Les fortes chaleurs qui règnent sur la Provence en ce mois de juin permettent de lancer la saison des plongées de nuit, j'attendais çà avec impatience ! Pour ne pas déroger à la tradition je rejoins François à la calanque de Morgiou pour une exploration sous-marine à la lumière du premier quartier de Lune. Malheureusement à notre arrivée au port nous constatons que les conditions de plongées ne sont pas aussi idéales que ce que nous escomptions. Certes il fait chaud et la mer s'est bien réchauffée, mais nous n'avions pas prévu qu'un fort vent de sud nous apporterait une houle particulièrement gênante.

Heureusement la calanque de Morgiou comporte de nombreux recoins à explorer en randonnée palmée et certains sont plus abrités du vent et des vagues que d'autres. Cela nous permet de maintenir quand même la sortie.

Il est 22h30, après un bon repas nous descendons vers le port à la lumière des lampes et du clair de Lune, même si l'éclat de ce dernier et très atténué par les épaisses brumes maritimes qui restent inlassablement accrochées aux reliefs de la calanque.

La mise à l'eau est particulièrement agréable ce soir car la mer est à 23°C ! Par contre la chaleur et le vent de sud ont rendu la Méditerranée très opaque, l'eau est très chargée en particules et en organismes planctoniques en tout genre, une véritable purée de pois ... Dans ces conditions la prise d'images n'est vraiment pas simple, nous sommes obligés d'approcher au maximum les sujets d'observation pour obtenir des images convenables.

Notre motivation à plonger malgré les piètres conditions est rapidement récompensée, puisque dès les premiers mètres parcourus nous croisons une jolie seiche (sepia officinalis) qui nage sur le fond.

Pour la photographier je suis obligé de descendre en apnée afin de tenter de me rapprocher le plus possible de l'animal. J'essaye de suivre la sèche en nageant parallèlement à elle. Elle présente quelques beaux reflets colorés au niveau de son ventre.

Par contre quand on la regarde de dessus on remarque tout de suite qu'elle se fond parfaitement dans le décors environnant. Son camouflage est efficace !

Allez, je laisse la seiche reprendre tranquillement sa partie de chasse nocturne. Un peu plus loin je remarque sur les rochers un petit crustacé presque entièrement recouvert d'algues qui s'est mis en agitation au passage du faisceau lumineux de ma lampe. Il s'agit d'une petite araignée de mer (maja crispata), reconnaissable à ses longs bras et ses pinces fines.

En évoluant dans cette eau sombre et épaisse on surprend des animaux au fur et à mesure de notre avancée. Voilà que je tombe nez à nez avec un petit corb (sciaena umbra), un poisson assez rare, quasi-menacé et protégé au même titre que le célèbre mérou par la convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage ainsi que par un moratoire méditerranéen. Sa pêche et sa chasse sont donc interdites. Quant aux snorkelers naturalistes, ils auront plus de chance d'admirer cette espèce après le coucher du Soleil car il s'agit d'un poisson aux mœurs nocturnes.

Je surveille attentivement la position du faisceau lumineux de François car la visibilité est très mauvaise et nous nous aventurons dans des coins que je ne connais pas. Nous parvenons désormais à un monticule rocheux immergé sur lequel nous découvrons une toute petite cigale de mer (scyllarus arctus). Plaquée contre la paroi rocheuse elle est immobile et très discrète, pour le coup c'est une chance de l'avoir remarquée.

Non loin d'elle, un petit trou abrite une jeune galathée commune (Galathea squamifera), je sens que cette sortie va être riche en observations d'invertébrés de toutes sortes ! En tout cas la galathée ne se défile pas, elle nous fait face en mettant en avant sa pince en guise d'avertissement : surtout, n'approchez pas !

Sous un rocher je remarque une tête sombre qui dépasse d'une petite grotte, je reconnais ce museau pointu et sombre, il s'agit d'un congre (conger conger) ! Celui-ci est de belle taille, il est assez craintif au premier abord mais à force de multiplier les descentes pour aller le voir de près il a fini par s'habituer à nous et prendre la pose.

Dommage que l'eau soit si chargée, j'ai eu beaucoup de mal à lui tirer le portrait avec toutes ces particules en suspension.

Pendant que François rend visite au congre je vais visiter un peu les environs. Voilà que je croise un gros pagure rayé (dardanus calidus) que je surprends en pleine ascension d'un grand rocher. Il ne progresse pas vite dans son entreprise avec son énorme et lourd paquetage ! La coquille dans laquelle il s'abrite est couverte de grosses anémones parasites (Calliactis parasitica).

Je repère également quelques gobies géants (gobius cobitis) dans le secteur. Comme beaucoup d'autres animaux marins il sort la nuit pour chasser.

En inspectant les rochers je repère une jolie étoile de mer rouge (echinaster sepositus), il faut dire qu'avec sa couleur vive celle-là au moins on la voit de loin !

Dans notre progression nous passons à côté d'un bateau qui à l'air d'être resté amarrer depuis un bon bout de temps au même endroit. En témoigne sa coque couverte d'une belle couche d'algues et d'invertébrés encroutants. Parmi les formes de vie fixées sur ce support artificiel nous découvrons de grands vers spirographes (sabella spallanzanii).

Un de ces spirographes présente un beau panache branchial orangé très esthétique.

Les autres spirographes sont plus clairs mais ils possèdent de très longs tubes muqueux qui servent d'abris aux corps fragiles de ces vers polychètes. L'animal ne laisse dépasser du tube que son panache branchial, il lui permet de capter sa nourriture , des micro-algues, des bactéries, ou du planctons.

 Les filaments des panaches sont ballotés par le courant et le tangage du bateau sur lequel les vers se sont fixés.

Alors qu'on se rapproche de la fin de notre circuit je me dis que c'est dommage de ne pas avoir vu de limaces de mer.  Et bien mon regret aura été de courte durée car François m'appelle pour me montrer un très gros lièvre de mer caché dans une petite cavité ! Jusqu'à présent j'avais observé des lièvres de mer de l'espèce aplysia fasciata reconnaissable à leur couleur foncée et au liseré rouge de ses parapodes. Celui que nous observons présente une livrée marron claire et sans liseré coloré, il s'agit probablement d'une aplysia depilans, un lièvre de mer commun.

En observant de plus près ce gros lièvre de mer je m'aperçois qu'il se trouve juste à côté de sa ponte. Les cordons de ponte forment de longs spaghettis entremêlés, ils sont gélatineux et peuvent contenir des millions d'œufs.

Lorsqu'on a mis la tête dans l'eau et que nous avons constaté l'opacité de l'eau nous nous sommes dit que cette plongée allait juste ressembler à un bon bain de minuit. Finalement, notre persévérance à payé, malgré une visibilité sous-marine exécrable nous avons pu découvrir pas mal d'animaux et nous nous sommes régalés. Le lendemain, on prenant la route qui mène sur les hauteurs de la calanque, j'ai jeté un dernier coup d'oeil à Morgiou, un site merveilleux tant sur le plan des paysages terrestres que pour sa faune sous-marine. Vivement la prochaine !

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La calanque de Morgiou

 

La calanque de Morgiou est située dans le Parc national des Calanques. Cette calanque encaissée abrite un petit port de pêche, quelques cabanons et un bar restaurant. Morgiou offre un cadre naturel magnifique, elle est sauvage et particulièrement paisible, l'eau y est souvent cristalline. L'accès en voiture y est réglementé en journée durant la période touristique entre le printemps et l'automne, seuls les résidents où les visiteurs ayant réservé une table au restaurant du petit port de pêche peuvent alors y descendre en véhicule.