• Profusion d'élysies timides à la calanque des Anthénors

    Me voilà parti pour une nouvelle plongée hivernale, mais cette fois-ci je retourne sur le Côte Bleue, direction la calanque des Anthénors. Même s'il fait globalement beau en ce moment sur la région marseillaise l'eau reste très fraiche, surtout sur ce spot assez ouvert sur le large où il y a un gros brassage d'eau et toujours un peu de houle et de brise. Aujourd'hui la mer est à 13°C, çà promet d'être frisquet ! 

     

    Pour moi la calanque des Anthénors ne constitue pas un spot majeur pour le snorkeling mais c'est un endroit calme et retiré que j'apprécie pour son côté intimiste. Sous l'eau on peut toujours y faire quelques belles observations si on reste attentif, même si le coin n'a pas la richesse en coralligène du Mugel ou l'abondance en poisson du Cap Rousset.

    Me voilà tout équipé, j'ai enfilé le top néoprène de 1 mm, la combi intégrale de 2 mm et le surshorty de 5,5 mm par dessus le tout. Avec çà je devrais être tranquille au niveau du froid ! Je suis prêt à me mettre à l'eau.

    Dès les premiers mètres parcourus dans l'eau je rencontre un beau banc de saupes (sarpa salpa). Malheureusement je m'aperçois assez vite que la transparence de l'eau n'est pas exceptionnelle et que seuls les poissons les plus proches de moi sont parfaitement distincts. Je vais donc devoir me concentrer sur la petite faune que je peux photographier de près.

    banc de saupes 

    En nageant au dessus des rochers des petits fonds je remarque de nombreuses petites taches blanches parmi les algues rases. En y regardant de plus près je découvre qu'il s'agit de tout un tas de petites limaces de mer, des élysies timides (elysia timida) pour être précis !  

    Il y en a vraiment partout sur les rochers exposés à la lumière, même tout près du bord.

    Dans la crique il y a quelques rochers qui cachent de petites anfractuosités où se sont fixées quelques éponges.

    Les parties les plus ombragées de la crique sont quant à elles tapissées de harpons de Neptune (Asparagopsis armata), cette belle algue rouge qui prospère dans les eaux froides qui baignent notre littoral durant l'hiver. Originaire d'Australie, elle s'est très bien acclimatée à notre Méditerranée car elle est peu sensible à la pollution de l'eau. Notons également qu'elle ne craint pas nos herbivores locaux comme les saupes ou les oursins car elle est capable de synthétiser des substances toxiques qui la rendent impropre à la consommation !

    Le centre de la crique comporte de son côté de petits herbiers de posidonies dans lesquels il est possible d'observer quelques espèces de poissons comme les crénilabres, les girelles et les sars.

    Dès que je retourne nager au dessus des zones rocheuses je retrouve des élysies timides ! C'est fou, j'ai dû en observer près d'une soixantaine lors de cette sortie, j'en ai jamais vu autant. Ces rassemblements en nombre tendent à laisser penser que nous sommes à un moment important de la période de reproduction de cette espèce. Généralement, la période de ponte qui suit la fécondation se déroule au début du printemps.

    élysie timide

    Cette profusion des élysies explique peut-être la présence dans les parages d'un philinopsis de Miquel (philinopsis miqueli), une limace de mer prédatrice qui s'attaque à d'autres mollusques opisthobranches. Cet animal a une particularité singulière pour les plongeurs de la région marseillaise puisqu'il n'a été répertorié qu'en 2013 et porte le nom du plongeur Jean-Pierre Miquel qui repéra le premier spécimen dans la calanque du Mugel à la Ciotat ! Personnellement je ne l'ai jamais observé à la Ciotat par contre je l'ai rencontré au Cap Rousset et donc désormais aussi aux Anthénors, deux spots qui abritent d'importantes populations d'élysies timides. Est-ce que le philinopsis s'intéresse à elles ? Çà reste à prouver, mais la coïncidence est intrigante ...

    philinopsis de Miquel

    Un peu plus loin je croise une nasse, un autre mollusque mais à coquille apparente. Le philinopsis possède lui aussi une coquille, mais elle est très fine et interne au corps de l'animal. D'après les motifs de la coquille de la nasse, il me semble qu'il s'agit d'une nasse de Cuvier (tritia cuvierii). Ces gastéropodes jouent un rôle écologique important en consommant les organismes morts, ils font partis des nettoyeurs des fonds des mers !

    nasse

    Pour ceux qui s'intéressent aux éponges le spot des anthénors abritent pas mal d'éponges cerveaux (chondrilla nucula). Elles sont visibles sous les rochers, dans les zones qui sont peu exposées à la lumière du jour. A propos d'éponges et de cerveaux, des chercheurs américains ont découvert que le génome des éponges de mer possède des composantes en commun avec celles qui contribuent au fonctionnement des synapses humaines. Une partie du patrimoine de notre système nerveux pourrait donc avoir une origine très ancienne et existerait depuis l'apparition des éponges, il y a près de 600 millions d'années ! Après çà on ne regardera plus les éponges de la même manière !

