• Plongée nocturne de fin d'été à Morgiou

    Retour à Morgiou pour une nouvelle plongée nocturne, probablement la dernière de l'année 2023 car il est probable que la chaleur ne dure pas indéfiniment. En tout cas ce soir la température extérieure est encore très agréable, la mer aussi avec ses 25°C. Pour cette plongée je suis accompagné de François et de Thomas, on va longer la côte est de la calanque et nous rendre à la grotte Bleue. Nous choisissons de faire une sortie pas trop longue car de la pluie est attendue en soirée et le boulot nous attend le lendemain matin.

    Morgiou calanque de Marseille

    A la mise à l'eau nous constatons que la transparence est plutôt moyenne, mais avec nos lampes de plongées nous parvenons tout de même à nous orienter correctement.

    calanque de Morgiou

    Ce soir les petites rascasses rouges (Scorpaena notata) sont de sortie, je ne me souviens pas en avoir déjà vu autant ! Cette espèce de rascasse est plutôt facile à identifier, outre la couleur rouge elle possède de très gros yeux, pas de lambeaux cutanés au dessus des yeux et souvent une tache noire au milieu de la nageoire dorsale.

    petite rascasse rouge

    Nous n'avons parcouru que quelques dizaines de mètres et je tombe déjà sur un poulpe (octopus vulgris) qui évolue lentement sur un rocher. La sortie commence bien ! Les poulpes sont tranquilles en cette saison, je rappelle qu'ils sont protégés du 1er juin au 30 septembre dans le parc des calanques.

    poulpe

    Dans les anfractuosités rocheuses nous pouvons également observer un grand nombre d'étoiles de mer glaciaires (Marthasterias glacialis) de toutes tailles. Ces échinodermes voraces s'activent essentiellement la nuit pour chasser, elle se nourrissent de mollusques et d'autres échinodermes, elles peuvent même s'en prendre aux oursins !
     étoile de mer glaciaire

    Nous passons du temps à visiter en apnée les recoins cachés des falaises et des blocs rocheux qui jonchent le sol avec parfois de belles surprises. Voici une jolie crevette épineuse (Stenopus spinosus). Elle est facilement reconnaissable avec son corps jaune orangé élancé, ses grandes antennes blanches et ses longues pattes.

    François, lui, débusque un magnifique pagure rayé (Dardanus calidus) caché sous un rocher à 3,5 mètres de profondeur. Il déambule sur le sol avec sa coquille couverte d'anémones parasites (Calliactis parasitica) qui profitent du déplacement du crustacé pour récolter plus de nourriture. En retour le crustacé bénéficie en retour de la protection des tentacules urticants de l'anémone qui font barrages aux prédateurs. La plongée de nuit révèle toujours de belles surprises !
    pagure rayé

    Mon ami connait la calanque par cœur, il m'indique la position d'un grand cérianthe (Cerianthus membranaceus) fixé sur le substrat vers 4,5 mètres de profondeur. Depuis la surface le faisceau de ma lampe n'est pas assez puissant pour voir le fond, il faut donc que je m'enfonce dans les profondeurs obscures à l'aveugle pour le découvrir. En descendant dans la soupe opaque et sombre, je finis au bout de quelques secondes par distinguer le fond mais je ne le trouve pas. Je nage sur quelques mètres au dessus du sol et je finis pas le repérer. C'est vrai qu'il est beau avec ses fins tentacules pourpres parfaitement déployés.
     cérianthe

    Durant quelques minutes j'évolue lentement le long de la paroi rocheuse de la falaise pour reprendre mon souffle. Mais je ne m'ennuie pas pour autant, voilà une nouvelle petites rascasses rouges (Scorpaena notata), elles sont vraiment légions par ici  !

    petite rascasse rouge

    Quelques mètres plus loin je tombe nez à nez avec un congre (conger conger) qui longe la paroi pour chasser. C'est rare d'en observer en train d'évoluer entièrement à découvert !

