port de pêche, quelques cabanons et un bar restaurant. Morgiou offre un cadre naturel magnifique, elle est sauvage et particulièrement paisible, l'eau y est souvent cristalline. L'accès en voiture y est réglementé en journée durant la période touristique entre le printemps et l'automne, seuls les résidents où les visiteurs ayant réservé une table au restaurant du petit port de pêche peuvent alors y descendre en véhicule.

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Lacsap
    Dimanche 14 Juillet à 13:31

    Bonjour Laurent, merci pour ce beau reportage et que de murènes présentes. Bonne continuation dans tes sorties

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    2
    Jeandeflorette
    Dimanche 14 Juillet à 15:24
    Plongée, photos et compte rendu somptueux ! Bravo !
    3
    chantal
    Dimanche 14 Juillet à 17:22
    Magnifiques photos de ta sortie nocturne à Morgiou. Super reportage.
    4
    Dimanche 14 Juillet à 23:26

    Bonsoir à tous,

    Merci les amis pour vos commentaires ! Les plongées nocturnes sont toujours les plus belles, les créatures les plus étranges étaient encore de sortie ce soir là, un vrai régal.

    C'est vrai qu'il y avait pas mal de murènes, ce n'est pas pour me déplaire. Par contre je n'ai pas vu de congre cette fois-ci.

    Je vous souhaites un bel été et de belles plongées riches en découvertes.

    5
    Dimanche 14 Juillet à 23:37

    @ Mélina : Si tu passes par là, est-ce que tu as une idée de l'espèce à laquelle appartient la berthelle blanche et tachetée ?

    J'ai pensé à la berthelle ocellée mais les taches de cette dernière sont bien plus larges et claires.

    Les berthelles perforée et étoilée sont claires mais je n'ai pas trouvé d'images d'elles montrant qu'elles peuvent avoir des taches ...

    Bref, pour le coup, je sèche

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :