-
Première plongée à Nissarka sur l'île de Chypre
Me voilà parti pour un séjour d'une semaine sur l'île de Chypre. Ma première plongée se déroule dans la baie de Nissarka à Pegeia, à quelques kilomètres de la ville de Paphos, sur la côte sud-ouest de l'île. Aujourd'hui je plonge à la mi-journée pour découvrir les lieux, mais ce n'est pas le moment le plus agréable de la journée car il fait vraiment très chaud et l'atmosphère est moite, l'air est un peu étouffant. Mais quand on découvre un nouveau site de plongée, les désagréments sont vite oubliés, la curiosité prend vite le dessus.
Dans ces conditions, j'ai encore plus hâte de me mettre à l'eau et de me rafraîchir qu'à l’ordinaire. Près du bord la mer est à 27°C, ça change des bains glacés de la mi-août à Marseille où la Méditerranée affichait 10°C de moins. De mon point de mise à l'eau, je repère un pan de côte qui présente de nombreux rochers semi immergés. Le coin me semble prometteur et je décide de le rejoindre.
Sur le trajet je ne croise pas grand chose, les fonds sous-marins alternent des petits blocs rocheux, des bancs de sable et quelques îlots d'herbiers de posidonie.
Les premiers poissons que je rencontre sont des immigrés lessepsiens, c'est-à-dire qu'il sont arrivés de Mer Rouge par le canal de Suez et se sont acclimatés et implantés dans les eaux chaudes de la Méditerranée orientale. A commencer par de drôles de rougets, ils sont clairs avec une bande noire longitudinale et des marques jaunes au niveau de la queue, il s'agit du barbet de Mer Rouge, que l'on appelle aussi capucin à bande noire (Parupeneus forsskali). La première signalisation de ce poisson dans les eaux de Chypre remonte à 2014, neuf ans plus tard il y en a partout !
Ils sont souvent accompagnés de poissons lapins à ventre strié (Siganus rivulatus). Ces derniers sont vraiment très nombreux par ici ! Cette espèce originaire de Mer Rouge a connu une expansion fulgurante en Méditerranée, il a été signalé en Palestine en 1927 et depuis il a littéralement envahi les côtes du Liban, de Syrie, de Chypre, de Mer Égée, de Libye, de Tunisie, et de Croatie. Notons que même s'il n'est pas officiellement implanté sur le littoral français deux spécimens ont déjà été pêchés au large de Sausset les Pins (près de Marseille) en 2009 ! Un autre aurait été observé en Corse. A la faveur du réchauffement climatique sa vitesse d'expansion vers l'ouest de la Méditerranée est fulgurante ... Dans le banc photographié ci-dessous un sar local semble perdu au beau milieu des poissons tropicaux.
Sur les rochers du bord de mer je ne remarque pas grand chose d'intéressant si ce n'est qu'ils sont couverts par une algue buissonnante et touffue, la cystoseire (Cystoseira spp.). Elle forme par endroits de petites forêts ou les poissons juvéniles peuvent trouver nourriture et refuge.
En regardant ces algues de plus près, je découvre une petite limace de mer qui glisse lentement sur la roche. Voici une thuridille de Hope (Thuridilla hopei) très colorée ! Ce très beau tectibranche est endémique de notre Méditerranée.
Je continue mon exploration vers un petit cap rocheux. Le fond de l'eau est garni de gros blocs qui comportent quelques petites cavités à visiter dans leurs parties basses. J'effectue de petites apnées pour découvrir ce qu'elles cachent mais je n'y observe pas grand chose d'intéressant si ce n'est quelques dents de cochon (Balanophyllia europaea), de petits cnidaires.
Les dents de cochon sont des madrépores solitaires ovales qui se développent sur les substrats durs bénéficiant d'un minimum de lumière.
Vers le cap, la mer devient plus transparente, un peu plus remuante et plus fraîche de 2°C. J'ai l'agréable surprise d'y croiser un banc de sérioles couronnées (Seriola dumerili) qui défilent à toute vitesse devant moi. C'est une belle rencontre inattendue ! On la reconnaît assez facilement avec son bandeau brun qui traverse à l'oblique la tête en passant par l’œil. Ces poissons ne tiennent pas en place mais ils semblent assez curieux car ils n'ont pas hésité pas à modifier leur trajectoire pour passer tout près de moi alors qu'ils avaient largement l'espace pour m'éviter.
Je décide de poursuivre mon circuit en coupant à travers la baie pour découvrir la variété des fonds marins de cette partir du littoral chypriote. je note que les poissons se regroupent parfois dans certains coins. Je descends en apnée et me maintiens au fond pour me mêler à eux. Par moment j'ai l'impression d'être dans un aquarium !
Je parviens maintenant à un gros talus de posidonie où se sont rassemblés de nombreux poissons lapins à ventre strié (Siganus rivulatus).
Ces poissons lapins sont occupés à dévorer goulûment des brins de posidonie, ils ne font guère cas de ma présence, c'est une aubaine pour moi.
Par contre, la scène à laquelle j'assiste illustre parfaitement la catastrophe écologique qui se déroule dans cette partie orientale de la Méditerranée où les poissons lapins invasifs dévorent dans des proportions inquiétantes les algues et plantes qui se trouvent sur leur passage.
Je poursuis mon périple jusqu'à une vaste zone peu profonde et parsemée de petits rochers irréguliers qui offrent pas mal de cachettes pour les animaux. Ici les poissons sont plus nombreux, notamment les girelles paons (Thalassoma pavo). Ces poissons sont parmi les plus colorés de Méditerranée, mais ils ne sont pas toujours faciles à photographier car ils sont très vifs.
