• La traditionnelle plongée au Mugel pour Noël

    Cette année le froid est arrivé tôt et la saison de snorkeling s'est arrêtée prématurément. Mais il arrive régulièrement que la période des vacances de Noël nous gratifie de quelques belles journées ensoleillées propices à la plongée, même si évidemment la brise marine reste fraiche et la mer est devenue froide. J'ai pris l'habitude au fil des ans de retourner à l'eau durant cette période des Fêtes de Noël, histoire de retrouver un peu les plaisirs de la découverte des fonds marins dans un hiver qui parait toujours trop long. Cette fois-ci je dois quand même avouer que je me suis fait violence, car je sors d'une grosse grippe qui m'a complètement lessivé. Mais une fois sous l'eau, je n'ai eu aucun regret, l'émerveillement a rapidement pris le dessus sur la fatigue et le froid !

    hervia

    Pour mes plongées de Noël j'ai pris l'habitude de me rendre au Petit Mugel à la Ciotat. En hiver beaucoup de poissons partent rejoindre les profondeurs, de ce fait il vaut mieux choisir un site de plongée riche en invertébrés pour que la sortie reste intéressante. Çà m'a fait plaisir de retrouver ce spot car je ne m'y étais pas encore rendu cette année. La calanque est vraiment paisible en cette saison, à tel point que j'ai la crique pour moi tout seul, c'est l'un des avantages de ne pas être trop frileux. Aujourd'hui la mer est "encore" à 15°C, c'est frisquet mais supportable, je m'attendais plutôt à une eau à 13 ou 14°C. Du coup je me contente d'enfiler la combinaison de 2 mm et je laisse le surshorty de 5 mm dans le sac, ainsi je serai plus à l'aise pour faire de l'apnée.

    calanque du Petit Mugel

    Moi qui me réjouissais d'être seul à l'eau et de ne pas avoir à surveiller les paddles, les kayaks, les lignes de pêches, les minots qui sautent du haut des rochers et les harpons des chasseurs, et bien je me suis frotté les mains trop vite car en fait la crique est envahie de centaines de méduses, et pas n'importe lesquelles : Des pélagies bien urticantes ! Vu que je plonge sans cagoule je vais devoir quand même rester très vigilent et surveiller les parages sans arrêt. La détente a été de courte durée ...

    Croiser des pélagies (Pelagia noctiluca) ne me déplaît pas dans l'absolu car cette méduse est plutôt photogénique. On peut l'approcher sans craintes à partir du moment où ses filaments urticants sont rétractés. En effet, ce sont eux qui infligent des piqures douloureuses et comme ils sont fins et très longs, il est parfois difficile de les éviter. Les pélagies couvertes de taches marron sont des femelles, les mâles sont eux plutôt violacés.

    Malgré la présence des méduses qui dérivent près de la surface, je prends le temps d'observer le fond de la calanque, quand mon regard est attiré par une grosse éponge jaune, il s'agit d'une vérongia jaune (Aplysina aerophoba). Cette éponge est d'ordinaire abondante dans les eaux chaudes de Méditerranée mais jusqu'à présent elle était plutôt rare sur nos côtes. On dirait que son ère de répartition s'agrandit car cette année je l'ai observé au Cap Rousset et maintenant au Mugel où elle paraissait absente jusqu'à présent. 

    vérongia 

    J'attaque maintenant la visite des grottes. J'allume la lampe de plongée et visite attentivement les cavités rocheuses en pensant à chaque fois à me retourner afin d'étudier en apnée les plafonds où se cachent souvent des animaux intéressants. Ainsi, je remarque rapidement la présence d'une cigale de mer (Scyllarus arctus) blottie contre la paroi.

    cigale de mer

    Alors que la cigale de mer reste impassible devant mon appareil photo, juste à côté d'elle une petite blennie à tête noire (Microlipophrys nigriceps) s'agite à l'arrivée du faisceau lumineux de ma lampe et ses mouvements attirent mon attention. Cette espèce sciaphile apprécie les grottes obscures, elle est endémique de Méditerranée. Il s'agit de l'une des blennies les plus colorées de notre Grande Bleue.

    blennie à tête noire

    En sortant de la grotte je remarque sur les roches faiblement éclairées quelques petites fraises de mer (Aplidium elegans). Ces ascidies forment de petits coussinets orangés facilement reconnaissables.

