• Seconde exploration de Cala Egos à Majorque

    Après une première plongée riche en découvertes à Cala Egos, j'ai eu envie de poursuivre les explorations sous-marines dans cette jolie calanque. Ce matin la mer est calme et chaude, avec une température de l'eau à 25°C la combinaison n'est pas nécessaire, le top néoprène de 1 mm suffit amplement histoire d'offrir une protection contre les ultraviolets et les éventuelles méduses. Personnellement je préfère toujours me couvrir plutôt que d'utiliser des crèmes solaires qui peuvent nuire à la faune et la flore. L'avantage de plonger en eau chaude c'est qu'on est vite prêt à rejoindre le monde de Neptune, j'espère juste que cette sortie sera aussi fructueuse que la précédente !

    Bien entendu les premiers poissons que je croise sont des oblades (oblada melanura). Comme lors de ma plongée de la veille elles sont très nombreuses à tourner autour des jambes des baigneurs dans les premiers mètres parcourus dans l'eau.

    oblades

    Mais elles ne sont pas les seules aujourd'hui, quelques sars communs (diplodus sargus) se sont joints à elles. Tous ces poissons se regroupent parfois en petits bancs qui restent près de moi au cas où je soulève un peu de substrat dans lequel ils pourraient puiser de la nourriture.

    sars et oblades

    Dans les cavités rocheuses je repère quelques petites colonies de faux corail (myriapora truncata). Ces bryozoaires arbustifs se développent à l'abri de la lumière, on les rencontre donc de préférence sous les surplombs ou dans les cavités rocheuses. Ces animaux coloniaux sont composés d'un grand nombre d'individus, les zoïdes, qui vivent dans les logettes d'un exosquelette calcaire commun. C'est ce dernier qui donne l'impression qu'il s'agit d'une formation corallienne, d'où le nom de "faux corail".

    faux corail

    Un peu plus loin je tombe sur une vieille connaissance, la rascasse de Madère (scorpaena maderensis). Je l'avais déjà observé à Lanzarote en 2019 et je la retrouve en nombre à Cala Egos. Parmi les signes distinctifs qui permettent de la reconnaitre citons les lignes de petits points blancs présents sur ses flancs, les bandes sombres visibles sur sa queue et l'absence de grand lambeaux cutanés derrière les yeux. La rascasse de Madère est bien répartie dans toute la Méditerranée bien qu'elle soit originaire de l'Atlantique subtropical nord. Elle est présente dans les eaux côtières françaises mais comme elle n'aime pas trop l'eau froide elle n'y est pas très fréquente.

    rascasse de Madère

    Les parois rocheuses de Cala Egos abritent bien des habitants, voilà que je découvre la tête d'une petite murène (muraena helena) qui dépasse timidement d'un trou difficile d'accès. J'espérais bien en voir une avant de quitter Majorque, c'est chose faite même si j'aurais aimé en trouver une plus grosse et moins craintive.

    murène

    Une nouvelle rascasse de Madère se manifeste pendant que je photographie la murène.

    rascasse de Madère

    Je passe du temps à inspecter tous les étages de la falaise. J'y observe pas mal d'apogons communs (apogon imberbis). Je prends soin de ne pas régler mon éclairage trop fort et d'attendre qu'ils soient en confiance pour déclencher les photos. Les moins timides se laissent parfois approcher, si on n'est pas trop brusque.

    apogon

    Rares sont les apogons qui s'aventurent en dehors de leur cachette sombre durant la journée. L'un d'eux paraît plus téméraire que les autres et se lance dans une petite incursion le long de la paroi. 

    apogon

    En suivant les pérégrinations de l'apogon je tombe sur le joli panache branchial d'une protule (protula tubularia). La protule lisse est un ver sédentaire qui vit dans un tube calcaire fixé au substrat

    protule

    Je parviens désormais dans une partie agitée de la crique, ici il y a pas mal de remous. Les vagues qui convergent vers cette zone y ont rassemblé un grand nombre de méduses pélagies (pelagia noctiluca), le problème c'est que la majorité d'entre elles ont déployé leurs longs filaments urticants, il faut donc que je m'extirpe de là sans tarder ...

    pélagie

    Du coup je traverse la largeur de la calanque pour rejoindre l'autre rive. De ce côté je retrouve les belles colonies de botrylloides fer à cheval orange (botrylloides niger) que j'avais découvert la veille.