    congre

    Un peu affolé par la lumière de ma lampe il part se réfugier dans un trou peu profond où je peux l'observer facilement de plus près. Ce poisson serpentiforme de couleur grise se distingue facilement de la murène, sa tête est plate, il possède de grands yeux et un museau pointu.

    congre

    Comme il reste tapi dans sa petite cavité, j'ai le temps d'appeler François et Thomas pour qu'ils viennent le photographier à leur tour. C'est le premier congre de Thomas, c'est toujours sympa de pouvoir voir un animal pour la première fois. Le "baptême du congre", c'est fait !
     congre

    Nous continuons notre périple, je remarque la présence de beaucoup d'étoiles de mer glaciaires (Marthasterias glacialis), elles sont aussi nombreuses que les rascasses. Ces animaux présentent un belle variété de couleur, certaines sont vertes, d'autres ont des teintes orangées, et une dernière montrait une belle livrée bleutée.
     étoile de mer glaciaire

    C'est uniquement en plongée de nuit que l'on peut découvrir l'anémone rougeâtre nocturne (Telmatactis forskalii), durant la journée elle se rétracte complètement pour disparaître dans le substrat. Celle-ci s'est fixée au creux d'une éponge et offre une composition esthétique. 

    Le long de la falaise les cigales de mer (Scyllarus arctus) s'activent avec l'arrivée de la nuit noire et elles commencent à sortir de leurs cachettes. Elles ne sont pas les seules à se manifester car sous l'eau le concert des crustacés commence à sérieusement s'entendre, on perçoit distinctement une sorte de coassement continu en bruit de fond alors qu'en passant la tête à l'air libre c'est le calme absolu. Ces sons sont dus à des frottements, les langoustes qui frottent leurs antennes contre la carapace par exemple ou les crevettes qui claquent des pinces. On est loin du monde du silence évoqué par le commandant Cousteau !

    cigale de mer 

    Voilà que nous découvrons un nouveau pagure rayé, il se promène à proximité de la surface cette fois-ci. Ce pagure est plus petit que le précédent, mais il est plus facile d'accès.

    Nous arrivons enfin à la grotte Bleue, aujourd'hui l'eau est plus haute qu'à l'ordinaire et l'entrée est à peine visible. En pénétrant dans la grotte l'obscurité devient totale, s'en est fini du ciel étoilé au dessus de nos têtes et des falaises légèrement éclairées de la calanque qui nous permette de nous orienter. Ici il n'y a que la lumière de nos lampes qui rompt la noirceur. Cet environnement sombre est un peu déconcertant pour les plongeurs, par contre il est très apprécié par de nombreuses espèces animales. A commencer par les nombreuses araignées de mer ridées (Herbstia condyliata) qui déambulent sur les parois verticales de la grande cavité.

    araignée de mer ridée 

    Les araignées de mer ridées (Herbstia condyliata) présententune teinte rouge assez jolies et elles ne sont pas très farouches, il est possible de les photographier assez facilement.

    araignée de mer ridée 

    A quelques mètres de là je découvre un poulpe (Octopus vulgaris) est fixé à la paroi verticale, il est assez rare d'en voir un dans la grotte Bleue. Je pense qu'il a bien compris qu'ici il y a pas mal de crustacés à chasser et qu'il y a matière à faire un bon festin.

    poulpe 

    Je m'approche du fond de la cavité où trônent de gros blocs rocheux. Je les inspecte méticuleusement à la recherche de pêches de mer. Ces limaces de mer sortent principalement la nuit, c'est donc dans l'obscurité que l'on a le plus de chance d'en observer. En voilà une justement, la berthelline orange (Berthellina edwardsii) de son vrai nom, présente un manteau bombé jaune-orangé facilement reconnaissable.

    bertheline orange 

    Sur le fond de la grotte je repère une dromie (Dromia personata) posée sur le sable, il est rare de voir ce crustacé se balader sur le substrat complètement à découvert sans éponge sur le dos.

    dromie 

    La grotte Bleue abrite quelques espèces d'éponges, mais comme elle est fréquentée par de nombreux visiteurs je pense les roches sont ici trop raclées pour qu'elles puissent se développer efficacement. Certaines espèces encroutantes parviennent malgré à tout à prospérer, comme cette éponge claire.

