• Fraiche plongée dans l'étang de Berre à Touret de Vallier

    Ce samedi 4 mai le vent s'est enfin calmé et même si le temps reste couvert, la douceur printanière me donne bien envie de retourner plonger. J'improvise sur le coup une sortie snorkeling, comme je compte prochainement retourner découvrir la faune de l'étang de Berre avec les copains sur mon spot de Touret de Vallier à Martigues, je décide de ce matin m'y rendre seul en éclaireur. L'an dernier j'avais pu y voir de nombreux animaux intéressants, une anguille, des syngnathes et de belles blennies paon notamment. Mais je n'y suis allé qu'une seule fois, ce n'est pas suffisant pour garantir que l'on puisse y observer ces espèces de façon régulière. L’étang de Berre étant assez instable en terme de température et de salinité il n'est pas évident que des espèces marines s'y établissent durablement.Je suis curieux de savoir ce que je vais y trouver ce coup-ci.

    Le spot de Touret de Vallier est situé dans un quartier résidentiel de Martigues très paisible. Mais il plaira surtout à ceux qui pratiquent le snorkeling "naturaliste", les amateurs de nage sportive ou de performances en apnée devront passer leur chemin. Ici l'eau vraiment peu profonde, c'est une véritable pataugeoire où il faut surtout être doué dans l'art de se faufiler comme une anguille entre les rochers en évitant de donner des coups de palme partout.   

    L'eau de l'étang est encore fraiche en cette saison, ma montre de plongée m'indique une température de 15°C. la transparence est plutôt bonne si on ne s'éloigne pas trop du bord. Le fond de ce coin de l'étang de Berre est jonché de nombreux rochers littéralement tapissés de colonies de moules. De loin on pourrait croire à des "patates" de récifs coralliens !

    C'est parti pour l’exploration détaillée de cet environnement où règnent les coquilles en tout genre. Ce début de plongée m'inquiète un peu car je ne vois pas grand chose bouger, les fonds semblent dénués de vie. Mais en ouvrant l’œil je découvre mes premiers habitants, voici une nasse qui rampent lentement sur le substrat.

    Les nasses sont vraiment nombreuses à arpenter le fond aujourd'hui, j’en vois partout ! La grande taille de ces gastéropodes, le pied musculeux blanc et moucheté de noir, la coquille qui présente un motif réticulé avec un maillage assez large semblent indiquer qu'il s'agit de nasses brillantes (tritia nitida).

    Le premier poisson croisé est une blennie sphinx (aidablennius sphynx) cachée dans un trou très étroit. Vu les couleurs bariolées visibles sur sa tête, il s'agit probablement d'un mâle. Cette blennie affectionne les petits fonds rocheux peu profonds et ce recoin de l'étang de Berre correspond bien à ce biotope.
     blennie sphinx

    J'évolue lentement entre les rochers et à défaut d'observer de grands animaux j'essaye d'en trouver des petits. Dans le creux d'une lame de laitue de mer je repère un tout petit crustacé que j'observe pour la première fois. Après recherche, je parviens à l'identifier, il s'agit d'une idotée baltique (idotea balthica). Cette espèce est omnivore mais elle apprécie surtout les algues, et en particulier les ulves, comme celle sur laquelle je l'ai trouvé.

    idotée baltique

    L'étang de Berre accueille une grande population d'actinies striées (actinia striata), il y en a un peu partout, sur les rochers, parfois même sur les coquilles des moules. Elles attirent l’œil avec leur teinte rougeâtre.

    Cette anémone endémique à la méditerranée se distingue par ses tentacules courts, sa base surlignée d'un liseré bleu et sa colonne finement striée longitudinalement.

    actinie striée

    Certaines d'entre elles présentent des teintes différentes de celles de leurs congénères, celle-ci possède un pied orange et des tentacules clairs légèrement verdâtres.

    Pendant que je photographie les anémones je remarque la présence d'un gros crabe de pierre de Méditerranée (Xantho poressa) qui m'observe à l'entrée d'une anfractuosité. Celui-ci se sent menacé par ma présence et il se met en position offensive en déployant ses impressionnantes pinces noires.

    xantho poressa étang de Berre

    Enfin un poisson qui nage ! Je n'en croise pas beaucoup aujourd'hui. Voici un petit sar juvénile qui a trouvé abri dans les eaux calmes de l'étang.  

    sar juvénile

    D'après les motifs présents sur ses flancs, il s'agit vraisemblablement d'un jeune sar à museau pointu (diplodus puntazzo).

    sar juvénile étang de berre

    Je m'éloigne des rochers pour explorer une zone un peu plus profonde. En nageant au dessus des fonds détritiques, je repère un gros mollusque qui rampe sur la vase vers deux mètres de fond. Je descends lui rendre visite, il s'agit d'un  rapane veiné (rapana venosa), un gastéropode originaire d'Asie et qui est présent dans l''étang de Berre depuis l'année 2015. Cette espèce invasive est désormais bien installée dans l'étang, les spécialistes le surveille attentivement car il est friand de bivalves et son impact sur la biodiversité locale est mal connu.