    botrylloides fer à cheval orange

    En inspectant la roche mon oeil est attiré par un ensemble dense de petites protubérances dorées fixées à la roche. Il s'agit d'une colonie d'ascidioles néon (Pycnoclavella aurilucens), ces petites clavelines sont très colorées et brillantes, une véritable splendeur sous-marine !

    ascidioles néon

    Comme elles sont minuscules, çà vaut le coup de s'attarder sur elles avec l'appareil photo réglé en mode macro. Par ce biais là nous percevrons bien mieux les subtiles détails de ces organismes semi translucides qu'en les étudiant sur site à travers le masque de plongée.

    ascidioles néon

    De ce côté de la calanque aussi il y a des apogons. Celui-ci a bien voulu prendre la pose.

    apogon

    En jetant un coup d'oeil au fond de la calanque je remarque un beau mérou brun (epinephelus marginatus) installé dans le creux d'un rocher. Je descend lui rendre visite en apnée vers cinq mètres de profondeur mais il n'apprécie guère l'intérêt que je lui porte. En guise d'avertissement il dresse les arrêtes de sa nageoire dorsale.

    mérou brun

    Le temps de monter reprendre ma respiration à la surface, je vois qu'il part se réfugier sous un rocher. Je redescends le voir une dernière fois puis je le laisse tranquille. En tout cas ce spot de Cala Egos m'aura étonné pour sa population de mérou, la dernière fois que j'en ai vu autant c'était à la réserve marine de Port Cros en 2017 !

    mérou brun

    Je retourne à l'exploration attentive de la paroi rocheuse en espérant trouver quelques limaces de mer à proximité des éponges et des hydraires, mais sur ce plan je reste complètement bredouille ... Cala Egos ne semble pas être un spot à nudibranches.

    Dans un trou très sombre je découvre un crustacé que je connais bien et que je ne m'attendais pas à voir ici, voilà un crabe plat des oursins (percnon gibbesi). Je l'ai croisé pour la première fois en Thaïlande en 2017, je l'ai retrouvé à Lanzarote en 2019 et voilà que je le découvre aux Baléares en 2021 ! A la base, ce crabe est originaire des mer chaudes des Caraïbes ou de l'Indo-pacifique. Mais depuis une quinzaine d'années il s'est introduit en Méditerranée par le détroit de Gibraltar et poursuit continuellement sa progression vers le nord. Il n'y a pas qu'aux Baléares qu'il a fait son apparition, il a également été repéré sur la Côte d'Azur depuis 2015. Encore une preuve du réchauffement climatique ?

    crabe plat des oursins

    Pendant que je photographie le crabe dans son antre obscure, une oblade curieuse est passée tout près de moi.

    oblade

    Voici un petit triptérygion nain, mais celui-ci fait partie de la sous-espèce du sud de la Méditerranée. Il se distingue de celui que l'on observe sur nos côtes françaises par la grosse tache noire présente sur son pédoncule caudal. Il s'agit ici de "tripterygion melanurum melanurum", alors que notre espèce septentrionale est "tripterygion melanurum minor". Il n'y a pas à dire, faire de la plongée bio çà aiguise le sens de l'observation !

    triptérygion nain

    Alors que je m’apprête à quitter la zone des falaises je remarque un autre crabe plat des oursins. Bien qu'il soit considéré comme invasif il faut bien avouer qu'il est très esthétique avec ses belles couleurs.

    crabe plat des oursins

    En retournant vers la plage je regarde une dernière fois les splendides girelles paon (thalassoma pavo) qui se déplacent avec une facilité déconcertante dans les vagues. Je ne suis malheureusement pas aussi agile qu'elles dans les remous mais je parviens quand même à tirer le portrait d'une grande femelle dont le ventre distendu semble indiquer qu'elle est en gestation.

    girelle paon

    Cette dernière sortie à Cala Egos s'achève ici, encore une fois je me suis bien régalé. Je garderai un bon souvenir de cette calanque de Majorque riche en faune.

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       Cala Egos à Majorque

    La calanque de cala Egos est située entre les ports de Portopetro et de Cala Llonga, à proximité de la station balnéaire Cala d'Or sur la côte sud-est de l'île de Majorque. Il s'agit d'une jolie petite crique étroite et longue, elle serpente entre des falaises couvertes de pins. Au fond de la calanque se trouve une petite plage de sable fin entourée de grands complexes hôteliers qui nuisent un peu à la beauté du site. Heureusement ces derniers n'empêchent pas d'accéder à librement à la calanque. En tout cas Cala Egos demeure un spot intéressant pour la plongée en snorkeling car le coin est assez poissonneux. Les falaises regorgent également de recoins et d'anfractuosités à visiter.

