Aujourd'hui je vous emmène dans l'archipel de Riou, au large du massif des calanques de Marseille. François m'a proposé de le rejoindre au port de Morgiou pour partir effectuer une plongée autour de l'îlot de la Moyade, un gros rocher planté à proximité de la pointe ouest de l'île de Riou. La Moyade et les rochers affleurants des Moyadons composent "les Moyades", un spot majeur pour la plongée sous-marine car il comporte un tombant profond riche en gorgones colorées. Par chance, le jour de notre sortie la météo est particulièrement favorable, nous comptons bien profiter de cette belle journée ensoleillée et oublier que nous sommes au mois de novembre.

A la mi journée nous embarquons sur le bateau de Paul, un personnage emblématique de Morgiou qui est aussi l'un des derniers pêcheurs professionnels de ce petit port marseillais. En vieux loup de mer, il sillonne les calanques depuis près de 50 ans ! Son fils Thomas et Alex nous accompagnent, ils comptent explorer le tombant des Moyades en bouteilles, tandis qu'avec François nous resterons en mode snorkeling et apnée.

Nous avons vraiment de la chance, aujourd'hui il n'y a pas un souffle, la mer est d'huile. Nous laissons derrière nous le Cap Morgiou qui - tout en verticalité - dresse fièrement ses falaises blanches au dessus de la Méditerranée. Ce cap est vraiment majestueux, avec sa forme de flèche il semble fendre la mer telle la proue d'un bateau.

Devant nous s'étend la Grande Bleue et au loin, en ligne de mire, l'île de Riou dont les sommets culminent à 190 mètres de hauteur.

A bord l'ambiance est au beau fixe, on commence à préparer le matériel de plongée.

Nous approchons de l'île de Riou, elle présente des cimes déchiquetées spectaculaires à contrejour.

Riou s'étire sur près de 2 kilomètres de long, l'île est aride et inhabitée. Elle est classée réserve naturelle nationale depuis 2003 car elle sert d'abri à de nombreux oiseaux marins. Depuis 2012 Riou fait également partie du parc des Calanques.

Même si elle semble austère et sauvage au premier abord, Riou est un site d'exception dont les trésors se trouvent en partie sous la surface de l'eau, tout autour de l'île la faune sous-marine y est particulièrement remarquable et attire de très nombreux plongeurs. Les fonds marins comportent également des trésors archéologiques antiques, environ 2 500 amphores italiennes et 6 000 pièces de céramique y ont été découvertes, notamment par le commandant Cousteau.

Nous approchons progressivement de l'îlot de la Moyade, il est temps de nous équiper. François lui est déjà près !

Évidemment, comme l'équipement de snorkeling est bien plus léger que celui nécessaire à la plongée "bouteilles", avec François nous sommes les premiers à être prêts à basculer dans le monde de Neptune.

Sous l'eau la première impression c'est d'être dans une réserve marine. Au dessus du tombant des Moyades la vie abonde et les poissons sont très nombreux, sars, saupes, mulets et castagnoles sont au rendez-vous. A ma grande surprise la baignade est agréable pour un mois de novembre, la mer est à 19°C en surface. Tant mieux car je n'ai enfilé que la combinaison de 2 mm.

Un peu plus bas sur le tombant j'aperçois un beau banc de sars à tête noire (diplodus vulgaris), je descends leur rendre visite en apnée.

Je nage à travers le banc vers 4 ou 5 mètres de profondeur, j'apprécie de me retrouver entouré d'autant de poissons. Par contre je sens que mes sinus encombrés ne vont pas me permettre de descendre beaucoup plus bas aujourd'hui, çà me désole car sur ce spot il y a beaucoup de choses intéressantes à découvrir au delà des 5 mètres.

Malgré les sinus récalcitrants j'enchaine les petites apnées pour visiter les cavités peu profondes de l'îlot de la Moyade. J'y découvre de beaux décors colorés composés d'éponges, de bryozoaires et d'ascidies, je note que le paysage sous-marin des premiers mètres ressemble assez à celui que je peux observer sur la côte au Mugel ou à Morgiou.

Dans une anfractuosité je surprends toute une population d'apogons (apogon imberbis). Derrière eux je remarque la présence de petites colonies de faux corail (Myriapora truncata), un bryozoaire branchu orangé.

Je tente également d'aller voir ce qui se cache sous un surplomb et cette fois-ci je suis accueilli par deux petites castagnoles (chromis chromis).

