• Fraiche plongée à l'Anse du Sec dans la grisaille de l'hiver

    Contrairement aux années précédentes l'hiver 2021 est assez froid, les conditions sont vraiment peu propices au snorkeling, même pour moi qui ne suis pourtant pas très frileux. mais en analysant méticuleusement les prévisions météo j'ai focalisé mon attention sur la journée du 19 janvier. En effet, une fenêtre de douceur semble se profiler avec une température de l'air qui franchit enfin la barre des 10 degrés et surtout il n'y a quasiment pas de vent de prévu. Il n'en fallait pas plus me convaincre de tenter le coup.

    Anse du Sec La Ciotat

    Pour cette sortie j'ai décidé de retourner plonger à l'Anse du Sec à La Ciotat. J'apprécie ce site pour la richesse faunistique de ses tombants et les populations de nudibranches colorés qu'ils abritent. En même temps je dois dire que je ne me lasse pas de la beauté irréelle de ce site, à chaque fois que je viens ici j'en ai plein la vue ! Allez, je ne perd pas plus de temps et m'élance dans l'eau.

    Bien sûr en cette saison elle n'est pas bien chaude, mais le plaisir de retrouver les fonds marins me fait rapidement oublier les 14°C du liquide ambiant. Et puis mon attention a rapidement été captée par la présence d'une colonie de gorgones jaunes (eunicella cavolini) que j’aperçois sous un surplomb vers 6 mètres de profondeur. Chez moi la curiosité l'emporte toujours sur la frilosité ! J'entame la sortie par une apnée compliquée pour aller les voir de plus près, car j'ai enfilé tellement de couches de néoprène que je flotte comme un bouchon ... Je parviens malgré tout à proximité d'une belle gorgone en pleine forme qui déploie de nombreux polypes. 

    gorgone jaune

    Un peu plus loin j'observe d'autres gorgones jaunes aux polypes déployés. Lors de mes explorations précédentes à l'Anse du Sec les gorgones jaunes semblaient moribondes et nécrosées, çà me fait plaisir de constater que ce n'est plus le cas !

    gorgones jaunes

    Alors que je reprends mon souffle près de la surface, je flotte tranquillement face à la paroi rocheuse et repère mon premier nudibranche ! Voilà une petite facéline de Marion (facelinopsis marioni) qui s'apprête à croquer des polypes d'hydraires. Notons que cette espèce est endémique à la Méditerranée et qu'on la rencontre assez fréquemment à l'Anse du Sec. Par contre elle est très petite, il faut donc bien ouvrir l’œil pour la remarquer !

    facéline de Marion

    Mais le nudibranche qui domine les lieux reste indubitablement l'hervia (cratena peregrina), elles sont encore nombreuses à arpenter les branches d'eudendrium de Méditerranée pour en dévorer les polypes. C'est d'ailleurs incroyable d'en croiser autant en plein hiver alors que cette espèce est réputée être principalement observable entre mars et octobre, lorsque la température de l'eau dépasse 18°C ! Est-ce un effet du réchauffement climatique ?

    hervia

    Alors que je nage en direction de l'ilot de la calanque quelques rayons de Soleil font leur apparition et viennent zébrer le décors bleu sombre et froid qui m'entoure. Ces quelques minutes de lumière réchauffent l'ambiance et semblent annoncer durant quelques minutes les prémices des beaux jours.

    Sur le tombant de l'îlot je repère une grande étoile de mer glaciaire (Marthasterias glacialis) qui déambule lentement parmi les éponges  vers 3 mètres de profondeur. Avec son envergure imposante et ses bras hérissés de piquants cette rencontre est toujours spectaculaire !