    éponge cerveau

    Revoilà d’autres élysies timides, comme je vous l'ai dit il y en a partout ! Cette fois-ci j'en repère une dans une zone où la mer est calme et peu profonde. Je parviens à me stabiliser suffisamment pour essayer le mode microscope de l'Olympus TG-4. Ce mode photographique est redoutable de précision mais il n'est pas facile à utiliser sous l'eau car il faut être particulièrement immobile et approcher le caisson à seulement quelques centimètres du sujet d'observation pour parvenir à obtenir une image nette. Après quelques essais je finis par aboutir à un portrait rapproché de ma petite limace de mer dont la taille n'excède pas 1 cm de long !

    élysie timide

    Pour finir je vous présente une belle blennie sphinx (Aidablennius sphynx), ici un mâle droit sur ses nageoires pectorales prêt à défendre son territoire.

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png    

    La calanque des Anthénors

     

    la calanque des Anthénors est située à Ensuès-la-Redonne sur la Côte Bleue. Cette calanque cachée n'est absolument pas visible de la route, aucun panneau de signalisation n'indique sa présence, du coup elle paraît vraiment secrète, seulement réservée à ceux qui sauront la trouver sur le chemin de Méjéan entre le port d'Ensuès et la calanque des Figuières. L'accès est peu évident à repéré, il s'effectue par une petite pente caillouteuse un peu "casse gueule" ressemblant à une vulgaire ravine située juste à droite d'un portail indiquant "propriété privée les Anthénors" ... Faut le savoir. Passé la pente, on tombe sur un chemin bétonné qui serpente à travers un petit vallon arboré menant tout droit à la calanque. Information importante : La route du chemin de Méjéan est interdite aux véhicules en journée de mi-avril au mois d'août les week-ends et jours fériés.

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Nico06
    Mardi 9 Mars 2021 à 00:30

    Étonnantes ces petites limaces de mer, merci pour cette découverte !

    2
    julien
    Mardi 9 Mars 2021 à 10:35

    incroyable ! la mer restera toujours une autre planète.

    ça illumine ma semaine : les élusies, harpons de Neptune, philinopsis ....

    c'est à chaque fois bouleversant, toute cette biodiversité

    bonne semaine

    3
    Mardi 9 Mars 2021 à 10:57

    Salut Julien !

    C'est exactement çà, quand on plonge on çà l'impression d'être des explorateurs sur autre planète, les couleurs, les formes sont tellement surprenantes ! Si on rajoute qu'en plus c'est un milieu dans lequel on ne peut pas respirer naturellement, en fait on est vraiment sur une autre planète !

    @ Nico06 : Oui, quand on s’intéresse au plus petits détails en plongée on découvre un monde fascinant. Par contre il faut bien ouvrir l'oeil et ne pas nager trop vite car les élysies sont très petites, de loin on dirait des petits bouts de coquilles blancs jonchés sur les rochers, il faut vraiment avoir la curiosité d'y regarder de plus prêt pour découvrir de quoi il s'agit vraiment.

     

    4
    Pascal Lebrun
    Mardi 9 Mars 2021 à 18:10

    De bien belles photos et un très bel endroit ... Merci pour ce magnifique reportage

     

    5
    Coyote13
    Mercredi 10 Mars 2021 à 17:26

    Bonjour Laurent,

    Parfois le hasard fait bien les choses... Je viens de lire sur le net 2 articles (geo.fr et futura-sciences) qui parlent de 2 espèces de limaces de mer, elysia marginata et elysia atroviridis, capables par autotomie de s'auto-décapiter, et au bout de quelques jours à quelques semaines de régénérer complètement leur corps (coeur compris). J'avoue avoir peu de connaissances sur le sujet, cela me laisse complètement dubitatif, perplexe... Bref, comme on dit dans le Sud, je suis sur le c.. Moi qui suis amputé tibial à quand la régénération des membres pour l'espèce humainehappy

    Merci encore une fois de nous faire partager tes sorties.

    David

    6
    Mercredi 10 Mars 2021 à 21:23

    Salut David !

    Oui j'ai vu çà aussi aux infos télévisées aujourd'hui, je savais que les planaires étaient capables de se régénérer après avoir été sectionnés mais j'ignorais que les élysies en étaient capables, c'est vriament surprenant. Je crois qu'on n'est pas au bout de nos surprises avec la vie sous-marine, après les méduses immortelles (voir turritopsis nutriluca) qui sont capables de rajeunir pour refaire leur vie indéfiniment voilà les limaces de mer volontairement décapitées qui se reconstituent un corps !

    Bon, de notre côté on a le foie qui est capable de se régénérer, c'est déjà çà, mais c'est sûr que dans des bien des cas médicaux on aimerait avoir les mêmes pouvoir que ces animaux !

    @ Pascal : Merci ! C'est vrai que la calanque des Anthénors est très jolie, en plus pour y accéder il faut traverser à pied une belle pinède , on y croise peu de monde, c'est calme et très agréable.

     

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