C'est parti pour une troisième plongée dans la baie de Nissarka, sur la côte sud-ouest de l'île de Chypre. Il fait un peu moins chaud aujourd'hui, la plongée promet d'être plus agréable que les premiers jours. Après la rencontre avec la tortue verte et le petit tétrodon constellé je me demande quelle surprise m'attend cette fois-ci.

La mise à l'eau est toujours aussi agréable, la mer est à 26°C aujourd'hui. Par chance la transparence s'est bien améliorée par rapport à la dernière plongée, c'est une bonne chose pour la photo sous-marine.

Je commence mon circuit sous-marin par la zone rocheuse qui s'est révélée être la plus prolifique en observations intéressantes lors des précédentes plongées. Ma première photo immortalise une éponge clione verte (Cliona viridis) dans sa livrée brunâtre. Il s'agit d'un organisme perforant qui se développe en creusant le substrat calcaire.

Je repère un gobie tapi dans l'ombre au fond d'une fissure étroite située sous un rocher.

Je continue à fouiller parmi les rochers. Je remarque de petites éponges ressemblant à des coussinets arrondis, il s'agit d'éponges cerveaux (Chondrilla nucula). La chair de l'éponge cerveau est très toxique, de ce fait elle n'a pas beaucoup de prédateurs. 

Sur le chemin je croise un nouveau banc de sérioles couronnées (Seriola dumerili), finalement cette espèce semble commune dans la baie de Nissarka, j'en observe à chaque plongée. Alors que je les photographie mon attention est détournée par la présence d'un long poisson visible en arrière plan. Un poisson flûte !!

Je tente d'approcher ce grand poisson très allongé, ce n'est pas une chose facile car il a compris que je m'intéresse à lui et il ne semble pas très en confiance.

Le poisson flûte (Fistularia commersonii) est un immigré de Mer Rouge de plus, il est même qualifié de "sprinter" lessepsien tellement sa progression en Méditerranée a été fulgurante. Il serait entré dans la grande bleue à l'an 2000 et il a suffit de sept ans pour qu'il parviennent jusqu'aux côtes françaises. Il a été observé dans le Var à Porquerolles en 2007 et dans les eaux de l'île de Planier dans la rade de Marseille en 2010 !

Voilà plus de 20 minutes que je tourne autour de ce poisson en restant à bonne distance pour qu'il se familiarise avec ma présence. Finalement il finit par se fixer sur un tas de feuilles de posidonie ce qui me permet de l'approcher délicatement. Le poisson flûte est facilement reconnaissable avec son long museau en trompette. Il se nourrit de poissons, de mollusques, de crustacés qu'il happe avec sa bouche protractile.

Je laisse le poisson flûte à ses occupations et je file vers des eaux un peu plus profondes. Sur le trajet je croise un sar à à tête noire (Diplodus vulgaris) qui me rappelle que je suis bien en Méditerranée, j'avais failli oublier !

Je descends en apnée visiter une cavité située à 3 mètres de profondeur sous un gros bloc rocheux et j'ai la surprise de tomber sur un marignan rouget (Sargocentron rubrum).

Lors des plongées précédentes j'ai eu un peu de mal à photographier correctement ces poissons des zones obscures car il craignent la lumière de la lampe de plongée et ils s'agitent énormément. Cette fois-ci je prends mon temps, je fais plusieurs descentes en me fixant vers le fond et en attendant que le poisson écureuil s'habitue à ma présence et se calme. Avec de la patience et pas mal d'efforts le stratagème fonctionne et je parviens à lui tirer le portrait.

Ce poisson est originaire des eaux tropicales de Mer Rouge, de l'océan Indien et du Pacifique ouest, il a profité de l'ouverture du canal de Suez pour s'installer en Méditerranée orientale. On lui attribut plusieurs noms vernaculaires : marignan rouget, poisson écureuil de Mer Rouge, ou encore poisson écureuil à manteau rouge. Il se nourrit principalement de crustacés, surtout des crabes et des crevettes. C'est vraiment un beau poisson.

Pendant que je reprends mon souffle à la surface, je découvre sur un rocher une colonie d'hydraires arbre de Noël (pennaria disticha). Ce grand hydraire ne passe pas inaperçu avec ses grands polypes blancs qui ressemblent de loin à des boules de neige.

Ces polypes sont très urticants, c'est pour cette raison qu'on l'appelle également ortie de mer. Cette espèce est cosmopolite des mers chaudes et tempérées.

Après cette pause, il est temps de repartir explorer la baie.

Je trouve que les poissons lapins à ventre strié (Siganus luridus) ont un faux air de nos saupes locales. Celui-ci est accompagné par une girelle commune (Coris julis) opportuniste qui surveille ce que le poisson lapin rejette en fouinant, des fois que les résidus contiennent de quoi manger.

En retournant vers la plage de galet je passe au dessus de grandes étendues sablonneuses qui paraissent dénuées de vie au premier abord. Mais l’œil averti saura débusquer ici quelques poissons bien camouflés à l'image de ce petit rombou (Bothus podas) au talent mimétique hors pair.

Mon Olympus TG4 n'a presque plus de batterie et juste à ce moment là je croise un tetrodon constellé (Torquigener flavimaculosus). J'ai juste le temps de faire une image d'approche et l'appareil photo s'éteint complètement, pas de chance ... C'est dommage car le tetrodon me montre une attitude intéressante, il est posé sur le fond et paraît creuser le sable avec l'une de ses nageoires pectorales. Certains poissons de cette famille sont connus pour dessiner des crop circles dans le sable, je me demande si celui-ci n'était pas en train de commencer un dessin.

Baie de Nissarka à Chypre

La baie de Nissarka est située sur la côte sud-ouest de l'île de Chypre, dans la localité de Pegeia, près de la ville de Paphos. Cette baie très ouverte comporte des fonds marins variés, une côte rocheuse, des zones sablonneuses et de grands herbiers de posidonie. Elle abrite également de petits îlots ressemblant à des récifs dépassant tout juste de la surface de l'eau, il s'agit des rochers de Nissaria et Nisarka.