    Il y a beaucoup de petites grottes à explorer au Mugel et il faut prendre le temps de bien les ausculter car certains animaux sont parfaitement camouflés et peuvent être difficiles à voir si on se contente de jeter un simple coup d’œil rapide. C'est par exemple le cas pour cette rascasse brune (Scorpaena porcus) collée à la roche et qui se dissimule parmi les zoanthaires jaunes.  

    rascasse brune

    Un peu plus loin je découvre une grande étoile de mer glaciaire (Marthasterias glacialis) cachée au fond d'une anfractuosité. Elle reste immobile et paraît se reposer en attendant la nuit, le moment où elle s'active pour sortir chasser. Cet animal vorace se nourrit de mollusques, de bivalves, de crustacés et parfois d'autres échinodermes.

    étoile de mer glaciaire

    Aujourd'hui, les poissons les plus nombreux sont très clairement les castagnoles (Chromis chromis). Elles sont présentes partout, en peut les observer en bancs en pleine eau, le long des parois rocheuses, et mêmes dans les cavités comme c'est le cas sur ma photo.

    castagnoles

    Avec la canicule sous-marine qui toucha la Méditerranée lors de l'été 2022, les éponges du Mugel ont subi un épisode de mortalité massive, une véritable catastrophe. J'ai été content de voir que certaines d'entre elles sont parvenues à survivre et se développer à nouveau à l'image de cette agelas orangée (Agelas oroides). 

    Dans la grotte je fais une rencontre inattendue, voici un crénilabre ocellé (Symphodus ocellatus). Ce poisson vit généralement parmi les rochers ensoleillés riches en algues, souvent près des herbiers de posidonie, mais il est très rare de le croiser dans les cavités obscures.

    crénilabre ocellé 

    Ce crénilabre ocellé semble être un jeune mâle qui commence à montrer de belles couleurs sur les nageoires. L'ocelle présent sur l'opercule est lui aussi bien visible, mais il n'est pas encore aussi coloré que celui des adultes.

     Voici une nouvelle éponge, celle-ci est de belle taille mais elle n'est pas simple à identifier ...

    Je continue à fouiner dans les cavités quand, sur un plafond rocheux, je tombe sur un surprenant rassemblement de quatre petites cigales de mer (Scyllarus arctus). Compte tenu qu'à ce moment de l'année cette espèce n'est pas en période de reproduction, il est probable que les petites cigales de mer se sont regroupées ici juste parce qu'elles apprécient ce recoin pour se cacher durant la journée.

    Sous les surplombs rocheux il n'est pas rare d'observer une ascidie rouge (Halocynthia papillosa), ce tunicier est assez fréquent au Petit Mugel. Cet organisme filtreur aspire l'eau et le plancton dont il se nourrit par le siphon supérieur, l'eau est ensuite filtrée dans le pharynx, puis elle est rejetée par le siphon latéral.

    ascidie rouge

    Le Petit Mugel abrite une grotte peu profonde où les parois sont tapissées d'éponges pierre (Petrosia ficiformis). En les étudiant attentivement avec la lampe de plongée on peut régulièrement y observer des doris dalmatiens (Peltodoris Atromaculata) qui se nourrissent de ces éponges. Il y a très peu d'endroits sur notre littoral où il est possible d'observer ces nudibranches à si faible profondeur. Aujourd'hui je n'en ai trouvé qu'un seul, malheureusement il me tournait le dos.

    doris dalmatien

    Voici un autre habitant des zones obscures, le mignon triptérygion nain (Triptérygion melanurus minor). Ce poisson est assez commun sur notre littoral et même si je le croise très souvent j'ai toujours plaisir à le photographier car il a une bonne bouille.

    triptérygion nain

    Autre animal photogénique : la protule lisse (Protula tubularia) et son beau panache branchial en forme de fer à cheval ! Mais lui tirer le portrait n'est pas toujours une opération facile car l'animal se rétracte dans son tube calcaire protecteur dès qu'il sent de la lumière ou une vibration anormale de l'eau.

    protule

    Je parviens maintenant au tombant ombragé du cap de Nege Froume où il est généralement possible de trouver de petites limaces de mer colorées. Les plus abondantes sont les hervias (Cratena peregrina). J'ai mis la plus belle en image d'introduction à la sortie, en voici une autre plus petite ci-dessous.

