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Les merveilles du coralligène de l'Anse du Sec
Pour ma dernière sortie de l'année 2018 je prends la direction de l'Anse du Sec à la Ciotat. Ce début d'hiver reste plutôt doux pour l'instant et le snorkeling reste envisageable en milieu de journée quand le Soleil est au plus haut dans le ciel. Je file rapidement à l'eau (même si elle est bien froide aujourd'hui ...) et je pars en direction des tombants pour une inspection minutieuse du coralligène. je nage lentement et ouvre grand les yeux afin de déceler les trésors insoupçonnés qui se cachent parmi les détails les plus petits.
Mais tout d'abord c'est une belle et grande murène commune (meraena helena) que je rencontre vers 2 à 3 mètres de profondeur, je sais que son aspect peut paraître rebutant pour certains mais moi je les adore, elle fait vraiment partie des poissons emblématiques de la Méditerranée au même titre que le mérou. Celle-ci est de belle taille, depuis ma plongée à la Cala Ferrera à Majorque en 2015 je n'en avais plus observé d'aussi grosse !
Lorsqu'on s'intéresse aux petits détails et qu'on regarde attentivement les creux et les recoins on tombe parfois sur des formes surprenantes comme c'est le cas avec cette algue valonia constituée de petites vésicules luisantes comme des décorations de Noël !
Il faut avoir l’œil et scruter les moindres aspérités de la roche pour ne rien rater. Ici c'est un petit doris dalmatien (Peltodoris atromaculata) que je découvre niché dans une minuscule cavité.
Ce tapis duveteux est constitué d'une myriade de petits polypes appelés lophophores, ensemble ils constituent une colonie bryozoaire encroutante, il s'agit d'un Schizoporella brun (Schizoporella errata).
Chaque centimètre carré est occupé par du vivant, des algues et bien souvent des hydraires. Voici des colonies de polypes situés sur des branches d'eudendriums de Méditerranée (à gauche) et de sertularelles ( à droite). Il s'agit des mets favoris des nudibranches, mais pour l'instant je n'ai pas vu l'ombre d'une limace de mer ...
Par contre les triptérygions (Tripterygion tripteronotus) sont nombreux. Ce n'est pas la période de reproduction donc ils sont en livrée classique.
Il y a également pas mal de blennies gattorugine (Parablennius gattorugine) cachées dans les rochers. Celle-ci est très intéressée par une petite grappe transparente fixée sur le substrat, est-ce une ponte ou une ascidie ? En tout cas elle croque goulûment dedans !
Je décide de changer de tombant et sur le chemin je croise en pleine eau une méduse pélagie (pelagia noctulica). C'est la première d'une longue série car en fait elles ont envahi la anse !
Me voilà près d'un nouveau tombant. Je continue mon observation attentive du coralligène et mon regard est rapidement attiré par le maillage dense d'une obélie (obelia spp.) qui forme un réseau de stolons d'où s'élèvent des tiges ramifiées portant des polypes.
Les madrépores bouton d'or (balanophyllia regia) sont du plus bel effet avec leur couleur jaune orangée.
Même s'il est considéré comme un corail solitaire on retrouve souvent les madrépores boutons d'or dans de petites colonies.
Parfois il cohabite aussi avec d'autres espèces, ici il est accompagné d'une éponge sycon (sycon elegans).
J'ai toujours le secret espoir d'observer des nudibranches mais ils sont désespérément absents ... Même l'hervia qui est pourtant abondante sur ce site manque à l'appel. Mais ma persévérance finit par payer, je finis par débusquer un petit animal rampant. Ce n'est pas un nudibranche mais un planaire, je m'en contente ! A y regarder de plus près je reconnais un ver plat à papilles (Thysanozoon brocchii).
Juste à côté une blennie gattorugine m'observe du coin de l’œil. Elle est blottie confortablement au fond de son trou.
Je change de paroi et entame l'exploration d'un dernier tombant avant de prendre le chemin du retour. Et cette fois-ci c'est la bonne, je repère deux petites taches violette perdues dans le coralligène. Il s'agit de deux petites coryphelles mauves (edmunsella pedata). Je les tiens mes petits nudibranches ! Les spécimens de cette espèce ne sont pas bien gros. Jugez plutôt, sur la photo on voit que la coryphelle est plus petite que le madrépore bouton d'or qui est à côté d'elle.
La seconde coryphelle mauve est surprise en train de pondre !
