Pour ma dernière plongée en snorkeling à Corfou je vous emmène visiter les fonds marins des superbes calanques de Paleokastritsa, sur la côte nord-ouest de l'île. Avec ses eaux claires, ses grands falaises blanches surmontées d'une végétation dense et verdoyantes, les paysages naturels de cette station balnéaire font partie des plus beaux de l'île.

La plage d'Agios Spyridon d'où je vais m'élancer dans l'eau est bordée de grandes falaises blanches, je trouve que cette partir du littoral corfiote à un petit air de nos calanques marseillaises, mais en beaucoup plus boisé.

D'un point de vu topographique, la côte de Paleokastritsa a beaucoup de points communs avec nos spots de snorkeling des calanques : des îlots, des formations rocheuses riches en anfractuosités, des tombants, des grottes, bref tout ce qu'il faut pour trouver une faune sous-marine abondante et variée.

Et c'est effectivement le cas, on s'en aperçoit dès les premiers mètres parcourus dans l'eau à partir de la plage, dès que le sable laisse la place aux galets et aux rochers couverts d'algues, que les poissons sont nombreux.

Aujourd'hui je n'ai qu'un temps limité pour explorer le site, je vais comme à mon habitude surtout longer la façade rocheuse où se concentrent de nombreuses espèces vivantes. Le premier animal à attirer mon attention est une petite rascasse de Madère (Scorpaena maderensis) qui se tient immobile dans un petit trou riche en algues. Cette rascasse d'origine subtropicale affectionne les eaux chaudes et à la faveur du réchauffement climatique elle est de plus en plus présente en Méditerranée.

Autre immigrée des mers chaudes, la girelle paon (Thalassoma pavo), elle sont nombreuses à évoluer le long des parois rocheuses de cette calanque alors que je n'en ai vu aucune sur la côte orientale du côté de Perama. Les girelles paon sont virevoltantes, il n'est pas toujours évident de les prendre en photo. Plutôt que d'essayer de les suivre, il vaut mieux se placer en poste fixe et attendre qu'elles passent devant l'objectif.

Dans les petites cavités sombres que je visite en apnée je remarque la présence de colonies de faux corail (Myriapora Truncata), un bryozoaire buissonnant couvert de lophophores, de petits panaches de tentacules qui se nourrissent en capturant de micro-organismes circulant dans l'eau.

En remontant en direction de l'air libre je me retrouve face à une vieille connaissance : un crabe plat des oursins (Percnon gibbesi). Ce crustacé est lui aussi un immigré des mers chaudes, il est originaire de l'Amérique intertropicale et colonise depuis quelques années la Méditerranée. Au fil du temps il étend son ère de répartition, je l'ai déjà observé en Thaïlande en 2017, à Lanzarote en 2019 et à Majorque en 2021, il est donc également présent à Corfou. Notons qu'il a même été signalé de nombreuse fois en Provence et sur la Côte d'Azur depuis 2013 mais personnellement je ne l'ai pas encore croisé chez nous. Si jamais vous l'observez, vous pouvez signaler sa détection sur le réseau de surveillance DORIS.

Je me lance dans l'exploration d'une nouvelle cavité, je surprends une autre petite rascasse de Madère (Scorpaena maderensis) qui se tient immobile parmi les algues. Cette espèce se reconnaît assez bien, sa nageoire caudale est striée de bandes sombres, elle a un alignement de petits points blancs sur les flancs, et un petit lambeau clair de peau de chaque côté du menton.

Une anfractuosité voisine attire mon attention, elle est littéralement tapissée de faux corail (Myriapora Truncata).

Elle sert également d'abri à quelques apogons (Apogon imberbis). Le roi des rougets comme on le surnomme est un joli poisson bien de chez nous !

Je parviens maintenant jusqu'à un cap rocheux. Au delà il y a une anse particulièrement riche en recoins à visiter qui s'ouvre à moi, malheureusement je manque de temps pour l'explorer en détails. Finalement ce spot de paleokastritsa est suffisamment étendu et complexe pour s'occuper durant de nombreuses sorties de snorkeling. 