    étoile de mer glaciaire

    Une blennie gattorugine (Parablennius gattorugine) a élu domicile au creux d'une grande éponge. Elle est tellement bien installée sur son coussin spongiaire moelleux que ma présence ne la perturbe même pas !

    blennie gattorugine

    Je retourne vers la côte rocheuse et en scrutant attentivement le coralligène je découvre cette fois-ci une petite coryphelle mauve (Edmundsella pedata). Les nudibranches prospèrent cet hiver, c'est déjà la troisième espèce observée durant cette sortie !  Mais je suis moins étonné d'observer la coryphelle dans l'eau fraiche car elle n'est pas endémique de Méditerranée, elle est également répandue dans les eaux froides de l'Atlantique et de la mer du Nord. Cette limace de mer est même présente dans les eaux écossaises et norvégiennes ! Pour la coryphelle l'Anse du Sec à 14°C c'est donc les tropiques !

    coryphelle mauve

    Et voici une qu'une jolie surprise s'offre à moi ! Dans un recoin sombre riche en anfractuosités une petite murène commune (muraena helena) sort la tête de son repère. La murène est généralement assez craintive, lorsqu'un plongeur s'approche d'un peu trop près il n'est pas rare qu'elle montre son impressionnante dentition en guise d'avertissement car ce poisson est très territorial. Quoi qu'il en soit elle est rarement agressive, si elle sent un danger elle préfèrera bien souvent prendre la fuite. C'est donc au plongeur de savoir se montrer raisonnable en veillant à ne pas paraître trop insistant ou intrusif avec les animaux. Lorsqu'on se montre respectueux et discret, il n'y a pas d'accidents et c'est là qu'il est possible de réaliser les plus belles observations !

    murène

    Un peu plus loin je débusque le roi du camouflage. En effet, un crénilabre à cinq taches (symphodus roissali) ne prend pas la fuite à mon approche, il préfère se dissimuler derrière les branches d'un hydraire et se plaquer contre la paroi pour laisser sa livrée bariolée lui permettre de se fondre dans le décor. Et çà marche plutôt bien car j'ai bien failli ne pas le remarquer !

    En changeant de tombant je passe au dessus d'une pente rocheuse couverte d'algues et remarque au dessous de moi une magnifique astérine bossue (asterina gibbosa). Je suis surpris de la trouver là car habituellement celle que l'on surnomme "l'étoile du shérif" fréquente plutôt les endroits sombres, d'ailleurs elle est connue pour avoir une activité plutôt nocturne. Là je la trouve sur une zone non couverte en plein jour, mais il faut dire qu'aujourd'hui il n'y a vraiment pas beaucoup de Soleil et toutes les parties de la calanque sont plongées dans une ombre crépusculaire alors qu'il est 14h ...  

    astérine bossue

    Cette petite étoile de mer pentagonale aux bras très courts peut présenter des teintes allant du gris au bleu. Il s'agit d'un animal carnivore qui est friand de coquillages bivalves et gastéropodes.

    Les bonnes surprises continuent puisque je surprends dans le creux d"un rocher un nudibranche que je n'avais encore jamais observé. Voici un doris marbré (dendrodoris limbata) affairé à fouiner parmi le coralligène pour débusquer les éponges dont il se nourrit. Notons qu'il nous présente sur la photo son panache branchial situé sur son arrière train. Ce doris peut présenter une couleur plus ou moins foncée mais il se reconnaît bien au liseré jaune-orangé qui borde son manteau.

    doris marbré

    Ce tombant comporte quelques cavités cachées vers quatre mètres de profondeur, je décide d'aller y jeter un coup d’œil. A la première descente je tombe nez à nez avec une grande crevette rose attirée par la lumière de ma lampe. Les crevette sont marrantes à observer car elles semblent toujours subjuguées par la lumière, elles sont tellement hypnotisées qu'elles en oublient toutes notions de crainte !

    Les cavités visitées abritent de beaux spongiaires, ici une éponge de toilette (spongia officinalis) protubérantes qui sert d'abri à des castagnoles et à un apogon.

    Encore de belles couleurs cachées dans l'obscurité, la lampe permet de révéler les trésors du coralligène.

    En plongée il faut être curieux et attentif, le moindre petit trou peut réserver de belles visions. Ici je tombe sur un surprenant tapis très dense de minuscules anémones bijoux ( Corynactis viridis). Dans l'océan Atlantique ces anémones peuvent présenter une teinte surprenante, un détonnant mélange de vert et de rose fluo qui attire les photographes ! Chez nous leur couleur tire plutôt à l'orange, elles se fondent un peu plus dans le décor.

    En revenant vers mon rocher de mise à l'eau j'ai droit à un dernier spectacle. Bien installé en embuscade derrière une crête je me retrouve face à un grand banc de saupes (sarpa salpa) qui virevolte près de la surface.

    saupes

    Finalement je ne suis pas mécontent d'avoir trouvé la motivation de braver la fraicheur ambiante. Cette sortie hivernale aura été riche en observations même si en cette saison beaucoup de poissons sont partis trouver refuge dans les eaux plus profondes. En tout cas si un 3ème confinement arrive j'aurais au moins la satisfaction d'avoir pu un peu en profiter !

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png    

    L'anse du Sec 

     

    L'anse du Sec fait partie du parc naturel des Calanques, elle est située au pied de l'imposant massif rocheux du Cap de l'Aigle à La Ciotat. Les falaises du Bec de l'Aigle sont les plus hautes falaises maritimes d'Europe, culminant à 394 mètres. La anse est accessible à pied en traversant le parc botanique du Mugel ou à la nage à partir du Petit Mugel et en dépassant la pointe de Nege Froume. Les fonds marins dans cette anse sont assez profonds, ils présentent un intérêt limité pour le snorkeler de surface. Par contre la anse est entourée de falaises de poudingues (conglomérats de galets) qui constituent dans l'eau de petits tombants ombragés où se développent du coralligène.

     

     


  • Commentaires

    1
    pascal lebrun
    Jeudi 21 Janvier 2021 à 13:53

    Très belles photos avec de superbes couleurs

    2
    julien
    Jeudi 21 Janvier 2021 à 15:11

    incroyable ! toutes ces couleurs ! on se croirait en mer rouge ! sous l'eau, c'est l'été en hiver ...

    merci pour cette bouffée "d'eau-xygène" ...

    3
    Jeudi 21 Janvier 2021 à 19:33

    Merci à tous les deux !

    Julien tu as raison, les couleurs chaudes étaient sous l'eau !

    4
    jeandeflorette
    Samedi 23 Janvier 2021 à 13:54

    Super Laurent! Quelques trouvailles inédites ( notamment le doris marbré, l'astérine bossue et la Coryphelle qui n'est pas si fréquente) ont récompensé ton courage d'affronter le froid.

    5
    Samedi 23 Janvier 2021 à 23:40

    Salut André !

    Oui avec le Mugel et l'Anse du Sec on tient un coin où la biodiversité semble inépuisable ! Cela fait des années que l'on plonge régulièrement là bas et on parvient encore à tomber sur des espèces nouvelles, c'est incroyable, surtout quand on pense que l'on fait toutes ces observations sans bouteilles, juste en plongée libre.

    Le 11 janvier 2021 le président Macron a déclaré au "One Planet summit" pour la biodiversité que la France vise à protéger 30% des mers et océans, je cite sa déclaration :

    "La France s'est engagée à protéger au moins 30% de ses espaces terrestres et maritimes d’ici 2022. Pour réussir, ce combat pour notre biodiversité doit être mondial : au #OnePlanetSummit, nous embarquons avec nous 50 États avec cet objectif pour 2030."
     
    S'il ne savent pas par où commencer et bien nous on a une idée ! :)

     

    6
    gillounet
    Lundi 25 Janvier 2021 à 11:14

    C'est vrai, belle moisson Laurent ! Au moins tu ne t'es pas gelé pour rien. Malgré le froid, tu gardes ton oeil de lynx.

    7
    Lundi 25 Janvier 2021 à 13:41

    Salut Gilles ! En fait c'est surtout la sortie de l'eau qui est pénible en cette saison, quand on est acclimaté à la température de la mer à 14°C, la sortie dans une atmosphère à 10°C sans Soleil n'est pas évidente. Sur la route du retour le chauffage de la voiture tournait à fond ;)

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