    hervia

    En cherchant des limaces de mer j'ai repéré de petites colonies d'alcyons encroutants (Alcyonum coralloides) qui se présentent sous une forme lobée (en profondeur elles prennent une forme encroutante et elles se développent en recouvrant les gorgones). Les polypes de l'alcyon sont ici bien déployés.

    alcyons

    Et voilà que sous un surplomb rocheux je croise une nouvelle cigale de mer (Scyllarus arctus). C'est la première fois que j'en vois autant au Mugel, d'autant plus en plongée de jour ! Celle-ci est plus facile d'accès que les précédentes, j'apprécie de pouvoir l'approcher sans avoir à faire d’acrobaties sous-marine.

    cigale de mer

    Je termine cette petite plongée de Noël par une dernière limace de mer, pour changer un peu des hervias je vous présente une petite faceline de Marion (facelinopsis marioni). Elle aussi se rencontre sur les parois rocheuses peu éclairées et riches en hydraires dont elle se nourrit. Elle est parfaitement reconnaissable avec sa teinte rose et ses cérates blancs éclatants.

    faceline de Marion

    Cette sortie au Mugel a une nouvelle fois témoigné de la riche biodiversité des calanques de la Ciotat. Aussi j'ai été heureux d'apprendre que la municipalité vient de voter la création d'une réserve marine couvrant la zone du Grand Mugel, du Petit Mugel et de l'Anse du Sec. Cette nouvelle zone protégée interdite à la pêche vise à accroitre la biodiversité marine sur le modèle des réserves du Cap Rousset et de Port Cros. Il est fort à parier que les plongées dans cette zone vont devenir de plus en plus riches et passionnantes au fil des années, voilà une bonne nouvelle pour commencer 2024 en beauté et un beau cadeau de Noël !

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       La calanque du Petit Mugel

    La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.


     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Pascal
    Vendredi 29 Décembre 2023 à 22:53

    Bonjour Laurent, toujours aussi sublime et que de Vie ... Superbe Nature et super reportage.

    Un tout grand merci et passe de belles fêtes de fin d'année.

    2
    Samedi 30 Décembre 2023 à 12:36

    Bonjour Pascal !

    Merci pour ton message, je te souhaites également de très bonnes fêtes !

    3
    Jeandeflorette
    Samedi 30 Décembre 2023 à 14:45
    Super!Laurent. Pour nous qui avons suivi l'évolution du Mugel depuis quelques années maintenant, cela va être tres intéressant d'observer les éventuels changements Bon bout d'an !
    4
    chantal
    Dimanche 31 Décembre 2023 à 08:42

    Super photos qui nous à permis de voir cette biodiversité qui se trouve au Mugel. Je te souhaite de passer

    de très bonnes fêtes de fin d'année. A bientôt pour le prochain reportage.

    5
    Dimanche 31 Décembre 2023 à 12:42

    Salut André !

    Je pense que cette perspective de création d'une réserve va être bénéfique pour le Mugel, autant je trouve que la biodiversité de l'anse du Sec voisine s'est bien maintenue, autant je trouve que celle du Mugel a décliné depuis quelques années, il y a clairement moins de poissons (on ne voit plus beaucoup de serrans ou de sars par exemple), puis avec les canicules sous-marines la faune fixée a pas mal souffert. Le Mugel le mérite vraiment de retrouver sa richesse faunistique, on va peut-être pouvoir revoir des mérous, des poulpes, des seiches etc ... Et mes petites cigales de mers découvertes lors de cette sortie vont pouvoir vivre tranquillement. Je te souhaites également un bon bout d'an, et une très bonne année 2024 !

     

    Bonjour Chantal !

    La richesse de la biodiversité du Mugel est fluctuante au fil des années mais elle reste toujours surprenante car à chaque plongée on peut y observe régulièrement de nouvelles espèces, parfois rares comme la grande cigale de mer. Avec un bon coup de pouce apporté par la création de la réserve, je pense que le site va devenir un spot merveilleux pour le snorkeling, certainement le meilleur du département. Il faudrait également faire une réserve à Morgiou, là çà serait le top. Bon réveillon et bonne année 2024 !

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