• Foisonnement de limaces de mer au Petit Mugel

    L'été est subitement arrivé en Provence et il m'a semblé intéressant de retourner plonger au Mugel avant qu'il commence à y avoir trop de monde dans cette belle calanque de la Ciotat. En effet la saison touristique approche à grand pas et la plage ne va pas tarder à être bondée ! En tout cas aujourd'hui tout est paisible, il y a peu de personnes dans l'eau et sur la plage, le Soleil brille, je sens que cette sortie en snorkeling promet d'être plutôt agréable ! 

    Depuis ma dernière sortie à l'Anse du Sec la mer s'est bien réchauffée, je m'élance sans difficultés au dessus des herbiers de posidonie qui tapissent le fond de la crique.

    Comme a mon habitude je file tout droit en direction des grottes en quête d'invertébrés. Mes premières observations intéressantes concernent principalement des ascidies, de petits organismes filtreurs très colorés comme cette petite fraise de mer (aplidium elegans).

    fraise de mer

    Les parois ombragée de ses petites grottes constituent des habitats appréciés par les ascidies. L'observateur attentif pourra y repérer de nombreuses espèces à condition de ne pas évoluer trop vite dans cet environnement fragile et de porter son attention sur le moindre détail. Par exemple le corps de cette ascidie noire (phallusia fumigata) forme un petit tube sombre très discret, on peut facilement passer à côté sans la remarquer. A noter que les membres de cette espèces présentent sur notre littoral des Bouches du Rhône de petits points dorés sur la face interne du siphon filtreur.

    ascidie noire

    Il est également possible de croiser quelques poissons dans ce biotope obscur. Voici un gros gobie de Paganel (gobius paganellus) qui surveille son territoire.

    gobie de Paganel

    A l'étage inférieur, au niveau des galets qui jonchent le fond de la grotte, c'est un petit sar juvénile qui est apparu dans le faisceau lumineux de ma lampe.

    sar

    En retournant vers l'entrée lumineuse de la grotte je découvre un beau triptérygion rouge (triptérygion tripteronotus) qui se dresse sur ses nageoires pectorales pour se donner de l'ampleur. Il est en posture pour défendre avec ardeur son petit monticule contre les envahisseurs.

    triptérygion rouge

    Mais ce qui ressort surtout de cette plongée c'est qu'elle s'est révélée très fructueuse dans l'observation des limaces de mer de Méditerranée en tout genre ! J'ai beau réfléchir, je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà vu autant d'espèces différentes durant une seule et même sortie.

    J'ouvre le bal avec les doris dalmatiens (Peltodoris atromaculata). Ceux-là ne sont pas difficiles à voir, ils sont plutôt gros. Il faut juste savoir où les chercher, c'est à dire à dans les zones obscures où vivent les éponges pierres dont ils se nourrissent.

    doris dalmatiens

    Dans une nouvelle grotte je tombe sur un habitant typique des zones obscures, il s'agit du petit triptérygion nain (triptérygion melanurum) que je vous présente régulièrement sur mon blog. Il se nourrit principalement de petits crustacés qu'il chasse sur les parois rocheuses.

    triptérygion nain

    A l'entrée de cette nouvelle cavité je remarque de nombreuses élysies timides (elysia timida) qui se promènent sur les roches plongées dans la pénombre. D'ordinaire je les rencontre plutôt sur les petits fonds bien ensoleillés, c'est la première fois que j'en croise dans un environnement aussi peu éclairé !

    élysie timide

    En tout cas le fait de les observer dans un endroit sombre est une aubaine pour pouvoir les photographier car au Soleil le manteau blanc éclatant des élysies timides surexpose facilement. Ici je peux jauger l'éclairage à ma guise.