    rapane veiné

    En évoluant un peu en pleine eau la visibilité devient plus mauvaise car la mer est chargée de particules. je ne regrette pas le détour car j'y fais une rencontre étonnante : Voici un cténophore qui présente de jolies couleurs iridescentes, je me croirais dans le film Abyss ! Ces franches colorées visibles sur la tunique du cténaire sont dues à des rangées de peignes locomoteurs (cténidies) qui créent une diffraction de la lumière. Ces couleurs changent d’ailleurs en fonction de l'orientation de l'animal par rapport à l'incidence de la lumière. C'est vraiment un spectacle fascinant !

    cténophore étang de berre

    Le cténophore en question appartient à une espèce plutôt abondante dans l'étang de Berre, il s'agit d'une noix de mer (Mnemiopsis leidyi). Mais cet organisme gélatineux macro-planctonique est considéré comme invasif, car il est originaire des côtes Atlantiques américaines, il a probablement voyagé avec les eaux de balast de navires qui l'a transporté jusqu'en mer Noire dans les années 1980. Il a par la suite migré jusqu'à nos côtes méditerranéennes. 

    walnut cténophore étang de Berre

    Ce cténophore est présent dans l'étang de Berre depuis une dizaine d'années et il semble s'y plaire car il y prolifère. Il fait l'objet d'une étude approfondie car il s'agit d'un redoutable prédateur qui se délectent de proies allant du microplancton aux larves de poissons. Son incidence sur la biodiversité de l'étang est encore mal connue. Quoi qu'il en soit les noix de mer offrent un beau spectacle visuel pour les plongeurs et elles demeurent très photogéniques !

    En progressant le long de la côte rocheuse, je vais croiser un bon nombre de ces cténophores. Mais ils ne sont pas tout seuls, les méduses communes (aurelia aurita) fréquentent elles aussi l'étang en grand nombre. Évoluer au milieu de ces élégants gélatineux ne pose pas de problèmes, ils ne sont pas (ou très peu) urticants.

    méduse étang de berre

    Je continue ma randonnée aquatique vers le nord, ici l'eau est peu profonde et un peu plus chaude, ma montre affiche une température de 16°C ! Je le ressens car çà fait plus d'une heure que je nage avec ma combinaison de 2 mm et je commençais à avoir froid, le petit degré de plus est bienvenue.

    Lors de mes précédentes plongées dans l'étang j'ai pu observer à chaque fois un grand nombre de crabes, principalement des crabes verts de Méditerranée (Carcinus aestuarii) et des crabes verruqueux (Eriphia verrucosa). Aujourd'hui les crabes que je rencontre sont des crabes de pierre de Méditerranée (xantho poressa). Ce crustacé est facilement reconnaissable avec sa carapace lisse au pourtour arrondi. Ce crabe possède également de grande pinces aux extrémités noires.

    crabe de roche étang de Berre

    Je poursuis mon inspection minutieuse des rochers et j'y décèle une toute petite anémone dont l'aspect ne m'est pas familier. Avec ses tentacules clairs et sa colonne foncée traversée longitudinalement par des lignes orange, cette anémone semble correspondre à la description d'une anémone asiatique lignée (diadumene lineata). Ce cnidaire originaire des côtes asiatiques du Pacifique nord a été signalé pour la première fois en Méditerranée en 1971. Il supporte très bien les eaux saumâtres et les grandes variations de température, de ce fait il s'est bien acclimaté à l'étang de Berre.

     

    C'est alors que mon regard est attiré par un drôle de bout de bois marron posé sur le fond, quand je m’aperçois qu'il s'agit en réalité d'un gros syngnathe qui se tient immobile sur le sol !

    Alors là je suis vraiment content, c'est un peu pour eux que je suis revenu plonger ici et je me désespérais de ne pas en voir. Mon souhait a été exaucé, en plus j'ai droit à un gros spécimen ! Il n'est pas très farouche et se laisse facilement photographier, je savoure ma rencontre.

    Ce syngnathe est plus gros que ceux que j'ai pu observer l'an dernier, la forme de la tête et du museau me semble différente également. En fait je suis ici en présence d'une autre espèce, ce poisson correspond à la description du syngnathe-aiguille (syngnathus acus). Il se distingue par un museau long, une bosse sur la nuque et sa tête fait un angle avec le corps.  C'est la première fois que j'observe cette espèce, la dernière fois c'est le syngnathe de lagune (syngnathus abaster) que j'avais croisé. 

