• Une dernière plongée au Mugel avant le reconfinement

    Et voilà, le confinement est de retour ... Avant de retrouver l'enfermement et de redevenir un casanier pour plusieurs semaines j'avais envie de revoir encore une fois la mer et de goûter une dernière fois à la liberté en pleine nature. Par chance mon emploi du temps me permet de bénéficier d'une petite heure de libre en matinée et je compte bien en profiter ! Tant pis si cette sortie va ressembler à une véritable course contre la montre, je récupère à la hâte mes affaires et file direct à la Ciotat : Mon dernier "plouf" sera au Petit Mugel !

    Heureusement il fait très beau aujourd'hui, cette sortie improvisée s'effectue dans de bonnes conditions. D'autres plongeurs ont eu la même idée que moi, je crois que les amoureux de la mer sont traumatisés à l'idée de redevenir des bipèdes sédentaires pour un mois ou plus ! Malheureusement il n'y a pas que des snorkelers contemplatifs qui se jettent à l'eau, je croise également plusieurs chasseurs sous-marins lourdement armés ... L'un d'entre eux a un harpon aussi grand que moi, il doit se croire dans Mobby Dick à la chasse à la baleine ... misère ! Finalement grace à eux je regarde désormais le confinement sous un autre angle, certes la Méditerranée va me manquer et être privé de nature va être difficile, mais au moins en l'absence de certains humains les animaux marins auront la paix.

    Allez, cette fois-ci c'est parti, je ne réfléchis même pas à savoir si l'eau est bonne car je manque cruellement de temps, je m'élance de tout mon long d'un seul coup dans le grand bain. Je m'attendais à souffrir de cette immersion rapide dans l'eau froide mais finalement je suis agréablement surpris, le vent de sud a rendu la mer un peu d'eau chaude qu'à ma dernière plongée.

    Même si ma plongée va être courte je prends quand même le temps de scruter les moindres recoins cachés de la paroi rocheuse avec ma lampe. Je commence les explorations avec le joli panache branchial d'un protule (protula tubularia).

    protule

    Je prends vraiment soin de regarder partout dans l'espoir de trouver de petites limaces de mer, ceux qui ont l'habitude de lire mes comptes rendus de plongée savent que j'apprécie beaucoup ces minuscules animaux très colorés. Évidemment leur repérage nécessite d'ouvrir l’œil et de prendre le temps de s'attarder sur toutes les petites taches un peu allongée que l'on croise. Et voilà justement que je repère sur un tapis d'algues vertes une discrète brindille bleutée.

    doris de Villefranche

    Je m'y intéresse de plus près mais je ne parviens pas vraiment à identifier de quoi il s'agit. Dans ce là, la solution consiste à prendre une photo et regarder directement l'image sur l'écran et à zoomer. Il se trouve que ma petite brindille bleue est bien un nudibranche, il s'agit plus précisément d'un mignon doris de Villefranche (felimare villafranca). Ce dernier reste assez immobile, en fait j'ai l'impression qu'il est en plein repas, il déguste lentement une éponge.

    doris de Villefranche

    Je reviens visiter les grottes que j'affectionne tant. Avec la lampe Qudos Action je redécouvre les jolies tapisseries d'éponges et d'ascidies colorées qui parent les roches obscures. Ici j'observe de larges éponges veineuses oranges (spirastrella cunctatrix).

    Sur les galets qui jonchent le fond de la grotte s'est développé un tunicier solitaire, il s'agit d'une ascidie rose (ascidia mentula). Cet animal filtreur utilise ses deux siphons éloignés l'un de l'autre pour créer une circulation d'eau dans son organisme et en profite au passage pour capter les particules organiques nutritives.

    ascidie rose

    Dans une cavité très sombre je tombe nez à nez avec un serran écriture (serranus scriba). Il me regarde fixement et dresse sa nageoire dorsale pour signifier que je suis sur son territoire et qu'il n'est pas très content de ma présence.

    serran écriture

    En tendant mon bras pour approcher au maximum l'appareil photo du serran je dérange une rascasse brune (scorpaena porcus) qui s'était camouflée sur la paroi rocheuse et qui d'un coup a pris la fuite. Dans l'obscurité je ne l'avais pas remarqué, heureusement que je n'ai pas mis la main sur ses épines dorsales venimeuses !

    rascasse brune

    Un peu plus loin je tombe sur mon oursin préféré, l'oursin granuleux (Sphaerechinus granularis). Cette espèce de grande taille est assez esthétique avec ses pics à pointes blanches. Il méritait bien une photo lui aussi !

    oursin granuleux

     Revoilà des parois tapissées de coralligène coloré, un vrai plaisir pour les yeux !

    C'est souvent dans les roches riches en coralligène que l'on croisera la blennie de Zvonimir (parablennius zvonimiri). Elle est facile à reconnaître avec sa couleur marron rougeâtre et sa série de taches blanches situées sur la crête dorsale. Cette espèce est assez fréquente sur le spot du Mugel.

    blennie de Zvonimir

    Revoilà une éponge veineuse orange (spirastrella cunctatrix), une espèce bien de chez nous que l'on observe principalement dans le bassin occidental de la Méditerranée. On la rencontre dans les grottes et sous les surplombs car elle est sciaphile, elle craint la lumière. Avec son réseau de veines qui tapissent les parois rocheuse elle attire vraiment le regard et on sent bien qu'il s'agit d'un organisme vivant, même si on pourrait croire qu'il provient d'une autre planète ! 

    éponge veineuse orange

    Les recoins sombres sont aussi le territoire des petits triptérygions nains (triptérygion melanurum). Ces poissons sont assez photogéniques et prennent assez facilement la pose. Mais pour l'observer il faut plonger en Méditerranée, il y a quand même de belle choses à voir dans notre mer sois-disant morte !

    triptérygion nain

    Dans les comptes rendus de plongée je vous parle souvent de grottes ou de recoins sombres dans lesquels la visibilité naturelle est assez mauvaise. Les visiter ne s’improvise pas et lorsqu'on y pénètre il vaut mieux être bien équipés en éclairage. Un petite lampe pas trop puissante comme la Qudos Action est utile pour une exploration progressive et pour photographier les animaux. La majorité du temps elle me suffit amplement, elle a l'avantage de ne pas être trop "crue" et elle ne fait pas fuir les animaux. Une lampe de secours puissante fixée au bras sera utile s'il fait vraiment trop sombre et qu'on a du mal à se repérer.

    Quoi qu'il en soit pensez à maîtriser au maximum vos gestes lorsque vous longez une paroi ou lorsque vous évoluez dans un environnement parfois exigu ou peu profond. Songez que chaque recoin de ces cavités peut être habité et qu'un coup de palme mal assuré peut causer de gros dégâts au niveau de la faune fixée. Pour ma part c'est l'une des raisons pour laquelle je plonge avec des palmes courtes, même si du coup elles ne m'assurent pas une propulsion très efficace durant la nage ... A propos de déplacements lents voilà de petits êtres qui prennent tout leur temps : Les doris dalmatiens (peltodoris astromaculata).

    doris dalmatien

    Cette année ils prospèrent parmi les éponges pierres (petrosia ficiformis) dont ils se nourrissent. Ces gros nudibranches ne sont pas difficiles à distinguer sous l'eau car avec leur robe à pois ils se détachent bien de leur environnement.

    doris dalmatien

    De grandes crevettes roses (palaemon serratus) s'abritent également dans cette cavité. Contrairement à beaucoup d'animaux des habitats obscurs, ces crevettes sont souvent attirées par la lumière et se montrent très curieuses. Une aubaine pour les photographes.

    Il faut que je commence à me hâter, l'heure tourne et il me faut déjà songer à rebrousser chemin. J'aurais tellement aimé avoir le temps de continuer les explorations et de prolonger cette plongée ...

    Je mets à profit le peu de temps qui me reste pour visiter une nouvelle cavité, se sera malheureusement la dernière. Intérieurement je tire la même tête que cette rascasse brune ...

    rascasse

    Un gros bivalve entrouvre sa coquille pour filtrer l'eau et capter les algues unicellulaires dont elle se nourrit. Une huître est capable de filtrer plusieurs litres d'eau par heure et contribue par la même occasion à diminuer la turbidité de la mer. Elle participe également à la séquestration du carbone, une vrai écologiste ! Ici il s'agit probablement une huître creuse (Magallana gigas) .

     Revoilà un petit triptérygion nain caché parmi les éponges.

    triptérygion nain

    Plus loin c'est une magnifique blennie gattorugine (parablennius gattorugine) qui se présente à moi. Sa grande taille et sa livrée bariolée tirant vers le jaune-orangé indique qu'il s'agit d'un mâle. Ce poisson peu farouche et très territorial se laisse prendre assez facilement en photo.

    blennie gattorugine

    Sous un surplomb rocheux vers trois mètres de profondeur je repère une jolie éponge jaune vif qui attire mon attention.

    Cette éponge est une axinelle plate (axinella damicornis). Il arrive que ce spongiaire serve de support de fixation à des zoanthaires jaunes. Ces hydraires peuvent donner l'impression que l'éponge est en fleur lorsqu'ils déploient leur tentacules ! Cette association commensale est tellement fréquente que le nom scientifique des zoanthaires inclut le nom de l'éponge axinelle : Parazoanthus axinellae !

    axinelle plate

    Sur le chemin du retour, alors que je suis sur le point de retrouver le promontoire rocheux où j'ai laissé mes affaires, j'ai l'agréable surprise de croiser mon ami André. Il vient juste d'arriver, il a lui aussi décidé de profiter de cette dernière journée de liberté pour venir plonger au Mugel. Nos esprits de passionnés de la mer ont eu la même idée !

    Vu le contexte sanitaire actuel, je pense que cette sortie de snorkeling au Mugel restera la dernière pour un bon bout de temps. Espérons quand même que ce nouveau confinement ne sera pas trop long et qu'il portera ses fruits face à l'épidémie ... Bon courage à tous !

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       La calanque du Petit Mugel

    La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.

     

     

     

  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Novembre 2020 à 18:30

    Mon ami André revient d'un séjour en Mer Rouge, il a réalisé une belle vidéo des fonds marins en Égypte. Voilà le lien pour la visionner :

    https://www.youtube.com/watch?v=uhAMrbYs9CI&feature=emb_logo

    2
    Pascal Lebrun
    Lundi 2 Novembre 2020 à 19:39

    Un tout grand merci Laurent pour ces belles photos ... ça fait du bien. Prenez soin de Vous et vos proches.
    PS: merci pour le lien de votre ami .

     

    3
    Lundi 2 Novembre 2020 à 20:51

    Bonsoir Pascal,

    Merci pour votre message ! En cette période particulière de vie recluse je me suis dit que la vidéo d'André nous offrira un peu d'évasion en complément de mes photos.

    Prenez également soin de vous, on va continuer à zigzaguer entre les virus et essayer de ressortir de cette période frais comme des gardons :)

     

    4
    jeandeflorette
    Mardi 3 Novembre 2020 à 16:58

    Hello Laurent, Merci de ta "pub" happy J'ai bien revu le petit mérou ce jour là, il était commensal d'un beau poulpe... Mais je n'ai pas vu le Doris bleu, c'est une première.... Tu as des yeux de lynx. Super reportage comme d'hab.

    Encore "gardon" pourvu que ça dure..

    André

    5
    Mercredi 4 Novembre 2020 à 10:01

    Salut André !

    Oui j'ai revu également le petit mérou mais je n'ai pas réussi à le photographié correctement car il est vite parti se réfugier dans un trou. En tout cas çà fait plaisir de voir qu'il survit et qu'il parvient à éviter les chasseurs ...!

    Pour le petit doris bleu c'est la seconde fois que j'en repère un au Mugel, la première fois nous étions ensemble d'ailleurs. J'étais venu te le signaler et te le montrer sur l'écran du TG4 mais en le perdant de vue je n'étais pas parvenu à le retrouver ... Il est vraiment petit !

    Sinon c'est sympa qu'on se soit croisés à l'improviste :) Dommage que j'étais pressé par le temps, je serai bien resté avec toi !

    Je n'ose pas te dire à bientôt car j'ai l'impression que ce reconfinement va durer .... Il nous prive d'une des saisons les plus intéressantes de l'année pour le snorkeling, une période où le littoral redevient tranquille ...

     

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