En reprenant mon souffle près de la surface je découvre une belle étoile de mer épineuse (Coscinasterias tenuispina) qui déambule sur les rochers.

Un sar commun (diplodus sargus sargus) plutôt curieux me tourne autour, je sens bien qu'ils ont l'habitude de croiser des plongeurs par ici. Les poissons ne sont pas très farouches.

Je continue mon tour de la Moyade en cherchant François, on s'est perdu du regard mais en même temps l'île n'est pas très grande, donc on finira bien par se retrouver.

Une belle étoile de mer rouge (echinaster sepositus) attire mon attention à quelques mètres de fond, avec sa couleur vive elle offre un beau contraste avec le tapis d'algues environnant. Je descends l'observer de plus près et remarque qu'elle est amputée d'un bras, elle a dû être attaquée par un prédateur, le coin ne manque pas de gros poissons ! Mais çà n'est pas bien grave pour elle car cet animal a la faculté de pouvoir régénérer ses membres. Le bras manquant finira donc par repousser !

Je retourne maintenant vers le tombant poissonneux, j'y retrouve François qui remonte des profondeurs.

Nous croisons un gros banc de sardines communes (sardina pilchardus) qui évolue dans notre direction.

Me voilà soudainement plongé au milieu de centaines de flèches argentées qui déferlent sur moi comme une pluie de météores, quel spectacle ! C'est la première fois que j'observe des sardines en snorkeling, d'ordinaire je croise plutôt des bancs de sauclets ou d'athérines. Les sardines sont plus grandes que ces dernières, elles présentent des flancs argentés et des écailles dessinant de discrètes zébrures.

C'est le genre de vision que j'espérais pouvoir observer en venant plonger au large, avoir une immersion dans le monde pélagique. Les sardines sont tellement nombreuses qu'elles forment un véritable mur autour de moi.

Le banc infléchit sa course en direction du tombant des Moyades. Derrière le rideau de sardines je distingue trois sérioles (seriola dumerili) qui défilent à toute vitesse, malheureusement elles étaient tellement rapides que je n'ai pas eu le temps de les photographier.

Les sardines virevoltent au dessus du tombant sans donner l'impression de savoir où elles vont. Elles se mélangent aux autres poissons et même les nombreuses castagnoles du coin semblent submergées par ce raz de marée argenté. Vu le nombre de poissons qui s'amassent dans ce secteur de la Moyade, je suppose qu'il doit certainement y avoir un courant local qui y apporte des nutriments où du plancton.

L'heure tourne et il est bientôt temps de rentrer au bateau. Je prends quelques instants pour descendre à quelques mètres me joindre aux castagnoles et admirer les rayons de lumière jouer avec la Grande Bleue.

En retournant vers le bateau je m'aperçois que je suis pisté par une oblade (oblada melanura). J'apprécie vraiment ces poissons bien qu'ils soient assez communs, je trouve leur comportement amusant, ils nous suivent souvent comme des petits chiens. Curieux et opportunistes, ils restent toujours dans les parages des plongeurs au cas où en nageant du substrat nutritif soit soulevé.

La plongée touche malheureusement à sa fin, le capitaine nous attend patiemment à bord du Félix.

Paul reprend la barre, nous entamons le chemin du retour. Pendant le trajet François me montre quelques images de gorgones rouges qu'il a pris sous un surplomb vers 8 ou 9 mètres de profondeur, elles sont magnifiques. Je reste rêveur devant ses photos, j'espère pouvoir les découvrir une prochaine fois, avec moins de fatigue et des sinus qui me laissent tranquille, pourquoi pas.

Le trajet qui nous ramène à Morgiou est un régal pour les yeux, le Soleil déclinant éclaire les falaises des calanques d'une sublime lumière dorée.

Nous longeons désormais la côte rocheuse et dépassons l'imposant cap Redon qui marque la pointe ouest de la calanque de Sormiou.

Nous voici à présent face à la vertigineuse falaise du Cancéou. On se sent tout petit au pied de cette cathédrale de calcaire.

Revoilà la calanque de Morgiou, nous rentrons au port. On a fait le plein de beaux souvenirs avec cette excursion aux Moyades, un immense merci à Paul de nous y avoir conduit avec son bateau, et un énorme merci à François de m'avoir proposé cette sortie ! Même si je n'ai pas pu faire de l'apnée à ma convenance, on ne peux pas lutter contre un pépin physique, je me suis régalé. Que se soit sur l'eau ou sous l'eau, les calanques de Marseille sont un véritable émerveillement !