    Juste à côté du syngnathe se cache un crénilabre cendré d'étang (symphodus cinereus staiti), une sous-espèce du crénilabre cendré qui fréquente les eaux saumâtres des étangs littoraux comme ceux de Berre et de Thau. Il est aussi présent en mer Noire.

    crénilabre cendré

    Ce crénilabre est très bien camouflé, il s'est glissé derrière des algues et j'ai bien failli ne pas le remarquer !Finalement ce petit coin peu profond est un peu plus riche en poissons que celui par lequel j'ai commencé.

    crénilabre cendré de l'étang de Berre 

    Bien que minuscule, je ne pouvais pas rater cette blennie dalmate qui se dresse fièrement parmi les coquilles de moules. Elle a une bonne bouille cette petite blennie avec son museau tout arrondi.

    blennie dalmate étang de Berre
    Et maintenant voici l'un des nombreux gobies noirs (gobius niger) que j'ai pu croiser durant cette plongée, celui-ci était plus coopératif que les autres et il a bien voulu se laisser photographier. Cette espèce est très répandue dans l'étang, le gobie noir est lui aussi bien adapté à la vie en eaux saumâtre.

    gobie noir étang de Berre

    Sur le flanc d'un rocher ombragé je découvre également deux toutes petites anémones. Il me reste à les identifier ...

     

    Et revoilà une méduse commune "aurelia", elle est très fréquente dans l'étang de Berre. On la croise en nombre au printemps et en été. Elle peut même pulluler et causer des problèmes aux pêcheurs en colmatant les filets et en dévorant les alevins. Des études récentes ont démontré que la méduse commune observée dans les étangs de Méditerranée n'est pas forcément celle qui est identifiée sous le nom scientifique "aurelia aurita", il pourrait s'agit d'une autre espèce distincte appelée "aurelia coeruela". Comme ces espèces sont difficiles à distinguer visuellement l'une de l'autre  il serait plus correct de parler d'elles comme étant des "aurelia sp."

    aurelia méduse étang de Berre

    Au delà de ces considérations, la méduse commune n'en reste pas moins un bel animal plaisant à observer et à photographier. Elle est aussi appelée méduse bleue ou méduse lune, des dénominations un peu plus poétiques.

    méduse aurelia étang de Berre

    Ma plongée sur la côte martégale de l'étang de Berre s'achève, je me suis une nouvelle fois régalé. Les fonds de l'étang sont très dépaysants par rapport à ceux de la côte Bleue ou des calanques toutes proches. Le fait de changer de biotope apporte toujours un beau lot de découvertes !

     


  • Commentaires

    1
    Pascal
    Lundi 6 Mai à 20:12

    Bonjour Laurent, très beau reportage photo ... Un tout grand merci yes

    2
    chantal
    Lundi 6 Mai à 21:27

    Bonsoir,

    Comme à l'accoutumée super photos. Très intéressant comme reportage.  Curieuse de connaître cet endroit

    de l'Etang de Berre. Merci

    3
    Mardi 7 Mai à 00:07

    Merci !

    @ Chantal : Toute la côte qui va de Martigues à Saint-Mitre les Remparts me semble intéressante pour le snorkeling. L'avantage du quartier de Touret de Vallier c'est qu'il est en hauteur et il est peu fréquenté, c'est plus sécure pour les affaires, surtout quand on plonge seul et qu'on n'a personne pour les surveiller. L'accès à l'étang est un peu compliqué car il faut descendre une pente un peu raide mais une fois en bas il est assez facile de cacher son sac dans les rochers, ainsi on peut aller nager sans crainte.

    Cela dit, comme je l'ai précisé dans mon introduction, c'est une pataugeoire, mais c'est étonnant tout ce que l'on peut observer dans si peu de fond.

    4
    Mélina
    Mardi 7 Mai à 06:59
    Jolie sortie ! Si tu veux voir des syngnathes,j'en avais vu en quantité à Martigues, en partant de la piscine municipale
    5
    Mercredi 8 Mai à 10:33

    Salut Mélina !

    En fait mon spot est juste au nord du quartier de la piscine municipale de Martigues. A Touret de Vallier j'avais vu un bon nombre de syngnathes l'an dernier en juin, ce coup-ci je n'en ai vu qu'un. Je vais essayer de retourner sur ce spot un peu plus tard, dans les semaines qui viennent.

    Sinon ce week-end je vais faire un tour du côté de chez toi, je serai dans l'Esterel :)

      • Mélina
        Dimanche 12 Mai à 17:34
        On s'est croisés, j'étais à Martigues ce weekend
      • Lundi 13 Mai à 21:38

        Oui on s'est croisé, maintenant je suis revenu sur Marseille ...

        Sinon j'ai vu toutes tes photos prises à l'étang de Thau et sur la Côte Bleue sur instagram, tu as vraiment l'oeil pour dénicher les plus infime nudibranches, vraiment bravo !

    6
    Thomas
    Dimanche 12 Mai à 15:31

    Salut Laurent, beaucoup d'observations malgré la première impression, comme souvent à l'etang de Berre ! A début juin pour y chasser ensemble syngnathes... et hippocampes !

    7
    Lundi 13 Mai à 21:30

    Salut Thomas !

    Oui j'ai eu un peu peur au début, c'était le désert ... Puis finalement dès que tu trouves les bons coins il y a pas mal de vie. Si la météo le permet j'irai bien plonger ce week-end, je pense que l'eau a dû se réchauffer avec le beau temps du pont de l'ascension. Je sais que François attend aussi le feu vert pour l'étang de Berre. Si je fais quelque chose je te tiendrai au courant. A bientôt !

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