L'hiver est arrivé plus tôt que prévu cette année et les températures froides se sont installées sur la durée, ce qui a mis un terme prématuré à la saison favorable pour la pratique du snorkeling. En tout cas c'est ce que je pensais jusqu'à ce qu'une journée ensoleillée et sans vent survienne en ce lendemain de fête de Noël. Même si dehors il ne fait que 13°C, j'accepte ce cadeau inespéré offert par dame nature, je récupère mon paquetage et je file sans trop réfléchir plonger à la calanque du Mugel à la Ciotat.  

Le choix du spot de snorkeling en hiver est vite fait, comme en cette saison froide beaucoup de poissons rejoignent les eaux profondes, pour faire une plongée intéressante il vaut mieux miser sur un site riche en faune fixée et qui abrite de nombreux animaux plutôt sédentaires. C'est le cas au Mugel, sur ce site il est possible de se régaler toute l'année du spectacle coloré offert par les éponges, les ascidies et les cnidaires et personnellement je ne m'en lasse jamais. Ci-dessus une belle oscarelle bleu-violet (Oscarella lobularis) tient compagnie à une éponge rognon (chondrosia reniformis).

Aujourd'hui je teste une nouvelle lampe (une Volador DX70C) sur laquelle j'ai bricolé un diffuseur de lumière à l'aide d'un fond de gobelet en plastique qui aura trouvé une seconde vie. Je trouve que les lampes sous-marines à LED sont souvent trop puissantes et éblouissantes pour servir à la photo sous-marine rapprochée. Non seulement l'éclat trop intense fait fuir les animaux mais elles sont même aveuglantes pour eux. Avec le diffuseur la nuisance lumineuse est atténuée et comme l'éclairage est moins cru les images sont adoucies et présentent moins de zones surexposées. Les images présentées ci-dessous ont été prises à travers le diffuseur gobelet, à commencer par celle de cette petite blennie gattorugine (parablennius gattorugine).

Aujourd'hui la température de l'eau est à 15°C, elle est encore supportable avec les bonnes épaisseurs de néoprène. Dans les grottes sombres par contre il fait plus frais, la mer perd un degré ou deux. J'y retrouve quelques doris dalmatiens (peltodoris atromaculata) grignotant des éponges pierres (petrosia ficiformis), leur met favori.

Alors que je m'intéresse de près aux doris, je remarque que des petits poissons s'agitent sur le plafond de la cavité au gré des mouvements de ma lumière. En les regardant de plus près je reconnais de mignonnes petites blennies à tête noire (Microlipophrys nigriceps), elles essayent de fuir l'éclat de ma lampe. J'en rencontre de plus en plus souvent dans les grottes, cette espèce à l'air de bien prospérer dans ce biotope sombre du Mugel !

Ce qui est paradoxal dans le monde sous-marin c'est que les formes de vie les plus colorées et esthétiques se développent souvent dans le noir complet, là où peu de monde peut les admirer. Parmi les beautés cachées dans l'obscurité j'aime beaucoup les motifs veinés de l'éponge encroûtante orange (Spirastrella cunctatrix) qui est également appelée "éponge étoilée".

Je retourne vers le grand doris dalmatien que j'essaye de photographier de face cette fois-ci. Il broute goulument une éponge pierre avec sa radula, une sorte de bande rapeuse couverte d'une multitude de dents minuscules.

Les grandes crevettes rose (palaemon seratus) sont nombreuses à passer dans le faisceau de ma lampe, elles sont très curieuses et n'hésitent pas à sortir de leurs cachettes dès qu'elles aperçoivent de la lumière.

Je sors des grottes pour visiter d'autres recoins de la calanque. J'effectue une petite apnée pour aller explorer une cavité cachée sous un surplomb rocheux vers 3 mètres de profondeur. La zone est richement ornée d'éponges et d'ascidies.

Ici c'est une axinelle plate (axinella damicornis) qui attire mon regard, elle forme un bouquet coloré et contrasté avec une algue calcaire rose (Lithophyllum Philippi).

Mais mon attention est surtout retenue par la présence d'une masse protubérante accrochée sur le plafond rocheux. En la regardant de plus près je reconnais la forme d'une cigale de mer, mais celle-ci a une allure différente de celles que j'ai l'habitude de croiser dans cette calanque. En fait cette carapace massive, anguleuse, couverte de petites aspérités est typique de la grande cigale de mer (Scyllarides latus). Je suis à la fois enchanté et surpris par cette rencontre car il s'agit d'une espèce réellement devenue très rare ! En plus elle est très difficile à observer en snorkeling car elle est peu fréquente dans les premiers mètres sous la surface et de surcroit elle ne sort que la nuit.

Notons d’ailleurs que la grande cigale de mer est totalement protégée en France (ainsi que dans plusieurs pays d'Europe) par l'annexe 3 des conventions de Berne et Barcelone depuis 1992 car elle a fait l'objet d'une pêche intensive qui a littéralement décimé ses populations. Aussi il est strictement interdit de la chasser ! 

La grande cigale est devenue tellement rare que le seul fait d'en observer une est un évènement pour un plongeur, on peut en juger en lisant ce commentaire laissé sur le site du magazine "plongez" : "Rares sont les rencontres avec la grande cigale de mer mais généralement, lorsqu’une palanquée a eu la chance d’en croiser une, l’ensemble du bateau en est très vite informé."

Le secteur du Petit Mugel présente quelques petits tombants ombragés de quelques mètres de profondeur faciles à visiter en apnée. Ils sont généralement riches en vie fixée, celui-ci est tapissé de zoanthaires jaunes et d'éponges.

Dans une cavité sombre je repère un bel oursin granuleux (Sphaerechinus granularis). Je le trouve très esthétique avec ses piquants bicolores et sa teinte violacée. Cet oursin est bien protégé des prédateurs par une grande densité de radioles pointues et comme si çà ne suffisait pas il est aussi capable de se camoufler en se recouvrant d'algues et de débris.

En retournant vers le promontoire rocheux d'où je me suis mis à l'eau je découvre encore quelques animaux insolites comme cette ascidie rouge (Halocynthia papillosa), un organisme filtreur en forme d'outre.

Le double panache branchial coloré d'un ver bispire (bispira volutacornis) retient également mon attention. Un vrai feu d'artifice !

Le bispire est un ver annélide sédentaire qui vit protégé dans un tube muqueux souple ancré à la roche. Le panache branchial lui permet de capturer le plancton dont il se nourrit, aussi il apprécie les endroits où les mouvements d'eau sont assez importants. Notons également qu'Ils sont très craintifs et qu'ils se rétractent à l'intérieur du tube à la moindre vibration anormale.

Pour conclure, je profite de ce compte rendu de plongée pour vous souhaiter de très bonnes Fêtes de fin d'année !

Et bien sûr plein de belles plongées en palmes, masque et tuba pour 2022 !

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La calanque du Petit Mugel

La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.