• Première plongée de 2024 au Petit Mugel

    Le mois d'avril offre généralement quelques belles journées mais cette année le printemps tarde à s'imposer et la météo reste désespérément venteuse et fraiche. Du coup c'est dans des conditions peu idéales que j'ai lancé ma saison de snorkeling 2024. Aujourd'hui j'ai choisi de retourner plonger au Petit Mugel à la Ciotat car la calanque est plutôt bien abritée du vent. Malgré la fraicheur de l'air, le Soleil apporte en ce début d'après-midi une belle lumière et la Méditerranée apparaît cristalline.

    La mer est tellement limpide que depuis le bord je peux déjà distinguer les rochers immergés et les herbiers de posidonie qui parsèment le fond de la calanque. La mise à l'eau est moins difficile que ce que j'imaginais, avec le froid qui règne depuis quelques jours en Provence je m'attendais à une Méditerranée à 13 ou 14°C mais finalement elle est à 15°C. Vu que je plonge avec une combinaison de seulement 2 mm je préfère çà !

    Je commence les explorations par la côte rocheuse de la rive ouest, là bas je connais quelques trous qui abritent généralement une faune intéressante. Voici un triptérygion nain mâle (triptérygion melanurus minor) à la parade, il pose en arborant fièrement ses belles couleurs au milieu d'une colonie de madrépores jaunes.

    Ces cavités sombres hébergent à la belle saison des poissons intéressants, des apogons, des serrans, parfois de jeunes mérous mais aujourd'hui seul un crénilabre paon (Symphodus Tinca) fréquente les lieux.

     

    Un peu plus loin je croise une belle blennie de Zvonimir mâle (parablennuis zvonimiri) qui elle aussi arbore une livrée flamboyante, on sent bien que la période de reproduction commence !

    blennie de Zvonimir

    La pauvre blennie est parasitée par une anilocre (anilocra frontalis), un crustacé isopode suceur de sang, le vampire des océans ! Vu sa taille importante il s'agit d'une anilocre femelle.

     

    Depuis quelques années j'ai noté une régression des éponges sur les parois rocheuses du Petit Mugel, par contre du côté des ascidies tout va bien, elles semblent bien prospérer et de nombreuses espèces différentes se sont établies les zones ombragées de la calanque. Le spécimen photographié ci-dessous semble être une colonie de didemnide des delesseria (trididemnum delesseriae). Ce tunicier est caractérisé par une tunique translucide présentant une teinte bleu-grisâtre avec de petites trainées blanchâtres. Cette espèce est généralement observée sur la côte Atlantique mais sa répartition est mal connue, apparemment elle semble également présente en Méditerranée.

    didemnide des delesseria

    Quelques espèces d'éponges font tout de même de la résistance au Mugel, à l'image de ce petit sycon (sycon raphanus). Cette minuscule éponge en forme d'outre ne dépasse pas 5 cm de haut, elle est recouverte de spicules calcaires qui lui confèrent un aspect un peu hirsute.

    sycon

    Ou encore cette éponge épineuse blanche (Pleraplysilla spinifera) que j'observe pour la première fois. On peut la reconnaitre facilement avec sa teinte claire et ses nombreuses pointes.

    éponge épineuse blanche

    Une étoile de mer épineuse (coscinasterias tenuispina) déambule lentement parmi les algues qui tapissent le fond. Cette belle étoile de mer présente la particularité d'avoir un nombre de bras très variable, celle-ci est assez classique avec ses 5 bras, mais elle peut en posséder jusqu'à 10 !

    étoile de mer épineuse

    Les paysages sous-marins m'avait manqué, quel plaisir de retrouver les splendeurs de la Méditerranée !

    Mon regard est attiré par un animal en mouvement au pied de la paroi rocheuse verticale. Voilà un grand poulpe qui se déplace parmi les rochers vers 2,5 mètres de fond. Je ne manque pas d'aller le rejoindre en apnée.

    Le poulpe est méfiant, il ne s'enfuit pas mais me surveille attentivement depuis l'arrière d'un rocher où il s'est réfugié. Voilà une belle rencontre !

