• Les splendeurs du côté obscur du Mugel

    Me voilà parti pour une nouvelle plongée au Mugel, ce spot fabuleux où prospèrent les éponges et les ascidies aux formes et aux couleurs surprenantes. Pourtant beaucoup de nageurs ne les voient pas car pour découvrir ces trésors du monde sous-marin il faut avoir la curiosité de visiter les recoins cachés sous les rochers ou dans les cavités obscures. En Méditerranée, c'est souvent à l'abri de la lumière que le spectacle visuel est le plus intéressant, si on reste en pleine eau on rate beaucoup de choses.

    En témoigne cette magnifique ascidie rouge (Halocynthia papillosa) fixée dans le creux sombre d'un rocher. Il s'agit d'un organisme filtreur en forme d'outre dont la tunique paraît couverte d'une multitude de petites papilles. L'ascidie rouge n'est pas un végétal mais bel et bien un animal, sa larve qui ressemble à un têtard présente même une colonne vertébrale ! De ce fait les ascidies appartiennent à l'embranchement des cordés, comme nous. Drôle de cousin !

    ascidie rouge

    Cette clathrine jaune (clathrina clathrus) est quant à elle une éponge calcaire jaune verdâtre, qui se présente sous la forme d'un amas de petits tuyaux enchevêtrés. Cette espèce aussi est sciaphile, elle se développe loin du rayonnement solaire sous les voûtes rocheuses. Ici elle apparaît entourée d'une colonie de zoanthaires jaunes (parazoanthus axinellae).

    clathrine jaune

    Aujourd'hui je plonge avec Gilles, nos caissons sont surmontés d'éclairage de plongée, l'outil indispensable pour mettre en lumière ce qui se dérobe aux yeux de beaucoup de curieux des fonds marins.

    Dans les grottes la lumière des lampes nous a notamment permis de révéler la présence de nombreux doris dalmatiens (Peltodoris atromaculata) qui râpent méticuleusement la surface des éponges pierres (petrosia ficiformis) dont ils se nourrissent. Ces nudibranches rondouillards de belles tailles sont assez faciles à voir et à reconnaître avec leur livrée blanche à taches marron.

    doris dalmatien

    Cet animal lent et trapu semble inoffensif au premier abord, à la merci des prédateurs, mais il sait se défendre. En cas d'agression il est capable de sécréter une substance toxique sous la forme d'un nuage blanc de mucus. La surface de son corps et également couverte de petites aspérités calcaires qui le rende rugueux et immangeable.

    doris dalmatien

    L'an dernier cette espèce se faisait rare au Mugel, je suis donc content de voir qu'une véritable population s'est reconstituée sur ce spot.

    doris dalmatien

    doris dalmatien

    Les doris dalmatiens ne sont pas les seuls habitants de cette cavité, j'y repère également une rascasse brune (scorpaena porcus) blottie dans un trou dont elle ne laisse dépasser que sa tête massive.

    rascasse brune

    Un beau serran écriture (serranus scriba) y a aussi élu domicile. Ce dernier semble dérangé par l'éclat de ma lampe mais il ne quitte pas pour autant la grotte, celle-ci doit probablement constituer son territoire.

    serran écriture

    Dans une seconde cavité nous nous retrouvons face à tout un banc d'athérines, c'est étrange de les retrouver tapis dans l'ombre alors que d'ordinaires ces petits poissons évoluent en pleine eau. Le fait qu'ils soient rassemblés au fond de la grotte sans trop de latitude de mouvements me permet de les observer plus attentivement, et je m’aperçois qu'il s'agit en fait d'une espèce d'athérine que je n'avais encore jamais observé, à savoir l'athérine ponctuée (atherina punctata). D'ordinaire les athérines sont difficiles à distinguer les unes des autres, mais celle-ci se reconnaît assez bien grace à la présence d'une rangée de petits points sombres située sur ses flancs.

    atherina punctata

    Sur le fond couvert de galets de nombreuses crevettes roses (Palaemon serratus) nous observe, comme si elles étaient hypnotisées par de faux Soleil subitement apparus au milieu du néant. Pour se rassurer elles gardent le contact avec leurs voisines en croisant leur antennes. En cas de menace elles pourront s'alerter les unes les autres par ce lien tactile.

    Nous parvenons maintenant à une grotte que j'aime bien car elle est partiellement ouverte sur la mer, je m'y rends régulièrement, comme un rituel.

