• Les magnifiques gorgones jaunes du Rocher du Moulon

    Même si les jours raccourcissent, cette fin d'été nous réserve encore de belles journées ensoleillées propices aux explorations sous-marines. Ce dimanche mon ami Thomas m'a proposé une balade en canoë jusqu'au rocher du Moulon en compagnie de sa famille, ce spot de plongée est situé sur la Côte Bleue entre la calanque de Méjean et celle de Niolon. Le Rocher du Moulon est une masse rocheuse formant une petite presqu'île. Son versant nord, peu exposé à la lumière, est constitué d'une falaise originale dont la pente est en déversant. La partie immergée de la paroi rocheuse englobe un petit tombant immergé de quelques mètres de profondeur très intéressant à visiter en palmes masque et tuba.


    Après avoir pagayé une demi-heure, nous accostons sur un petit promontoire rocheux placé en face du site du Moulon. En cette fin d'après-midi il fait encore bien chaud et je m'empresse de m'équiper afin de m’immerger au plus vite dans l'eau rafraichissante ! Ici la mer présente une couleur magnifique, je vous laisse en juger sur cette image prise par Thomas.


    Thomas est passionné d''escalade, je vous encourage à visiter son blog où il partage ses aventures en pleine nature au travers de magnifiques photos. Depuis le bord, j'admire la dextérité avec laquelle il défit la gravité et arpente la falaise du Moulon par le haut ! Bien entendu lui aussi a hâte de se rafraichir et son escapade se termine par un beau plongeon !

    Allez, c'est parti pour les exploration sous-marines en snorkeling. Au bout de quelques brassées je remarque la présence d'un beau poulpe (octopus vulgaris) posé sur un rocher vers cinq mètres de fond. Je pars le rejoindre en apnée pour tenter de l'approcher. Le poulpe est plutôt coopératif, il prend la pose tout en me fixant d'un air méfiant.

    poulpe
    Quelques mètres plus loin j'aborde la paroi rocheuse du Moulon. Ce petit tombant ombragé attire de nombreux plongeurs car il est couvert de gorgones jaunes (Eunicella cavolini). Et chose rare, elles sont présentes dès les premières mètres sous la surface ! Même une personne peu familiarisée avec l'apnée pourra les observer facilement, juste en passant la tête sous l'eau.

    gorgones jaunes
    Par contre, aller les observer de près nécessite un peu de dextérité et de technique, il ne faut pas faire n'importe quoi. Comme la paroi rocheuse est en déversant, il faut descendre en se faufilant en apnée sous la pente rocheuse, et il faut parvenir à remonter à la surface en évitant de se cogner à la paroi qui nous surplombe sous peine de se faire mal et d'abimer le coralligène. Donc il faut être prudent et précautionneux !

    gorgones jaunes
    Si vous y parvenez vous aurez le plaisir de découvrir des gorgones jaunes bien ramifiées et en bonne santé, beaucoup arborent des polypes déployés. Contrairement aux apparences les gorgones ne sont pas des végétaux mais bel et bien des animaux invertébrés vivant en colonies. Les polypes utilisent leurs tentacules munis de cellules urticantes (cnidocytes) pour capturer le plancton et les microparticules présents dans l’eau. C'est ainsi que les gorgones se nourrissent.

    En plus des gorgones il y a pas mal d'éponges, les parois sont richement décorées, j'adore çà ! L'éponge rouge au premier plan est très probablement une éponge pierre (Petrosia ficiformis).


    L'éponge orange qui ressort sur la photo suivante est une éponge mousse de carotte (Esperiopsis fucorum). Elle est reconnaissable à sa surface criblée de petits trous ce qui lui confère un aspect de mousse. Ce spongiaire n'est pas très fréquent en Méditerranée, c'est la première fois que je l'observe.

    En m'éloignant de la paroi de quelques mètres je retrouve un poulpe posé sur le fond. Il s'agit très vraisemblablement du même individu que celui que j'ai croisé précédemment. J'en profite pour le montrer à mes amis. Ce poulpe est une fois de plus accompagné d'un serran écriture (Serranus scriba) qui lui tourne autour. Je vous ai présente une situation similaire dans mon dernier rapport de plongée en Corse. J'ai assimilé ce comportement à une scène de prédation en imaginant que le serran cherchait à nuire au poulpe, vu que le serran est un proche cousin du mérou, une espèce friande de céphalopode.

    poulpe et serran

    Mais Thomas m'a soumis une autre idée, il pense que le serran pourrait tout simplement présenter une attitude opportuniste, il tournerait autour du poulpe afin de profiter des recherches de nourriture et des restes de repas du céphalopode. Notons qu'un sublet (Symphodus rostratus) tourne également autour du poulpe avec le même intérêt que le serran, cette observation pourrait abonder dans le sens de sa théorie. Il va falloir mener l'enquête sous l'eau pour en savoir plus ...