En jetant un coup d'oeil sous un surplomb proche de la surface mon regard est attiré par une ascidie coloniale orange vif, il s'agit d'un didemnide flamboyant (didemnum pseudofulgens). C'est la première fois que j'observe ce tunicier.

A côté de l'ascidie se trouve un beau triptérygion rouge.

Lors de cette plongée j'ai pu croiser plusieurs petits bancs de poissons perroquets méditerranéens (Sparissoma cretense) mais ils étaient tous très fuyants. Ma première approche réussie est effectuée en nageant au dessus d'eux. La perspective n'est pas idéale pour les détailler mais elle suffit pour remarquer que leur corps est recouvert de grosses écailles et qu'ils ont des yeux jaunâtres. Il s'agit ici de juvéniles.

J'ai ensuite tenté de les observer sous un angle plus optimal en me plaçant en apnée à leur niveau, mais sans succès. J'ai malheureusement relevé que l'éclat de ma lampe les faisait fuir, du coup j'ai dû me contenter de les photographier de loin et sans lumière. L'image suivante est de ce fait de piètre qualité mais au moins j'ai pu garder un souvenir de cette rencontre.

Comme les poissons de cette calanque sont craintifs et difficiles à approcher, j'essaye de me fixer sous un surplomb pour les laisser venir à moi. Mais ma tactique n'est pas une franche réussite, seul un banc de jeunes sars communs et d'oblades s'est présenté devant l'objectif de mon Olympus TG4.

Près du fond je remarque la présence de nombreux poissons lapins, mais à l'instar des poissons perroquets ils ne se laissent pas approcher. Le temps de descendre en apnée les voir de plus près ils disparaissent. Au bout de nombreuses tentatives, j'ai quand même pu tirer le portrait à celui-ci, il s'agit d'un poisson lapin à queue tronquée (Siganus luridus).

Dans des fonds moins profonds je suis parvenu à observer deux autres poissons lapins de plus près. On remarquera que les poissons lapins à queue tronquée peuvent présenter une coloration assez variable, ils peuvent être uniformes (comme celui de droite) ou bicolores (comme celui de gauche). Cette espèce originaire de mer Rouge a progressivement envahi la Méditerranée à partir du canal de Suez, en tout cas elle est bien arrivée en mer ionienne et semble s'être durablement installée dans cette partie de l'île de Corfou.

Pendant que je me tiens près du fond pour guetter les poissons lapins, un loup (Dicentrarchus labrax) passe fugacement à quelques mètres devant moi.

Histoire de finir cette plongée en beauté, alors que je m'approche doucement du bord, je tombe sur un petit mérou craintif qui se dissimule sous un abri dès que je m'intéresse d'un peu trop prêt à lui. Je décide de prendre mon temps pour l'approcher, sans le brusquer. En restant un moment à explorer sa zone sans forcement aller dans sa direction, petit à petit il finit par s'habituer à ma présence et il a commencé à quitter sa cachette. Sa curiosité à finit par prendre le dessus et il s'est laissé photographié. Ce mérou rayé est une jeune badèche (Epinephelus costae).

Cette sortie de snorkeling dans les calanques de Paleokastritsa aura tenu ses promesses pour la richesse de sa biodiversité. Comme vous aurez pu le constater dans mon récit, la Grande Bleue a ici un fort parfum de mer tropicale avec toutes ces espèces provenant des eaux chaudes situées plus au sud ! Pour un photographe sous-marin qui a l'habitude d'explorer les fonds de Méditerranée, plonger à Agios Spyridon est donc très dépaysant ! Cela dit, ce constat montre qu'avec le réchauffement climatique il va falloir s'attendre à voir débarquer de plus en plus de nouvelles espèces sur nos côtes au fil des années ...

Paleokastrista à Corfou

Paleokastritsa est une station balnéaire située sur la côte nord-ouest de l'île. Avec ses eaux claires, ses grands falaises blanches surmontées d'une végétation dense et verdoyantes, les paysages naturels de cette localité font parties des plus beaux de l'île. La côte de Paleokastritsa a tout ce qu'il faut pour trouver une faune sous- marine abondante et variée : Des îlots, des formations rocheuses riches en anfractuosités, des tombants, des grottes et des plages.