    Avec mon ami André nous l'avons baptisée la grotte aux alcyonaires, car il y a quelques années ces animaux étaient nombreux à tapisser ses parois. Depuis quelques années les alcyonaires ont commencé à se faire plus rares, peut-être à cause de l'érosion car cette grotte est de plus en plus ouverte au courant et à la houle, à moins que çà ne soit dû au réchauffement global de la Méditerranée ?

    alcyon

    Toujours est-il que depuis quelques temps les alcyons encroutants (alcyonium coralloides) on finit par refaire leur apparition pour notre plus grand plaisir, même si les colonies restent dans l'ensemble sous une forme digitée peu développée.

    alcyon

    Dans cette zone sombre je rencontre un nouvel habitant des zones obscures, il s'agit de la très belle blennie à tête noire (Microlipophrys nigriceps). Avec son corps rouge orangé et sa tête mouchetée on pourrait la confondre avec le triptérygion nain. Pour la différentier il faut bien regarder son museau, il est beaucoup moins pointu que celui du triptérygion.

    blennie à tête noire

    A mon goût cette petite Microlipophrys nigriceps est l'une des plus belles blennies de Méditerranée. Mais elle n'est pas évidente à observer du fait de sa petite taille et du biotope obscur dans lequel elle vit. Un autre paramètre fait qu'elle passe souvent inaperçue, elle a tendance à défier la gravité et à se fixer sur les parois supérieures des cavités, donc au dessus de notre tête ! Ce poisson met donc au défi nos talents d'observateur.

    blennie à tête noire

    Nous quittons maintenant les grottes pour aller rendre visite au petit tombant du cap de Nege Froume, un secteur généralement bien fourni en nudibranches. Nous y retrouvons quelques hervias (cratena peregrina) ballotées par la houle. Je trouve que dans cette zone la mer est agitée et chargée en particules aujourd'hui, dans ces conditions il n'est pas évident de partir à la recherche de petites limaces de mer et de les photographier.

    hervia

    Je tente quand même de petites apnées pour aller inspecter quelques cavités réparties à différents niveaux dans la falaise. Celles-ci n'abritent pas de poissons aujourd'hui mais j'y repère de jolies éponges qui se développent elles aussi à l'abri de la lumière, à l'image de cette éponge épineuse orange (Acanthella acuta).

    éponge épineuse orange

    Ou de cette axinelle plate (Axinella damicornis), bien reconnaissable à sa forme multilobée et sa belle couleur or.

    axinelle plate

    Cette fois-ci c'est une éponge de toilette (Spongia officinalis) qui se dévoile dans le faisceau lumineux de ma lampe. Pourquoi tous ces organismes préfèrent vivre loin de la lumière solaire ? Tout simplement pour éviter d'entrer en concurrence avec les algues vertes. Ces dernières sont plutôt du genre invasives et elles n'auraient aucun scrupule à se développer directement à la surface des éponges ce qui finirait par les étouffer.

    éponge de toilette

    Au pied du tombant je retrouve quelques gros doris dalmatiens. C'est la première fois que je les observe dans cette partie du Mugel.

    doris dalmatiens

    doris dalmatien

    Nous n'irons pas plus loin car dans l'environnement du nege Froume la houle rend la plongée désagréable. Nous décidons de retourner vers la plage du Mugel en nageant cette fois-ci au dessus des herbiers de posidonies. Personnellement je trouve ce secteur en pleine lumière un peu tristounet, pourtant c'est la zone où se cantonnent la plupart des snorkelers. On y distingue quelques poissons un peu fuyant mais rien d'extraordinaire à mon goût.

    Avant de sortir de l'eau je fais un petit détour pour explorer une zone plus sablonneuse. J'ouvre l’œil et en scrutant attentivement le sol je finis par repérer un petit rombou (bothus podas). Je descends l'observer de plus près vers quatre mètres de profondeur et je remarque en l'approchant que le poisson a changé de teinte. Comme il s'est senti repéré son corps s'est subitement éclairci pour lui assurer un meilleur camouflage avec le sable.

    rombou

    Et les observations ne s'arrêtent pas là puisqu'en sortant de l'eau et en déchaussant mes palmes, je découvre un petit chiton cendré (Lepidochitona cinerea) fixé sur les rochers.

    chiton cendré

    Ce coup-ci j'aurais vraiment profité de cette sortie jusqu'au bout !

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       La calanque du Petit Mugel

    La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    jeandeflorette
    Dimanche 31 Octobre 2021 à 18:33

    Bonjour Laurent,

    Tu arrives toujours à le mettre bien en valeur le Mugel et tu fais des super photos. Par ailleurs je partage tout à fait tes observations et constatations sur les endroits à l'abri de la lumière. Il ne me reste  plus qu'à  identifier un jour cette blennie à tête noire car je l'ai peut être une fois confondu avec un triptérygion nain...

    Et prions pour que la grotte aux Alcyonaires redevienne à part entière la grotte aux Alcyonaires...

    Amicalement.

    André.

    2
    Dimanche 31 Octobre 2021 à 18:49

    Salut André !

    Pour la blennie à tête noire il faut chercher sur le plafond des cavités, là où on ne pense pas souvent à regarder. Mais c'est possible que tu l'ais déjà croisé en pensant que c'est un triptérygion nain, elle a à peu près la même taille et la même allure.

    Sinon j'ai été content de voir que les alcyonaires reviennent un peu cette année, mais j'ai bien l'impression que leur grotte est de plus en plus agitée car l’érosion a pas mal agrandi l'ouverture latérale de la grotte.  J'ai malheureusement remarqué que la houle y entasse de plus en plus de déchets, notamment des végétaux.

     

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