    Je retourne vers la paroi de la falaise pour essayer d'observer des limaces de mer. Cette année je trouve qu'elles sont beaucoup moins nombreuses que les années précédentes. En cherchant bien je parviens quand même à repérer une hervia (Cratena peregrina) accrochée à une branche d'hydraire, elle est en train de déposer sa ponte. Après l'éclosion, les larves planctoniques se disperseront en mer jusqu'à ce qu'elle trouvent une nouvelle colonie d'hydraires sur laquelle elles se fixeront pour former une nouvelle génération de limaces de mer.

    hervia
    Pas très loin de l'hervia je débusque également une minuscule calmella (Calmella cavolini).  Je tente de la montrer à mes camarades de plongée mais elle n'est pas facile à distinguer in situ au milieu du coralligène, donc la voilà en photo macro !

    calmella

    Je retente une descente en apnée au pied du tombant pour aller voir les gorgones quand j'ai la surprise de tomber sur un poisson que je n'ai jamais observé ! Je ne l'avais encore jamais croisé sous l'eau par contre je l'ai déjà vu dans mes livres et je le reconnais sans trop d'hésitation, il s'agit d'un cténolabre (Cténolabrus rupestri). Ce labre brun-orangé présente une tache noire sur le haut du pédoncule caudal et une bande marron s'étendant du museau jusqu'à l'opercule. Ce poisson, qu'on appelle aussi rouquié, affectionne les biotopes rocheux riches en anfractuosités et en grottes comme son nom "rupestri" (rupestre) le laisse sous-entendre.   

    cténolabre
    Avant de repartir vers le canoé je profite une dernière fois des belles gorgones en descendant les voir en apnée. Certaines d'entre elles présentent de magnifiques ramifications et constituent de grands éventails majestueux.

    gorgone jaune
    Thomas nous propose de poursuivre les explorations sur un spot voisin en allant plonger à la plage de l'Erevine, toute proche du rocher du Moulon.


    Là bas il y a pas mal de poissons sous l'eau, des mulets, des sars, des athérines, il y a un petit effet aquarium assez plaisant. Mais surtout on y rencontre beaucoup de bogues (Boops boops) qui se déplacent en bancs plus ou moins ordonnés.

    bogues
    La côte rocheuse comporte pas mal d'anfractuosités que l'on peut facilement visiter en apnée. On a parfois la bonne surprise de découvrir qu'elles abritent des poissons, ici un beau crénilabre à cinq taches (Symphodus Roissali) que l'on appelle aussi "roucaou" à Marseille. En arrière plan on distingue vaguement une oblade (oblada Melanura).

    roucaou
    Sous le surplomb d'une cavité j'ai pu photographier une nouvelle hervia pèlerine (Cratena peregrina). Contrairement à la précédente celle-ci présente son bon profil ! Cet élégant nudibranche est présent dans l'ensemble du bassin Méditerranée ainsi que dans l'Atlantique est. En tout cas il est assez fréquent sur notre littoral des Bouches-du-Rhône quand on sait où le chercher (généralement sur des parois verticales exposées nord et abritées de la lumière directe du Soleil).


    hervia
    Le Soleil décline, la calanque de l'Erevine est désormais complètement passée à l'ombre. Il est temps de reprendre le canoë et de rentrer au port de Méjean. Même si nous n'avons pas plongé longtemps je me suis bien régalé, merci Thomas de m'avoir proposé cette belle sortie !

    Erevine

     


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  • Commentaires

    1
    Chantal
    Samedi 17 Septembre 2022 à 00:31

    Bonsoir Laurent

    Super photos j'ai adoré celles des gorgones en plus je connaissais pas cet endroit de la côte bleue. Dommage que l'on a axé que par bateau. Je vois qu' il y a toujours de belles gorgones. D'après des scientifiques qui ont plongé en Mer Méditerranée en Août , ils ont constaté que suite à la vague de chaleur marine les gorgones ont disparu de 50 pourcents. A bientôt pour les prochaines photos .

    2
    Samedi 17 Septembre 2022 à 00:37

    Bonjour Chantal,


    Le rocher du Moulon est effectivement compliqué d'accès, en canoé c'est pratique même s'il faut quand même pagayer 30 mn à l'aller et 30 mn au retour. Mais on peut s'y rendre par le sentier du bord de mer aussi. Par contre le parcours est long (45 mn) en marche normale et un peu sportif (chemin irrégulier avec du dénivelé), surtout avec un sac rempli d'affaires et de poids de lestage sur le dos ...


    Pour ce qui est des gorgones j'ai effectivement été content de voir qu'il en reste en bonne santé, mais je pense que les gorgones jaunes qui vivent plus près de la surface sont un peu plus habituées aux variations de la température de l'eau que les rouges qui vivent dans l'eau froide plus profonde. Le problème de cet été c'est qu'avec la canicule marine la température des profondeurs s'est élevée là où normalement elle reste stable toute l'année.

    Voilà un lien qui décrit le phénomène dans le parc des calanques :

    http://www.calanques-parcnational.fr/fr/actualites/episode-de-mortalite-de-gorgones-en-mediterranee

     

    3
    Dimanche 18 Septembre 2022 à 11:51

    Salut !

    Je fais une parenthèse actualité, un grand requin blanc de 5 mètres de long a été observé le 12 septembre au large des côtes de Camargues !

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/video-un-grand-requin-blanc-filme-par-des-pecheurs-pres-des-cotes-de-camargue-2616116.html

     

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