    En remontant à la surface, je reste un moment immobile pour reprendre mon souffle. Je fais face à une petite prairie d'algues touffues ballottées par la houle. Alors que j'observe leurs va-et-vient incessants, j'ai la surprise de croiser le regard d'une petite rascasse brune (scorpaena porcus) parfaitement cachée parmi les algues. Alors celle-là il fallait arriver à la voir, heureusement que je n'ai pas posé la main là !

    rascasse brune

    Je retourne dans les grottes pour découvrir ce qui s'y cache. Sous un surplomb j'admire un beau bouquet de zoanthaires jaunes (parazoanthus axinellae). Cette espèce, aussi appelée "anémone bouton d'or", est abondante dans les entrées des grottes ou sous les surplombs ombragés. Bien que commune, je ne me lasse pas de les photographier, elles font parties des trésors colorés de Méditerranée !

    Une petite blennie à tête noire (microlipophrys nigriceps) surgit dans le faisceau de ma lampe de plongée. Je croise assez régulièrement ce petit poisson très coloré dans les cavités du Mugel.

    J'essaye de me rapprocher d'elle pour réaliser un portrait détaillé mais la lumière de la lampe l'incommode et elle ne veut pas prendre la pose. Du coup je n'insiste pas et la laisse tranquille.

    Je scrute attentivement la paroi rocheuse en quête de doris dalmatiens mais ils semblent absents aujourd'hui. Par contre je repère une toute petite dromie (dromia personata) bien camouflée parmi les éponges.

    dromie

    Un peu plus loin, j'observe une grosse rascasse brune (scorpaena porcus) qui est postée en embuscade à l'entrée d'une anfractuosité. Elle présente une belle livrée à la teinte rougeoyante.

    rascasse brune

    En découvrant cette rascasse de belle taille, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'un chapon. Mais les lambeaux de peau présents au dessus de ses yeux sont très grands et touffus, il s'agit bien d'une rascasse brune. Autres signes distinctifs permettant de les différencier, les yeux du chapon sont proportionnellement plus petits que ceux de la rascasse brune par rapport à la taille de la tête et le museau du chapon est légèrement retroussé vers le haut.

    rascasse brune

    Le vent s'intensifie et la houle devient vraiment fatigante. Je me hâte de nager vers les îlots du cap de Nege Froume pour aller visiter mes coins à nudibranches avant que la situation s'empire. Je parcours très lentement les petits tombants en ouvrant l’œil, car repérer ses minuscules animaux n'est pas du tout évident, surtout quand on est balloté par les vagues et et qu'on se retrouve parfaitement instables. A défaut de limaces de mer, je repère une jolie colonie de synascidie de Lacaze (Polysyncraton lacazei) qui tapisse la roche.

    Au bout d'un moment de recherche, je finis quand même par trouver une limace de mer, je commençais un peu à désespérer ! Voilà une hervia (cratena peregrina) accrochée à sa branche d'hydraire. Le petit animal est accompagné de sa ponte.

    hervia

    Je continue mon exploration attentive et je finis par poser l’œil sur une petite tache blanche étirée, posée parmi les algues. Cette fois-ci, c'est une facéline de Marion (facelinopsis marioni) qui passe devant mon appareil photo. Ce nudibranche est bien plus petit que l'hervia, mais il se repère assez bien avec ces cérates d'un blanc éclatant qui contraste avec le substrat foncé. 

    facéline de Marion

    La facéline de Marion est plutôt commune dans le parc des calanques de la Ciotat, je l'observe régulièrement au Petit Mugel mais aussi à l'anse du Sec.

    facéline de Marion

    En fouinant je parviens également à observer une calmella (calmella cavolini), c'est la plus minuscule des trois espèces de limaces de mer observées aujourd'hui. La calmella est une espèce endémique à la Méditerranée, elle est surtout présente dans la partie occidentale de la Grande Bleue. L'hervia, la facéline de Marion et la calmella constituent le trio de nudibranches le plus fréquemment rencontré dans le secteur. D'habitude je peux rajouter à la liste le doris dalmatien mais aujourd'hui il était absent des grottes où il est d'ordinaire présent.

    calmella

    Je commence à sérieusement me refroidir, puis je dois dire que la houle m'a bien fatigué. Je tire "un tout droit" vers les rochers d'où je me suis mis à l'eau. En me rapprochant du bord, je remarque un creux situé à la base d'un gros bloc rocheux. Malgré la fatigue, je laisse parler ma curiosité et je descends passer la tête dans cette anfractuosité. Et j'ai bien fait, car ce petit recoin obscur abrite un grand ver marin dont le panache branchial coloré est déployé. Comme ce dernier est tourné vers le sol, j'ai du mal à l'identifier avec certitude mais les motifs dessinés sur sa face inférieure et sa forme générale me laisse à penser qu'il s'agit d'une sabelle (sabella pavonina) et non d'un spirographe.

    sabelle

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       La calanque du Petit Mugel

    La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.


