• Exploration nocturne de la grotte bleue de Morgiou

    La saison des plongées en nocturne est de retour avec la hausse générale des températures de cette fin de mois de juin. Pour ne pas déroger à la tradition, la première cession de nuit de l'année se déroule à la calanque de Morgiou. L'an dernier avec François nous avions exploré la façade ouest de la calanque, cette fois-ci c'est la côte est qui va nous intéresser, avec en point de mire une visite de la grotte bleue "by night".

    Morgiou

    Nous ne sommes pas moins de cinq pour cette exploration de la calanque à la lumière des lampes ! Je suis accompagné de François, notre hôte de Morgiou, Philippe, Gilles et Carine. 

    Avec François nous sommes les premiers à l'eau, elle nous semble un peu fraîche pour une fin de mois de juin. Les conditions de plongée sont un petit peu moins estivales que l'an dernier car une petite brise rafraichissante circule dans la calanque et la mer n'est du coup qu'à 20°C. Mais ce n'est pas grave, avec les combinaisons le corps se met rapidement en température et la fraicheur ressentie à l'entrée dans l'eau ne devient en quelques minutes qu'un lointain souvenir.

    La mise à l'eau s'effectue au crépuscule, l'ambiance lumineuse tamisée confère à la calanque un caractère apaisant et contemplatif. 

     

    Nous nageons au dessus des herbiers de posidonie qui plongent progressivement dans l'obscurité. Les poissons que l'on croise habituellement durant la journée partent s'y réfugier pour passer la nuit.

    Au contraire, d'autres animaux marins commencent à sortir de leur léthargie diurne et s'activent à l'image de cette ophiure lisse (Ophioderma longicauda) qui a quitté sa cachette en quête de nourriture. 

    Je longe la façade rocheuse car j'aime bien visiter les trous où se cachent de nombreux poissons et crustacés.

    En effectuant de petites apnées je glisse ma tête sous les rochers et débusque un petit gobie zébré (zebrus zebrus) fixé sur la paroi.

    Certaines anfractuosités sont tapissées de coralligène multicolore, j'adore ces compositions artistiques sous-marines. Nombre d'entre elles abritent des castagnoles (chromis chromis) qui apprécient d'y passer la nuit à l'abri des prédateurs.

    castagnole

    castagnole

    D'autres abritent des apogons communs (apogon imberbis).

    apogon

    La crépuscule bien avancé sonne le début de la partie de chasse pour les rascasses qui sortent en nombre pour se nourrir. Elles se fixent le long de la paroi rocheuse et restent immobiles en attendant qu'une proie passe à leur portée. A Morgiou nous croisons surtout des petites rascasses rouges (Scorpaena notata).

    rascasse rouge

    Nous rencontrons également quelques grosses étoiles de mer glaciaires (Marthasterias glacialis) qui déambulent lentement sur les pentes de la falaise qui nous mène à la grotte bleue. Longues comme l'avant bras, elles impressionnent par leur taille mais aussi par leur surface rugueuse couverte de petites épines.

    étoile de mer glaciaire

    Nous voilà enfin arrivés devant la discrète entrée de la grotte bleue, il n'est pas évident de la repérer dans la semi-obscurité qui nous enveloppe !

    En rentrant dans la grotte nous pénétrons dans un environnement totalement sombre. Les sensations sont très différentes de celles rencontrées en exploration de jour (en particulier le matin) où la lumière solaire parvient à pénétrer dans la cavité. Vue de l'intérieur du tunnel, l'entrée se pare en journée d'une belle lueur bleutée, c'est elle qui lui a valu son surnom de "grotte bleue".A plus de 22h par contre c'est le "black out" !

    Dans ce noir d'encre digne de l'espace, une langouste (palinurus elephas) nous accueille comme un gardien posté à l'entrée d'un musée.

    langouste 

    En scrutant plus attentivement la langouste je remarque qu'elle n'est pas seule à nous accueillir, une crevette nettoyeuse (Lysmata seticaudata) l'accompagne (en haut à gauche de la langouste).

    Quelques mètres plus loin je tombe sur une petite cigale de mer posée sur le coralligène. Elle n'est pas franchement farouche et se laisse approcher, une aubaine pour faire une belle photo !

    cigale de mer

    Philippe m'appelle, il a repéré un beau congre dont la tête dépasse d'une petite cavité située vers 5 mètres de profondeur au niveau du plancher de la grotte. Voilà une observation qui me fait grandement plaisir car je n'ai pas souvent eu l'occasion de croiser cette espèce lors de mes plongées. Je le distingue assez clairement depuis la surface, par contre pour aller le prendre en photo de près çà va être une autre histoire ... En effet il faut descendre en apnée sous un surplomb rocheux pour l'approcher. Je tente quand même le coup mais comme l'animal est craintif il finit par se rétracter dans sa cachette à mon approche. Finalement je ne ramène qu'une mauvaise photo souvenir prise à quelques mètres de lui ... mais c'est déjà çà !

    congre

    J’ausculte attentivement la paroi rocheuse car la grotte bleue à la particularité d'abriter de minuscules nudibranches fuchsias, il s'agit des coryphelles mauves (Edmunsella pedata) . Comme à chacune de mes visites en ces lieux, je finis par en trouver accrochées à de petites branches d'hydraires. Voilà un couple en train de pondre.

    coryphelle mauve

    Non loin des petites coryphelles, un jeune poulpe (octopus vulgaris) monte la garde. Il est bien camouflé mais avec ma lumière focalisée sur lui il sait que je l'ai repéré et je sens qu'il n'est pas très à l'aise. Du coup je le laisse tranquille et poursuit mon exploration.
     
     
    Dans la grotte bleue il n'y a pas beaucoup d'éponges très développées, peut-être est-ce dû aux résurgences d'eau douce ou tout simplement au fait qu'elle est très fréquentée par les touristes et les plongeurs ... Toujours est-il que je suis content de tomber sur un beau spécimen d'éponge pierre (petrosia ficiformis) dans sa version claire cavernicole.

    éponge pierre

    Au fond de la grotte nous trouvons un enchevêtrement de gros blocs de pierre. Il est intéressant de procéder à de petites apnées pour aller voir ce qui se cache dessous ces derniers. La curiosité du plongeur est souvent récompensée, la dernière fois j'avais pu observer un magnifique corb, cette fois-ci c'est un bel apogon que je surprends.

    apogon

    Je retourne vers l'entrée de la cavité et retourne voir la cigale de mer. Elle est toujours là, fidèle au poste.

    cigale de mer

    Nous quittons la grotte bleue et poursuivons notre exploration le long de la falaise. Les petites rascasses rouges sont nombreuses à avoir investi les lieux, du coup il faut vraiment faire attention où nous posons les mains car elles sont bien camouflées et il ne faut surtout pas toucher leurs épines dorsales venimeuses !

    rascasse rouge
    Alors que les rascasses sont en pleine activité la nuit, d'autres poissons sont eux en léthargie. Voici un sar qui se repose, il reste parfaitement immobile malgré la lumière de nos lampes.


    En passant la tête sous l'eau et en retenant la respiration pour faire le silence, je commence à entendre le discret "chant" des crustacés qui ressemble à de lointains coassements. