• Un air de printemps dans les fonds marins du Mugel

    Le beau temps est enfin de retour avec la présence de l'anticyclone sur une bonne partie de la France, çà sent le printemps sur terre mais aussi sous l'eau où les algues sont dans un état de développement effervescent. Par contre l'eau nous rappelle que nous sommes encore bel et bien en hiver car elle est encore bien fraiche avec ses 14°C ! Pour cette sortie je vous emmène une nouvelle fois au Petit Mugel à La Ciotat, vous l'aurez compris c'est l'un de mes spots préférés !

    Aujourd'hui la mer présente une belle transparence ce qui promet de belles observations même si à cette période de l'année certaines espèces de poissons ne sont pas très présentes sur les petits fonds. Même si les poissons se font rares il reste toujours beaucoup d'animaux à découvrir comme les échinodermes, à l'image de ce concombre cracheur marron (holothuria sanctori) caché sous un surplomb. Cette espèce originaire des eaux chaudes du sud de la Méditerranée est désormais bien implantée chez nous à la faveur du réchauffement climatique.

    concombre cracheur marron

    Certains échinodermes peuvent être plus esthétiques que les "chichis de mer" comme on les appelle à Marseille. Personnellement j'aime beaucoup les gros oursin granuleux (Sphaerechinus granularis) que je trouve très élégants avec leurs piquants marron à pointes blanches.

    oursin granuleux

    Le Petit Mugel abrite toute une population de doris dalmatien (Peltodoris atromaculata), en cherchant bien parmi les éponges pierres (petrosia ficiformis) que l'on rencontre dans les recoins sombres. Il s'agit de l'un des nudibranches les plus faciles à reconnaître avec sa robe blanche couverte de taches brunes. Les taches lui permettent probablement de décourager les prédateurs en leur signalant qu'il n’est pas comestible.

    doris dalmatien

    Je m'intéresse rarement aux mollusques gastéropodes car les petits coquillages que je croise habituellement abritent plus souvent des bernard-l’ermite que les animaux originels. Mais cette fois-ci je tombe sur une véritable nasse épaisse (tritia incrassata) déambulant parmi les algues encroutantes.

    nasse épaisse

    Des poissons il y en a quand même, mais beaucoup se cachent ou se camouflent. Avez-vous repéré la rascasse brune (scorpaena porcus) tapie dans les algues ci-dessous ? Il s'agit d'une espèce sédentaire et solitaire qui passe le plus clair de son temps immobile, posée sur le fond. Confiante dans sa capacité de mimétisme avec son environnement elle reste souvent statique même lorsqu'on l'approche de près, une aubaine pour le photographe.

    rascasse brune

    Un autre as du camouflage que l'on rencontre près de la surface, dans la zone battue par les vagues, voilà la petite blennie sphinx (Aidablennius sphynx).

    blennie sphinx

    Aux abords des grottes il fait froid et sombre, la lampe de plongée et de bonnes épaisseurs de néoprène sont les atouts indispensables d'une exploration réussie.

    Un très beau serran écriture (serranus scriba) a établi son territoire dans une anfractuosité obscure. Ce magnifique poisson solitaire est facilement reconnaissable à sa grande tache ventrale bleue. Il s'agit d'un prédateur assez vorace qui se nourrit de petits poissons, de crustacés ou de mollusques. Malheureusement pour lui son grand appétit fait qu'il mord également facilement aux appâts des hameçons de pêche ...

    Ce poisson est assez curieux, les serrans sont d'ailleurs souvent intrigués par les plongeurs. Malheureusement ce trait de caractère appréciable pour l'observateur naturaliste se révèle fatal pour l'animal quand le plongeur en question est équipé d'un harpon ... Dans un autre registre, notons que les fines veines bleues qui parcourent sa tête sont à l'origine de son nom car elles évoquent l'écriture calligraphique arabe.

    serran écriture

    Plus étonnant, un crénilabre à cinq taches (symphodus roissali) passe devant moi au moment où je photographie le serran. Je me demande qu'est-ce qu'il fait dans cet endroit sombre et minéral ? D'ordinaire il apprécie plutôt les habitats lumineux où abondent les algues. 

    crénilabre de Roissal

    Les recoins sombres du Mugel sont souvent richement décorés d'éponges et d'ascidies très colorées. Ces fresques naturelles constituent des tableaux dont je ne me lasse jamais, c'est l'une des raisons pour lesquelles je reviens souvent sur ce spot de snorkeling.

    Les habitats obscurs abritent parfois des espèces que l'on ne peut pas observer ailleurs. C'est le cas de la magnifique petite blennie à tête noire (microlipophrys nigriceps) qui ne vit que dans les grottes, souvent accroché au plafond. Elle n'est pas toujours facile à photographier car elle fuit la lumière des lampes, il faut donc avoir de beaux réflexes pour lui tirer le portrait ! 

    En continuant d'explorer les parois sombres avec la lampe Qudos Action je croise à nouveau quelques doris dalmatiens à proximité des éponges pierre, leur met favori. En observant l'éponge ci-dessous on peut remarquer que sa surface a été broutée par ces limaces de mer.

    doris dalmatien

    doris dalmatien

    Revoilà également une rascasse brune mais celle-ci est particulièrement spectaculaire de part sa taille imposante ! J'en ai rarement vu d'aussi grosse, je dois même reculer pour la cadrer en entier ! Avec Gilles qui m'accompagne pour cette plongée nous la rebaptisons rascassosaurus rex, nous nous souviendrons longtemps de ce spécimen XXL.

    Juste à côté de la rascasse j'observe les fins bras tentaculaires et épineux d'une ophiure araignée (Ophiopsila aranea).

    ophuire araignée

    Dans certaines cavités les éponges cohabitent avec des tapis denses de zoanthaires jaunes (Parazoanthus axinellae), chaque centimètre de la paroi rocheuse est occupée par un organisme vivant ! Lorsqu'on admire un spectacle pareil on comprend bien la nécessité de maitriser ses gestes et surtout de penser à surveiller ce que l'on fait de ses palmes en pénétrant dans ces endroits parfois exigus. 

    Un petit trou sert d'abri à un gobie de Paganel (gobius paganellus), sa couleur noire indique qu'il s'agit d'un mâle en livrée de reproduction. La bordure jaune sur le sommet de la nageoire dorsale est caractéristique de cette espèce.

    En retournant vers les fonds éclairés par la lumière du jour je découvre des paysages tout aussi esthétiques, ici des algues harpons de Neptune (asparagopsis armata) arborent une couleur rouge qui contraste magnifiquement avec le bleu de la Méditerranée. Notons que cette algue est originaire de Nouvelle-Zélande et d'Australie, elle est apparue sur les côtes européennes vers 1925 et prospère sur notre littoral à la fin de l'hiver et au début de printemps quand l'eau est encore froide. C'est donc le bon moment pour l'observer !

    Je longe un tombant ombragé et repère une étoile de mer épineuse (Coscinasterias tenuispina). Elle aussi est une espèce importée, elle est originaire des tropiques mais elle s'est remarquablement bien adaptée à nos eaux.

    étoile de mer épineuse

    L'une des bonnes surprises de la sortie c'est l'observation d'une étoile de mer pourpre (ophidaster ophidianus), c'est la première fois que je croise cette espèce rare originaire du sud de la Méditerranée. Je la repère au pied du tombant en train de glisser lentement vers une petite cavité obscure. On la différencie facilement de l'étoile de mer rouge commune (echinaster sepositus) car elle est plus grande que cette dernière et son aspect extérieur est très lisse, trapu, et seulement parcouru par des alignements de petites aspérités foncées.

    Sur le chemin du retour je fais une dernière petites apnée pour aller voir ce qui se cache sous un surplomb et découvre un beau spécimen de faux corail (myriapora truncata). Il ne s'agit pas d'un cnidaire corallien comme son aspect pourrait le laisser croire, mais d'un bryozoaire colonial buissonnant. Le revêtement "poilu" de l'exosquelette calcaire orange est en fait constitué d'une myriades de lophophores, de petits panaches de tentacules qui se nourrissent en capturant de micro-organismes circulant dans l'eau.

    faux corail

    En sortant de l’eau nous profitons de la douce chaleur des rayons du Soleil hivernal pour faire sécher les combinaisons. Un cormoran installé juste à côté de nous en fait de même avec son plumage, nous sommes tous décidés à profiter de cette belle journée ensoleillée !   

    Encore une belle plongée en snorkeling qui s'achève. Ce spot du Mugel comporte vraiment une biodiversité incroyable, j'ai beau y retourner régulièrement je découvre toujours de nouvelles espèces à observer !

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       La calanque du Petit Mugel

    La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.

     

     


  • Commentaires

    1
    pbh
    Samedi 27 Février 2021 à 20:25

    Bonjour! Je pense que mon mari et moi vous avons vu hier (nous étions les deux hommes qui avaient plongé avant vous). J'ai trouvé votre site par hasard quand je cherchais un bon guide des poissons et invertebres. Nous n'avons pas beaucoup d'expérience de snorkeling et votre site est très utile pour nous. Je suis passionné de la vie de l'océan et ce site est vraiment très complet! Merci beaucoup.

     

    Pardon pour mon français, je suis américain et je viens de déménager en France.  

    2
    Pascal Lebrun
    Samedi 27 Février 2021 à 20:47

    De bien belles photos ... un tout grand merci 

     

    3
    Samedi 27 Février 2021 à 23:55

    @ Pbh : Quel extraordinaire coïncidence !! Effectivement il y avait bien deux snorkelers qui sont passés près du promontoire rocheux où nous nous équipions, nous nous sommes visiblement croisés ! j'espère que votre plongée au Mugel vous a plu.

    En tout cas bienvenue en France et merci d'avoir apprécié mon blog. Je vais continuer à l'enrichir et à présenter les espèces marines que je croise.

    @ Pascal : merci beaucoup !

    4
    gillounet
    Dimanche 28 Février 2021 à 10:42

    Très belles photos Laurent. Je ne sais pas si c'est la saison qui le permet, mais j'ai trouvé certains endroits bien plus fournis que d'habitude de toutes espèces. Dans la petite grotte, j'avais l'impression d'être un éléphant dans un magasin de porcelaine.

    Merci de m'avoir encore éduqué le regard, parce que je serai encore passé sur un tas d'animaux sans les voir.

    5
    Dimanche 28 Février 2021 à 16:41

    Salut Gilles !

    Effectivement les parois rocheuses étaient richement ornées, les éponges, les ascidies et alcyonaires étaient en pleine forme. Je pense que l'eau froide leur convient mieux car en été le coralligène est moins spectaculaire. En tout cas çà valait la peine de se geler, en s'en est mis plein les yeux :)

    6
    julien
    Dimanche 28 Février 2021 à 17:42

    incroyable ! j'ai du mal à croire qu'on est juste au Mugel !

    et quand je vois les harpons de Neptune. je ne suis plus en France, mais dans une mer tropicale ....

    merci

    7
    Lundi 1er Mars 2021 à 00:19

    Salut Julien !

    Oui les harpons de Neptune apportent beaucoup de couleur aux fonds sous-marins en cette saison, il s'agit d'une espèce annuelle qui nous offre de belles compositions en hiver et qui disparaît au printemps quand l'eau se réchauffe. Il ne faut donc pas être frileux pour profiter du spectacle !

     

    8
    Mysha
    Mardi 9 Mars 2021 à 14:41
    Bonjour, photos très intéressantes et belles malgré la saison. J’essaie, sans résultat de copier et envoyer une photo prise au nord de la Sardaigne où des algues ressemblaient aux Harpons de Neptune. Est ce possible d’en trouver aussi sur autour de cette île ? Dommage que je ne puisse pas vous montrer la photo. Bonne journée et à bientôt d’avoir de nouvelles belles images
    9
    Mardi 9 Mars 2021 à 16:45

    Bonjour Mysha,

    Pour inclure une photo dans un commentaire il faut utiliser l'onglet qui ressemble à un cadre avec une montagne et un Soleil et qui s'appelle "Insérer/éditer une image". Ensuite dans "source" il faut copier l'URL de votre image, cela sous-entend que vous l'image a été téléchargée quelque part sur le net et qu'une adresse URL lui a été attribué.

    Pour ce qui concerne les harpons de Neptune, l'algue s'est rependue dans une bonne partie de la Méditerranée donc il est tout à fait possible qu'il y en ait en Sardaigne. Mais elle n'est présente en abondance que saisonnièrement, plutôt quand l'eau est froide, donc en hiver et au printemps.

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