    élysie timide

    Je quitte maintenant les grottes pour me diriger vers les îlots qui séparent le Petit Mugel de l'anse du Sec. Dans cet enchevêtrement de gros monticules rocheux se cachent de nombreux recoins à explorer. En procédant à de petites apnées il est possible de découvrir de jolies cavités richement décorées d'éponges, d'ascidies et de cnidaires. Ci-dessous quelques zoanthaires jaunes (parazoanthus axinellae) sont accompagnés par des éponges agelas orangées (agelas oroides).

    agelas

    Ces cavités abritent toute une population d'apogons communs (apogon imberbis) auxquels je ne manque pas de rendre visite à chacune de mes sortie au Petit Mugel. Les apogons ne quittent que rarement leur cachette obscure durant la journée. Il faut attendre la nuit pour les voir partir en chasse, de ce fait ils demeurent plus facilement observable lorsqu'on plonge après le crépuscule. 

    apogon

    La blennie gattorugine (parablennius gattorugine) est un poisson beaucoup plus commun, il est fréquent de le croiser en snorkeling sur notre littoral rocheux.

    blennie gattorugine

    Dans une anfractuosité je remarque la présence d'un petit panache branchial bleu glacial, il appartient à un ver polychète sédentaire, plus précisément à une  protule lisse (protula tubularia). Notons que la protule est très sensible aux vibrations et à la lumière, elle se rétracte dans son tube dès qu'on l'approche ou qu'elle passe dans le faisceau d'une lampe !

    protule

    Un peu plus loin je tombe à nouveau sur un apogon, mais celui-ci n'a pas apprécié que j'éclaire subitement sa cachette. Il prend rapidement la fuite sans demander son reste !

    apogon

    Je quitte les cavités des îlots du Petit Mugel pour rejoindre le tombant riche en hydraires qui mène au Cap de Nege Froume. C'est ici que le festival des limaces de mer reprend son cours. Le terme de limaces de mer englobe les mollusques nudibranches comme les doris ou les hervias, mais pas seulement, il concerne également les vers plats (que l'on appelle aussi planaires). Et c'est justement un de ces vers qui se présente à moi et franchement je peux affirmer que ces planaires rivalisent de beauté avec les nudibranches. Pour preuve, voici une magnifique planaire tachetée (prostheceraeus moseleyi).

    planaire tacheté

    Les planaires tachetées sont des vers prédateurs, ils se nourrissent d'ascidies et apprécient en particulier les clavelines.

    planaire tacheté

    Je repère aussi quelques jolies hervias (cratena peregrina) accrochées aux branches d'hydraires. Celle-ci s'apprête peut-être à pondre car il me semble percevoir des masses d'oeufs à travers son corps semi-translucide.

    hervia

    Lorsqu'on repère un coin qui plaît aux hervias, il est intéressant de regarder attentivement cette zone car il arrive régulièrement qu'elles ne soient pas seules. En effet, d'autres espèces de nudibranches fréquentent les mêmes biotopes riches en hydraires.  En appliquant ce principe vous aurez peut-être la chance d'observer une belle faceline à stries rouges (facelina rubrovittata). Cette facéline est plus petite et discrète que les hervias. Elle est principalement présente en Méditerranée occidentale et je l'observe régulièrement dans les calanques de La Ciotat. 

    faceline à stries rouge

    Revoilà une hervia, j'ai beau en observer à chacune de mes sorties dans les calanques de La Ciotat je ne me lasse pas d'admirer leurs couleurs vives.  

    hervia

    A l'étage inférieur je repère un gros doris de Villefranche (Felimare villafrance). Question couleurs vives il n'a rien a envier aux hervias car sa livrée est particulièrement bariolée ! Ce doris parcours le coralligène en quête d'éponges comme les ircinies dont il se nourrit.

    doris de Villefranche

    Une partie de la zone rocheuse est couverte par un tapis dense d'algues vertes, c'est dans ces buissons miniatures que le panache de cérates clairs d'une  faceline de Marion (facelinopsis marioni) a attiré mon attention. Les représentants de cette espèces sont très petits, celui-ci ne dépasse pas la taille de l'ongle du petit doigt !

    faceline de Marion

    En jetant un coup d'oeil au bas du tombant je retrouve une vieille connaissance : La grande étoile de mer pourpre (ophidiaster ophidianus) longue comme l'avant bras que j'avais déjà croisé il y a quelques temps à peu près au même endroit ! Je descends vers trois mètres de profondeur pour lui faire rendre visite, par contre je ne sais pas si elle m'a reconnu ... Cette espèce d'étoile de mer est plutôt rare, elle est même menacée et fait partie des espèces protégées par les conventions de Berne et de Barcelone. Encore un argument en faveur de la création d'une réserve marine au Mugel !!