     

     


  • Commentaires

    1
    Mélina
    Samedi 27 Avril à 06:25
    Chouette balade, ça faisait longtemps !
    2
    Pascal
    Samedi 27 Avril à 08:56

    Bonjour Laurent, merci de nous partager ces belles photos pleines de couleurs ... Vu de Belgique, ça nous rapproche des vacances yes

    3
    Samedi 27 Avril à 10:23

    Salut !

    @ Mélina : Oui çà commençait à me manquer ! Tes belles photos de nudibranches que j'ai admiré sur instagram m'ont donné envie de m'y remettre et m'ont encouragé à aller affronter la houle et l'eau froide :) Mais vivement que les conditions s’améliorent, plonger avec le vent c'est vraiment pénible.

    @ Pascal : Vu la fraicheur qu'on se paye à Marseille en ce moment, j'imagine ce que çà doit être en Belgique ! Heureusement la belle saison approche :)

    4
    chantal
    Samedi 27 Avril à 17:41

    Belles photos. J'espère aller au Mugel courant Mai si le temps le permet. Moi j'ai commencé ma saison snorkeling 2024 depuis Janvier 2024 à Morgiou. La flore sous-marine en hiver est magnifique mais depuis plus de 15 jours la météo est trop mauvaise et ne me permet pas de faire du snorkeling. Courageux d'avoir affronté le vent et la houle au Mugel. A bientôt pour les prochaines photos

    5
    Samedi 27 Avril à 18:30

    Bonsoir Chantal !

    Pour le coup c'est vous qui avez été courageuse en plongeant à Morgiou en janvier ! Il n'y a pas beaucoup d'heures de Soleil dans la calanque à cette période de l'année. Mais quand on voit la météo qu'on se paye depuis 15 jours, on peut se dire que le mois de janvier a effectivement offert quelques journées plus propices au snorkeling que le mois d'avril. 

    6
    chantal
    Samedi 27 Avril à 19:07

    Bonsoir,

    En Janvier l'eau de mer était 12 degré, en Février entre 13 et 14 degré et mars et avril 15degré. je pense qu'avec le vent la température a dû descendre de quelques degrés. J'ai été étonnée à plusieurs endroits comme la grotte bleue on pouvait pas prendre de photo, l'eau de mer était trouble dû aux eaux de sources qui étaient importantes. Par endroit on voyait l'eau douce sortir au fond de la mer. A bientôt bon week-end avec vent et pluie

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    7
    jeandeflorette
    Dimanche 28 Avril à 13:23

    Hello, 

    Une bien belle sortie et  de jolies photos! Je n'ai pas encore eu le courage d'aller voir au Mugel. J'attends que ça soit réserve marine. Dis moi que ça ne va plus tarder... wink2

    A bientôt.

    8
    Dimanche 28 Avril à 14:47

    @ Chantal : Une eau à 12°C çà commence à piquer, c'est courageux ! J'ai connu çà aussi, l'eau trouble dans la grotte bleue, c'est assez déconcertant. On peut avoir une très mauvaise visibilité là bas, surtout quand on y plonge après un épisode de pluie, çà accentue les infiltrations d'eau douce.

    @ JDF : J'espère que çà va arriver rapidement aussi ! Je pense que çà va vraiment être bénéfique à la calanque, à nos petits mérous, aux poulpes et à la grande cigale de mer, si elle y est toujours ! Par contre je trouve qu'il y a beaucoup de monde au Mugel maintenant, même hors saison. Je me souviens des premières années où nous allions plonger ensemble, nous étions presque seuls dans la calanque. Là, en avril, avec une météo moyenne et un vent frais désagréable, je me serais cru au mois de juillet,  j'ai eu du mal à trouver un coin tranquille pour poser mon paquetage et me changer !

    9
    Dimanche 28 Avril à 23:51

    Salut à tous !

    Je profite de nos échanges pour vous signaler la sortie prochaine d'un guide consacré aux nudibranches. Les guides francophones sur le sujet sont suffisamment rares pour que cette sortie soit soulignée. Le guide est actuellement en prévente à un tarif préférentiel sur le site de l'éditeur provençal Mediterraneus, le mien est commandé :

    https://www.editions-mediterraneus.fr/produit/guide-des-limaces-de-mer-de-mediterranee/

     

     

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