Après le mâle, voici la femelle, elle aussi très colorée. Il s'agit d'une espèce typique des petits fonds éclairés, on les trouvent souvent près du bord, là où l'eau est agitée.
Je m'affaire à visiter un maximum de recoins cachés sous les rochers avec parfois de belles surprises. Voici un grand oursin diadème à anneau orange (Diadema setosum), impressionnant avec ses longues épines et son orifice anal entouré d'un anneau orange-rouge qui fait penser à un gros œil observateur. Lui aussi est un immigré lessepsien, originaire de la zone indo-pacifique il est considéré comme invasif en Méditerranée orientale.
Et voilà que dans les recoins obscurs des sous bassement d'un rocher je tombe maintenant sur un poisson écureuil de Mer rouge (Sargocentron rubrum) ! Décidément je vais finir par vraiment me croire en Mer Rouge à force de croiser des espèces exotiques !
Ce poisson - aussi appelé marignan rouget - se comporte comme nos apogons locaux, il affectionne les cavités très sombres et ne sort que la nuit. Il faut donc bien fouiner en profondeur sous les rochers pour l'observer. Ce poisson écureuil a commencé à se répandre en Méditerranée dans les années 1950, depuis il s'est largement installé au Liban, à Chypre, en Turquie et en Grèce.
La baie de Nissarka abrite de très beaux herbiers de posidonie, c'est rassurant de savoir que les poissons lapins n'ont pas encore tout grignoté !
Revoilà les sérioles couronnées qui ont fait le tour de la baie et qui reviennent dans ma direction. Je suis content d'avoir une nouvelle chance de les croiser de près. Les sérioles sont des poissons carnivores, elles chassent d'autres poissons, des crustacés et des seiches.
Il paraît que les eaux chypriotes regorgent de rascasses volantes mais j'ai beau regarder partout et visiter tous les trous que je rencontre je n'en vois aucune (c'est une bonne nouvelle pour la biodiversité locale !). Par contre j'ai remarqué la présence d'une petite rascasse qui se tient immobile en bordure immédiate d'un talus de posidonie. Comme elle est posée sur des galets clairs, sa livrée est toute pâle pour lui assurer un bon camouflage.
Je plonge en apnée pour m'en rapprocher et là elle change de couleur, elle reprend sa teinte naturelle rougeâtre. Avec la ligne de petits points blancs qui traverse son flanc et le petit barbillon présent sur son menton au niveau de l’œil je n'ai plus trop de doutes sur son identification, il s’agit d'une rascasse de Madère (Scorpaena maderensis).
Un peu plus loin je retrouve des fonds rocheux, cette baie est vraiment intéressante car plusieurs biotopes différents s'y côtoient.
Entre deux gros blocs rocheux je remarque la présence d'un petit poisson dont l'aspect ne m'est pas familier. J'essaye de me fixer au fond pour l'examiner de plus près mais j'ai du mal à l'identifier. Ses grosses écailles, ses yeux jaune orangé et sa bouche en forme de bec me laisse à penser qu'il s'agit d'un poisson perroquet méditerranéen (Sparisoma cretense) juvénile. En effet, les jeunes de cette espèce présentent deux lignes blanches sur leurs flancs et leurs nageoires sont grises, parfois orangées.
Avant de sortir de l'eau je m’attarde près d'un petit rocher où nage une belle girelle paon mâle. Celui-ci tourne toujours autour du même endroit, du coup je décide de me maintenir un moment sous l'eau à côté de ce petit recoin en guettant le poisson coloré. Ma patience a été récompensée puisque la girelle est venue devant mon appareil photo plusieurs fois en me permettant de tirer quelques jolis portraits.
Je termine cette première plongée chypriote avec la belle girelle paon. Aujourd'hui j'ai découvert le spot et j'ai surtout fait du repérage pour voir les zones intéressantes à revisiter plus en détails lors de mes prochaines sorties de snorkeling. J'ai trouvé le coin assez prometteur et j'ai été étonné de rencontrer autant d'espèces exotiques provenant de Mer Rouge et je pense que je ne suis pas aux bouts de mes surprises.
Baie de Nissarka à Chypre La baie de Nissarka est située sur la côte sud-ouest de l'île de Chypre, dans la localité de Pegeia, près de la ville de Paphos. Cette baie très ouverte comporte des fonds marins variés, une côte rocheuse, des zones sablonneuses et de grands herbiers de posidonie. Elle abrite également de petits îlots ressemblant à des récifs dépassant tout juste de la surface de l'eau, il s'agit des rochers de Nissaria et Nisarka.
Tags : snorkeling à Chypre, poissons de mer rouge à Chypre, espèces lessepsiennes, plongée à Chypre, snorkeling à Paphos
-
Commentaires
2LacsapVendredi 25 Août 2023 à 08:193chantalVendredi 25 Août 2023 à 13:35Bonjour Laurent . Très belles photos , bonnes vacances et à bientôt pour la suite de ce voyage.
Merci à vous, les vacances touchent malheureusement à leur fin, le prochain récit de plongée arrive bientôt avec une belle rencontre inatendue
Ajouter un commentaire
Salut ! Ce récit est le premier d'une série de quatre plongées en snorkeling effectuées à Chypre. Chaque sortie a apporté son lot d'observations exotiques ou étonnantes pour moi en Méditerranée. Il en ressort que cette partie de la grande bleue est fortement tropicalisée ... La suite aux prochains épisodes !