     

    En retournant vers la sortie je remarque la présence de quelques coryphelles mauves (Edmunsella pedata) fixées sur des branches d'hydraires. Elles sont souvent présentes dans la grotte mais elles sont très petites et peuvent passer facilement inaperçues pour un snorkeler novice.

    coryphelle mauve 

    Voici une nouvelle dromie (Dromia personata) qui se présente à moi, celle-ci est de belle taille et elle a pensé a prendre son éponge couvre chef avec elle.

    dromie 

    Compte tenu de la pluie annoncée, nous décidons de ne pas nous attarder en ces lieux et d’entamer le chemin du retour vers le port. François nous propose d'éteindre momentanément les lumières des lampes histoire de nous plonger dans le noir et de pouvoir observer le plancton bioluminescent. Il y a en encore beaucoup ce soir, il suffit d'agiter les bras pour découvrir une multitude de petites paillettes lumineuses qui tourbillonnent autour de nous. En rallumant la lumière nous avons également pu remarquer autour de nous quelques gangues gélatineuses semi-translucides de macro-plancton, il s'agit de radiolaires coloniaux (Collozoum sp.). Il est fréquent de croiser ces organismes à la fin de l'été et au début de l'automne.

    collozoum sp. 

    Nous rentrons en longeant une nouvelle fois la falaise rocheuse mais nous prenons notre temps au cas où il y ait encore de belles choses à observer. A un moment donné Thomas m'appelle, il a repéré une nouvelle porcelaine livide (Luria lurida) à seulement trois mètres de profondeur. Je descend la voir en apnée, celle-là est vraiment jolie car elle laisse entrevoir sa coquille. Cette espèce endémique à la Méditerranée est strictement protégée car elle se fait rare.

    luria lurida 

    Puis c'est au tour de François de nous faire signe, il a repéré un corb (Sciaena umbea). Le poisson semble un peu déconcerté d'être au centre de nos attentions et il ne tarde pas à s'éloigner vers les profondeur. J'ai juste eu le temps de le photographier avant qu'il disparaisse dans la pénombre. Je rappelle que le corb est considéré comme une espèce quasi-menacée (Liste rouge mondiale de l'UICN, évaluation 2015) qui fait l’objet de mesures de protection qui semble porter leurs fruits. Par exemple à Port-Cros dans le Var les rapports du parc indiquent qu'on compte désormais sept fois plus de corbs qu'en 1990 !

    corb 

    D'autres poissons sont de sortie ce soir. Dans la zone rocheuse battue par les vagues je note la présence de grandes blennies trigloïdes (Lipophrys trigloides), elles sont assez faciles à reconnaître avec leur livrée blanche et noire et leur face plate.

    blennie trigloide 

    Pendant que je photographie la blennie, mon attention est détournée par une mostelle (Gaidropsarus mediterraneus) qui s'agite parmi les algues. Ma lumière a dû déranger ce long poisson à barbillons dont l'espèce est apparentée avec la morue. La mostelle fait partie des poissons aux mœurs nocturnes, c'est donc en snorkeling de nuit que l'on aura le plus de chance de l'observer, quand elle sort chasser les petits poissons et les crustacés dont elle se nourrit.

    mostelle 

    Un peu plus loin je découvre un bel apogon (Apogon imberbis) au comportement très surprenant. D'ordinaire ces poissons vivent en groupe dans des cavités mais celui-ci semble se promener tout seul en eau libre. Sa teinte est elle aussi très étonnante, les apogons communs sont habituellement rouges alors que celui-ci présente une livrée rose pâle ornée de reflets bleutés ! C'est la première fois que j'en observe un avec cette allure ...