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    jeandeflorette
    Mardi 3 Août 2021 à 17:54

    Salut Laurent,

    avec ses deux sorties tu ne dois pas regretter le choix de ta destination pour les vacances!. Et avec une eau à 25° je pense que tu dois être souvent dans l'eau!! Ici après mistral c'est redescendu à 19!!  Beaucoup de jolies observations et notamment les ascidioles néon et les  botrylloides fer à cheval orange... Ne parlons pas de l'abondance de mérous. C'est une réserve?

    Je te souhaite une bonne continuation et encore de belles explorations.

    A bientôt.

    2
    Mercredi 4 Août 2021 à 00:48

    Salut André !

    C'est sûr que je n'ai pas regretté ce choix, le coin de Cala d'Or et Cala Egos regorge de calanques escarpées à visiter à snorkeling. Par contre le séjour était trop court, on y est resté que quelques jours.

    Cala Egos n'est pas une réserve, mais je n'y ai vu aucun chasseur sous-marin et aucun pêcheur lors de mes deux sorties là bas. Comme la plage est entourée d'hôtels je pense que les locaux voient d'un bon oeil que le coin reste poissonneux, pour le plaisir des baigneurs qui étaient nombreux à y nager équipés d'un masque et d'un tuba et du bateau à fond de verre qui fait plusieurs incursions dans la calanque durant la journée.

    Ce que j'ai apprécié lors de ces plongée c'est que tout en restant en Méditerranée j'ai pu découvrir des espèces qu'on ne voit pas chez nous, les ascidioles néons et les botrylloides en autres.

    Et pour les mérous je suis le premier surpris, observer trois mérous en 1h de plongée, çà n'arrive pas souvent ! Par contre j'ai noté qu'ils étaient aussi farouches que chez nous, impossible de les approcher sereinement, j'ai galéré pour les photographier correctement ...

    Espérons qu'un jour nous en ayons autant au Mugel !

    A bientôt !

     

     

    3
    thomas
    Mercredi 4 Août 2021 à 10:18

    Très jolies ces botrylloides, dommage qu'on ait pas ça chez nous !

    4
    Mercredi 4 Août 2021 à 11:32

    Salut Thomas !

    T’inquiètes, au rythme ou les espèces tropicales déferlent chez nous à la faveur du réchauffement climatique on l'aura bientôt ce botrylloides flamboyant ! C'est vrai qu'il est vraiment beau celui-là, sur les rochers on ne peut pas le manquer, une véritable splendeur.

    En seulement deux plongées à Cala Egos j'ai pu observer quatre espèces invasives d'origines tropicales qui se sont installées aux Baléares : le botrylloides à fer à cheval orange, l'éponge bourse pailletée, la rascasse de Madère et le crabe plat des oursins. C'est quand,même fou, je n'avais vu aucune des quatre lors de mon dernier séjour à Majorque en 2015.

    En feuilletant un magazine hors série de "plongez" sur la Méditerranée je suis tombé sur un très bon article intitulé "la Méditerranée, une mer tropicale" qui décrit comment depuis une quinzaine d'années des espèces arrivent par le canal de suez ou le détroit de Gibraltar et s'acclimatent à une vitesse affolante à la Grande Bleue.

    https://www.plongez.fr/sommaire-hors-serie-2021/

    On a déjà récupéré les girelles paon, le concombre cracheur marron, et l'étoile de mer épineuse, certains plongeurs ont déjà repéré des poissons lapins et des poissons flutes sur le littoral provençal, et on est pas loin d'accueillir les rascasses volantes dont la progression vers l'ouest à déjà touché l'Italie.

     

    5
    thomas
    Samedi 7 Août 2021 à 12:25

    Salut Laurent, la Méditerranée se tropicalise bien trop vite en effet, déjà vu beaucoup (trop) de rascasses volantes en Turquie il y a 2 ans, et de plus en plus souvent des barracudas ici, à quand les poissons clowns ?!

    6
    Pascal
    Vendredi 27 Août 2021 à 13:41

    Bonjour Laurent, une fois encore de superbes photos ... merci 

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