Un peu plus loin, dans une petite anfractuosité je découvre une ascidie peu commune et qui a même tendance à se raréfier sur nos côtes provençales, il s'agit d'un violet à bouche rose (pyura dura). A la fin de l'été 1999 un événement de mortalité massive a touché les éponges, les gorgones et certaines ascidies comme le célèbre violet (microcosmus sabatieri) et notre violet à bouche rose. La cause de cette brutale chute de population est mal connue, la température excessive de l'eau ou une épidémie bactérienne sont des pistes communément évoquées. Pour le violet il faut ajouter les méfaits d'une pêche excessive, il en résulte qu'il a quasiment disparu de nos côtes. Le violet à bouche rose n'est quant à lui pas commercialisé, du coup il subsiste encore une petite population comme en témoigne mon observation !
Je ne suis pas au bout de mes surprises puisque je croise un nouveau nudibranche en train de déambuler parmi les algues. Il est encore plus petit que la coryphelle mauve ! En y regardant de plus près j'identifie une jolie faceline de Marion (facelinopsis marioni).
Je m'applique pour essayer de la photographier en détail mais ce n'est pas chose aisée car cette faceline ne dépasse guère le centimètre ! Sur l'image suivante on distingue bien ses rhinopores annelés.
Sur cette autre image la faceline relève la tête et révèle l'un de ses yeux qui est visible comme un infime petit point noir situé à la base de l'un de ses rhinopores.
Il est temps pour moi d'entamer le chemin du retour. Je coupe la anse en ligne droite pour rejoindre ma rampe de mise à l'eau. C'est alors qu'une nouvelle pélagie se présente devant moi, c'est l'occasion d'une dernière photo !
Voilà l'année 2018 qui s'achève en beauté, du moins en ce qui concerne l'exploration sous-marine. J'espère que l'année 2019 qui se profile sera tout aussi riche en émerveillement devant les beautés de la nature. En tout cas parmi les résolutions à venir n'hésitez pas à chaussez vos palmes, masque et tuba le plus souvent possible, c'est un excellent moyen d'oublier les soucis terrestres ! Bon réveillon à tous et bon bout d'an !
L'anse du Sec
L'anse du Sec fait partie du parc naturel des Calanques, elle est située au pied de l'imposant massif rocheux du Cap de l'Aigle à La Ciotat. Les falaises du Bec de l'Aigle sont les plus hautes falaises maritimes d'Europe, culminant à 394 mètres. La anse est accessible à pied en traversant le parc botanique du Mugel ou à la nage à partir du Petit Mugel et en dépassant la pointe de Nege Froume. Les fonds marins dans cette anse sont assez profonds, ils présentent un intérêt limité pour le snorkeler de surface. Par contre la anse est entourée de falaises de poudingues (conglomérats de galets) qui constituent dans l'eau de petits tombants ombragés où se développent du coralligène.
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Commentaires
Bonne et heureuse année à toi aussi ! Et qui sait, on se croisera peut-être au Cap Rousset en 2019 ;)
3gillounetLundi 7 Janvier 2019 à 20:04Superbe sortie Laurent ! Et quel œil pour repérer et photographier ces animaux minuscules. Je vais essayer de t'accompagner un peu plus souvent cette année. Non, ce ne sont pas des résolutions d'après champagne.
Bonne année snorkelienne !
Salut Gilles !
Cette fois-ci j'ai pris mon temps pour scruter attentivement les rochers car effectivement j'ai surtout recherché de tout petits animaux.
En tout cas c'est avec plaisir que je retournerai faire du snorkeling avec toi :) Par contre il te faudrait une combinaison pour tenir plus longtemps dans l'eau sans trop se refroidir. Et l'air de rien çà protège des méduses et des coups de Soleil aussi !
Avec une combi de 2 mm je peux plonger de début mai à fin octobre, avec le sur shorty de 5 mm que j'enfile par dessus la 2 mm je peux commencer à plonger dès début avril et prolonger jusqu'à la fin décembre. En janvier, février et mars beaucoup de poissons rejoignent les profondeurs où l'eau est à température constante, du coup çà ne vaut pas trop la peine d'aller se geler dans l'eau, mis à part lors des belles journées ensoleillées pour faire des explorations du coralligène comme je l'ai fait pour cette sortie.
A bientôt !
La murène photographiée lors de cette plongée à l'Anse du Sec a eu du succès, elle sert d'illustration sur la page "notre éthique" de l'ONG méditerranéenne "depth's Guards" qui milite pour la défense et la protection de la vie marine :
https://depthsguards.org/long/notre-ethique/
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Merci Laurent pour toutes les superbes photos de 2018. Vivement celles de 2019... Je te souhaite, ainsi qu'à tous tes proches, une bonne et heureuse année.