    étoile de mer lisse

    En remontant vers la surface je retrouve mon doris de Villefranche dans une nouvelle position. Il me montre désormais son dos richement décoré de méandres de lignes dorées et bleutées, une véritable œuvre d'art ambulante qui mérite bien une nouvelle image !

    doris de Villefranche

    Je progresse dans mes explorations en évoluant lentement le long tombant. J'essaye de scruter en détails les algues, les hydraires et les éponges. Voilà que je croise à nouveau une planaire tachetée qui est aussi connue sous le nom de planaire de Moseley. Ce ver plat est surtout présent en Méditerranée, c'est une preuve de plus que notre Grande Bleue à des atouts indéniables pour plaire aux plongeurs. En tout cas il n'y a pas que dans les mers tropicales que l'on peut s'en mettre plein la vue devant des bestioles colorées !

    planaire tacheté

    Histoire de terminer en beauté, je remarque juste à côté du beau planaire tacheté une toute petite tache blanche perdue dans les algues vertes. Impossible de dire de quoi il s'agit vraiment en me basant simplement sur ce que je vois à travers le verre du masque donc je décide d'utiliser le zoom de l'Olympus TG4 pour percer le mystère. Et mon intuition a été la bonne il s'agit bien d'un minuscule nudibranche, plus précisément d'une faceline à ponctuations noires (caloria elegans). C'est la première fois que j'observe cette espèce, où plutôt que je la devine compte tenu de sa taille lilliputienne ...!

    faceline à ponctuation noire

    Avec une température agréable et une mer particulièrement calme, j'aurais bien encore prolongé cette sortie riche en découvertes. Malheureusement au bout de deux heures passées à explorer la calanque j'ai entièrement vidé la batterie de mon Olympus TG4 ... En tout cas la calanque du Petit Mugel m'aura encore étonné par la richesse et la diversité inépuisable de sa faune. A chaque fois que j'y reviens de nouvelles observations inédites m'attendent ! Je pourrai y plonger toute ma vie sans me lasser !

     

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png       La calanque du Petit Mugel

    La calanque du Petit Mugel est située sur la commune de La Ciotat près du cap du Bec de l'Aigle et en face de l'île Verte. Le Mugel est une réserve naturelle qui offre un environnement minéral remarquable constitué de poudingues, des roches sédimentaires chargées d'anciens galets que la mer érode lentement, d'où la présence de nombreuses cavités à explorer en snorkeling.

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    julien
    Jeudi 10 Juin 2021 à 09:27
    julien

    très beau compte rendu , qui donne envie

    une farandole de limaces et planaires

    je suis d'accord avec toi, tu pourrais y plonger toute ta vie, sans te lasser

     

     

    2
    nico06
    Jeudi 10 Juin 2021 à 16:44

    De bien jolies images sous-marines, mais le cadre n'est pas en reste, le paysage de cette calanque est magnifique !

    3
    Vendredi 11 Juin 2021 à 11:00

    Salut Julien,

    oui c'était un festival de limaces de mer, j'aurais peut-être pu en observer d'autres si mon TG4 n'était pas tombé en rade de batterie, mais il faut dire que j'ai bien mitraillé pour obtenir de belles images de ces petites bêtes, elles ont dû se croire au festival de Cannes avec tous ces flashs !

    A Nico, oui la calanque du Mugel est magnifique, je ne le montre pas dans mes comptes rendus mais en plus il y a un petit jardin botanique à visiter à côté et un sentier de randonnée qui permet d'admirer la très esthétique anse du Sec et même d'aller jusqu'à Figuerolles. Tout ce coin est immensément magnifique. Quand à ma photo de présentation elle a été prise depuis les hauteurs du grand Mugel que je ne vous ai pas souvent présenté car il est moins intéressant pour la photo sous-marine.

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