    apogon 

    La sortie touche à sa fin, nous voilà revenus au dessus des petits fonds proches du port. Ici aussi il faut ouvrir l'oeil, même dans très peu d'eau se cachent des espèces intéressantes, voici une énorme rascasse brune (Scorpaena porcus) qui se tient parfaitement immobile sur le sol en attendant qu'une proie passe à sa portée.

    rascasse brune 

    Il est déjà 23h et nous sortons de l'eau. Par chance la température extérieure est encore très agréable, c'est un paramètre à prendre en compte quand on décide de plonger de nuit car le Soleil n'est pas là pour nous réchauffer faire sécher les affaires. Vu que l'été touche à sa fin, cette sortie constitue probablement la dernière nocturne de la saison. En tout cas, on s'est une nouvelle fois bien régalés. Les nocturnes à Morgiou sont toujours riches en observations, un grand merci à François qui nous a une fois de plus guidé dans sa belle calanque ! 

     

     


     

     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png    

    La calanque de Morgiou

     

    La calanque de Morgiou est située dans le Parc national des Calanques. Cette calanque encaissée abrite un petit port de pêche, quelques cabanons et un bar restaurant. Morgiou offre un cadre naturel magnifique, elle est sauvage et particulièrement paisible, l'eau y est souvent cristalline. L'accès en voiture y est réglementé en journée durant la période touristique entre le printemps et l'automne, seuls les résidents où les visiteurs ayant réservé une table au restaurant du petit port de pêche peuvent alors y descendre en véhicule.

     

     

     

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    chantal
    Dimanche 24 Septembre 2023 à 17:47

    Bonjour,

    Super reportage et très belles photos...Merci

    Je voudrais savoir si sur ton appareil photo tu as un complément optique si oui le quel.

    2
    Lacsap
    Dimanche 24 Septembre 2023 à 18:24

    Merci Laurent ... Il faudra vraiment que je me décide à aller du côté des calanques lors de mon séjour estival à la Presqu'ïle de Giens ...

    3
    Dimanche 24 Septembre 2023 à 18:49

    Salut !

    Merci à vous deux :)

     

    @chantal : J'utilise toujours la même configuration matériel, à savoir mon TG4 dans le boitier étanche Olympus PT-056 sur lequel je fixe ma lampe Volador DX70C. Comme l'éclairage de cette lampe est puissant, je me suis fabriqué un diffuseur de fortune avec un gobelet en plastique, çà rend le champ de lumière plus homogène, çà évite de trop "cramer" les blancs et c'est plus doux pour les yeux des animaux. Je n'ai rien de plus devant l'objectif, par contre au niveau des paramètres de prise de vue je suis perpétuellement en macro (le mode avec le poisson clown), c'est à mon goût le meilleur mode de prise de vue du TG4. Évidemment après il y a du boulot sur logiciel de traitement d'images (j'utilise un vieux Paint Shop Pro 4), notamment pour corriger la colorimétrie d'origine qui sort toujours trop verte, recadrer et jouer sur les contrastes et la luminosité.   

    4
    Dimanche 24 Septembre 2023 à 18:53

    @Lacsap : Les calanques valent vraiment le coup du déplacement pour le snorkeling, par contre en saison estivale elles ne sont pas toujours faciles d'accès, il faut arriver très tôt pour franchir les barrières d'entrée ou alors arriver tard pour une plongée crépusculaire ou nocturne. Mais si un de ces jours l'aventure te tente et que tu as envie d'avoir un compagnon de plongée n'hésite pas à me faire un signe.

    5
    Mélina
    Dimanche 24 Septembre 2023 à 19:32
    Une bien belle sortie !!! Ça donne envie de sortir le phare
    6
    chantal
    Dimanche 24 Septembre 2023 à 20:53

    Merci pour les renseignements. Bonne Soirée

    7
    Lundi 25 Septembre 2023 à 19:03

    Salut Mélina !

    Merci ! Finalement vu que l'été fait des prolongations je crois que la saison des plongées nocturnes va pouvoir se poursuivre. Les lampes vont pouvoir ressortir  ;)

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :