• Une très belle plongée de nuit à Morgiou

    En ce moment les températures estivales battent des records un peu partout en France, il fait tellement chaud que je ne rêve que d'une chose, retourner dans l'eau ! Et pour profiter d'un peu de fraicheur, rien de tel qu'une plongée nocturne, les conditions actuelles sont idéales pour çà, il n'y a pas de vent, la mer est calme et chaude, il ne reste plus qu'à organiser çà avec les copains. Pour cette nouvelle incursion dans la "grande noire" nous choisissons de retourner à Morgiou, dans le parc des calanques. L'été, les plongées nocturnes dans les calanques font parties des plus prolifiques en découvertes et en observations insolites, toute l'année j'attends ces sorties avec impatience. Même si à première vue l'idée de passer du temps dans l'obscurité avec une visibilité réduite à l'air glauque, en fait le vécu est complètement différent. Découvrir progressivement les fonds marins au gré de l'avancée du faisceau lumineux de la lampe fait qu'à chaque nouveau mètre parcouru on a l'impression qu'il va y avoir une surprise qui nous attend.

    seiche

    Et puis il y a tellement plus de vie le long des parois rocheuses après le coucher du Soleil. Même les espèces que l'on observe le jour paraissent différentes la nuit, à l'image de cette belle seiche (sepia officinalis) qui affiche des couleurs incroyables ! Au début elle est passée à quelques mètres de moi en nageant en pleine eau et je ne l'ai distingué que comme une vague forme mystérieuse. En essayant de me rapprocher d'elle et en l'éclairant avec ma lampe elle m'a largué un beau nuage d'encre noire et j'ai compris de quoi il s'agissait. Comme elle a continué à nager lentement sans prendre véritablement la fuite, j'ai essayé par la suite de la rejoindre en apnée en l'approchant avec délicatesse. Je suis parvenu à me hisser à son niveau et j'ai continué à la suivre jusqu'à ce qu'elle se pose sur le fond. Je me suis calé face à elle et nous nous sommes observés mutuellement pendant quelques secondes jusqu'à ce que je réalise que mes sinus commencent à être légèrement douloureux. En fait elle m'a entrainé vers 6 mètres de profondeur sans que je m'en aperçoive

    seiche

    Ce soir je vais passer pas mal de temps à explorer les parois rocheuses dans toute leur verticalité afin de découvrir les trésors qu'elles abritent. Dans une cavité découverte vers 4 mètres de profondeur je tombe sur le bel éventail doré d'une gorgone jaune (Eunicella cavolini). Je suis surpris car j'ai l'habitude d'en observer sur des tombants mais rarement dans des anfractuosités.

    gorgone jaune

    Cette petite cavité est plutôt profonde et elle recèle de bien des attraits. Je passe un petit moment à profiter du moindre détail qu’elle a à offrir et il faut bien avouer qu'elle est richement décorée, un vrai bonheur pour les yeux ! Je ne me lasse pas du spectacle coloré des zones densément peuplées du coralligène, à vrai dire c'est probablement ce que je préfère dans l'exploration sous-marine.

    Au fond du trou je repère un poisson rouge qui s'agite dans le faisceau de ma lampe. Je reconnais un bel apogon (Apogon imberbis) dont la gueule semble pas mal distendue, on pourrait croire qu'il sort d'un combat de boxe.

    apogon

    En fait il s'agit d'un mâle qui protège sa future progéniture en conservant la ponte de la femelle bien à l'abri des prédateurs dans sa bouche !

    apogon

    A la nuit tombée, alors qu'à l'air libre tout devient calme, lorsqu'on passe la tête sous l'eau, on entend un sorte de bruit de fond constant qui ressemble à un concert de stridulations et de coassements, c'est le signe que les crustacés sont de sortie ! Alors que la majorité d'entre eux se cachent et se reposent durant la journée, la nuit ils entrent dans une activité frénétique en quête de nourriture. C'est le cas des petites cigales de mer (Scyllarus arctus).

    cigale de mer

    Ce soir nous sommes trois dans notre petite palanquée, je suis accompagné de François avec qui je plonge régulièrement en binôme et pour la première fois de Serge, avec qui je partage à la fois la passion des fonds marins et de l'astronomie.

    François m'invite à aller passer la tête sous un surplomb rocheux vers 5 mètres de profondeur, une magnifique axinelle commune (Axinella polypoides) s'y cache. Cette éponge est l'une de mes préférées, avec sa forme arbustive, ses ramifications et sa grande taille, elle est vraiment est esthétique. Notons que l'axinelle commune est une espèce protégée par décret depuis le 7 juillet 1999 et par les conventions de Berne et de Barcelone.

    axinelle commune

    A l'étage supérieur je repère une petite murène (Mureana helena) dont la tête dépasse à peine d'un trou dans la roche. Lorsque je l'approche elle me montre ses dents acérées en guise d'avertissement : Il ne faut pas que j'approche plus !

    murène

     

    murène

    François repère dans un tunnel une étrange petite méduse posée sur des brins de posidonie. Il tente de me la montrer mais elle se situe dans un recoin de la cavité qui n'est pas très facile d'accès. Je finis par la repérer et je comprends pourquoi elle l'a intrigué, elle a un aspect différent de celles que l'on a l'habitude de croiser avec une sorte de croix rouge qui traverse son ombrelle et une multitudes de tentacules très fins et bicolores. Après recherche j'ai réussi à l'identifier, il s'agit d'une olindias (Olidias muelleri), une hydroméduse nocturne qui vit souvent sur le fond auquel elle se cramponne grace aux boutons adhésifs de ses tentacules.

    olindias muelleri

    Juste sous la surface nous observons une petite mostelle (Gaidropsarus mediterraneus) qui est tapie dans les algues. Ce poisson vit dans les grottes et les anfractuosités et n'en sort qu'à la tombée de la nuit pour chasser.

    mostelle

    Autre habitant des calanques qu'on ne croise que la nuit, la jolie petite crevette drimo (Gnathophyllum elegans) qui est facilement reconnaissable avec son petit corps dodu et sa robe à pois.

    crevette drimo

    Certaines espèces changent d'aspect à la nuit tombée, c'est le cas de la crevette nettoyeuse (Lysmata seticaudata) dont la livrée rouge striées de fines bandes blanches horizontales devient une livrée claire à bandes rouges verticales !

    crevette nettoyeuse 

    Un peu plus loin une jolie anémone attire mon attention. Elle ne ressemble pas à celle que j'ai pu observer jusqu'à présent, il pourrait s'agir d'une aiptasie (Aiptasia sp.) ou alors une sargatie (Sargatia sp.) ?

    Comme a chacune de mes plongées nocturnes a Morgiou j'observe de nombreuses petites rascasses rouges (Scorpaena notata) posées un peu partout sur les rochers. Certaines sont bien visibles, d'autres sont un peu plus dissimulées et peuvent constituer un danger pour les plongeurs. En effet, les arrêtes de la nageoire dorsale de la rascasse sont venimeuses et il ne faut surtout pas poser ses mains dessus par inadvertance !

    petite rascasse rouge

    En m'éloignant momentanément de la falaise, je découvre en pleine eau un organisme planctonique intrigant ressemblant à une masse gélatineuse irrégulière constellée de petites boules semi-translucides. Elle ressemble un peu au radiolaire collonial collozoum sp. que j'ai déjà observé mais il semble s'agir d'une autre espèce (laquelle ?). En tout cas cet organisme est plutôt esthétique car sous l'éclat de la lampe il semble émettre des reflets colorés, peut-être de la bioluminescence ?

    Dans une nouvelle cavité je surprends une castagnole (Chromis chromis) qui s'est installée là pour passer la nuit à l'abri des prédateur. La castagnole modifie elle aussi un peu sa teinte après le coucher du Soleil, sa livrée sombre s'accompagne désormais de belles touches bleutées au niveau des nageoires.

    castagnole

    Certaines parois abritent des colonies d'hydraires, immanquablement nous y repérons quelques limaces de mer qu'y s'en nourrissent. Ce soir nous ne croisons que des Hervias (Cratena Peregrina) accompagnées de leurs pontes. J'ai eu pas mal de difficultés à les photographier car le courant les agitait dans tout les sens ...

    hervia

    En nageant au dessus des herbiers de posidonies qui tapissent le fond de la calanque, nous remarquons la présence d'une belle murène (Muraena helena)  qui serpente sur le fonds vers trois mètres de profondeur. Surprise par nos éclairages, elle se tient immobile et, ne sachant pas si nous représentons une menace, elle nous surveille du coin de l’œil. Nous descendons à tour de rôle lui tirer le portrait de plus près. Cet animal est impressionnant quand il se déplace en eau libre et qu'on le perçoit en entier, puis je trouve que les motifs "léopards" colorés présents sur ses flancs sont assez esthétiques. La murène est souvent victime du délit de sale gueule mais je trouve personnellement que c'est un bel animal. 

    murène

    Sur le chemin du retour la batterie de ma lampe Volador a lâché, heureusement j'avais prévu une lampe de secours au cas où, j'ai glissé ma petite Qudos Action dans la combinaison. En allumant ma seconde lampe je m’aperçois que je me trouve juste à côté d'une dromie (Dromia personata). Le gros crustacé s'est installé au sommet d'un rocher, il est bien camouflé sous une éponge qu'il a découpé et qu'il a pris soin d'installer sur son dos. Avec ma panne de lampe je me suis fait un peu distancer par mes camarades mais j'essaye de prévenir Serge afin qu'il fasse marche arrière et qu'il puisse découvrir cette espèce au comportement insolite.

    dromie

    Nous nageons désormais en direction de notre rocher de mise à l'eau, et une dernière surprise s'offre à moi. J'observe une nouvelle petite rascasse posée sur un rocher, mais je n'ai pas l'impression qu'il s'agit d'une énième petite rascasse rouge, elle est différente. En l'étudiant de plus près je remarque qu'elle présente les subtiles caractéristiques typiques de la rascasse de Madère (Scorpaena maderensis). Des bandes claires et sombres bien marquées sur la nageoire caudale, des petites taches blanches alignées sur ses flancs le long de sa colonne vertébrale, des petites barbillons blancs sur son menton juste sous les yeux, pas de doutes, il s'agit bien d'elle ! Cette espèce je commence à bien la connaître, je l'ai déjà croisée à maintes reprises à Lanzarote dans l'Atlantique, à Majorque dans les Baléares, ou à Corfou en Grèce. Par contre je suis étonné de la trouver à Morgiou car il s'agit d'un poisson d'origine subtropicale qui affectionne les eaux chaudes et qui a commencé à coloniser la Méditerranée méridionale. Quoique, avec une mer à 25°C et le réchauffement climatique, finalement l'eau est aussi chaude dans les calanques qu'à Corfou ou aux Baléares, c'est une belle opportunité pour cette rascasse d'étendre encore son ère de répartition et de coloniser petit à petit le littoral provençal ... A quand l'arrivée de la rascasse volante dans les eaux marseillaises ?

    rascasse de Madère

    Nous voilà revenus près du bord, ce fut encore une fois une sacrée plongée de nuit bien riche en observations ! Après avoir passé près de deux heures dans l'eau nous voilà bien rafraichis, mais le température de la mer était tellement agréable qu'on aurait même pu continuer la randonnée palmée, si seulement il n'y avait pas le boulot le lendemain ...

     

     

     


     

     

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    La calanque de Morgiou

     

    La calanque de Morgiou est située dans le Parc national des Calanques. Cette calanque encaissée abrite un petit port de pêche, quelques cabanons et un bar restaurant. Morgiou offre un cadre naturel magnifique, elle est sauvage et particulièrement paisible, l'eau y est souvent cristalline. L'accès en voiture y est réglementé en journée durant la période touristique entre le printemps et l'automne, seuls les résidents où les visiteurs ayant réservé une table au restaurant du petit port de pêche peuvent alors y descendre en véhicule.

     

     


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  • Commentaires

    1
    Lacsap68
    Samedi 23 Juillet 2022 à 15:25
    Bonjour Laurent, superbes photos une fois de plus. Vers quelle heure commencez-vous vos sorties nocturnes ? Belle journée à Toi
    2
    Samedi 23 Juillet 2022 à 16:18

    Salut, ce coup-ci on s'est mis à l'eau entre 22h et minuit et demi. Mais il arrive qu'on commence la plongée nocturne durant les leurs crépusculaires qui succèdent le coucher du Soleil. Mais c'est quand la nuit devient noire que les choses deviennent vraiment intéressantes.

      • Lacsap68
        Samedi 23 Juillet 2022 à 20:23

        Re Laurent,

        Etant sur la Presqu'Île de Giens pour l'instant, nous tenterons probablement une sortie dans ce créneau. Encore un tout grand merci pour le partage et bonne continuation à Toi

      • Dimanche 24 Juillet 2022 à 21:23

        Salut !

        C'est sûr que sur la presqu'île de Giens il doit y avoir de très bons coins pour faire de la plongée de nuit. Pour une première il vaut mieux choisir un coin avec lequel on est familiarisé et où on a déjà plongé de jour, histoire d'avoir quelques repères, surtout par nuit sans Lune comme en ce moment.

        Puis prévoir un éclairage de secours dans la combi au cas où, et rester pas trop loin de son binôme !

        Bonne plongée et n'hésite pas à partager tes découvertes :)

    3
    Jodeplum
    Samedi 23 Juillet 2022 à 18:21

    Bravo Laurent, tes photos sont magnifiques et l'ambiance parfaitement restituée ... comme si j'y étais ! La seiche est superbe avec ses reflets rosés. je n'ai pas souvenir d'avoir vu de tels reflets avant. Et bien vu pour la rascasse de Madère. il fallait repérer les différences. tu deviens un vrai pro ! A bientôt pour ce nouvelles aventures.

    4
    Dimanche 24 Juillet 2022 à 21:31

    Salut François !

    Merci, je pense que tu dois en avoir de très belles aussi vu ce que tu m'as déjà montré sur l'écran de ton Olympus, notamment pour l'olindias ! 

    C'est vrai que les couleurs bioluminescentes de la seiche sont incroyables, je n'en avais jamais vu de pareille sur cette espèce auparavant.

    Pour ce qui concerne les rascasses, à force de les photographier je commence à bien connaître leurs différences, celle de Madère en tout cas à des signes distinctifs bien caractéristiques. Faudra surveiller si on la croise à nouveau à Morgiou. Mais comme la mer atteint en ce moment près de 30°C l'après-midi je m'attends à voir débarquer la rascasse volante, vu qu'elle est déjà présente au sud de l'Italie ...

    Va falloir qu'on se prévoit une autre nocturne prochainement, peut-être à Figuerolles ou au Mugel pour changer :)

    5
    Mercredi 27 Juillet 2022 à 16:48

    Bonjour Laurent. Simple question technique : Le caisson est-il obligatoire pour un meilleur rendu photo avec le TG6 ? ( je n'en possède pas )... Une lampe est obligatoire je pense ? Merci pour tes réponses. JP

    6
    Jeudi 28 Juillet 2022 à 17:21

    Salut Jean-Pierre,

    Le caisson n'est pas obligatoire, d'ailleurs François qui m'accompagne lors de mes plongée n'en utilise pas et ses photos superbes. Moi j'utilise le caisson pour le protéger car je vais souvent nager dans les rochers et quand il y a de la houle c'est vite fait de donner un coup fatal à l'appareil. J'apprécie aussi le fait d'avoir un diffuseur sur le caisson pour le flash du TG4.

    Pour ce qui est de la lampe, si tu plonges par grand beau temps sur les fonds éclairés tu pourras t'en passer. Si on s'intéresse aux petits animaux comme les limaces de mer et qu'on aime explorer les tombants ombragés et les cavités sombres, là elle est quasi-indispensable.

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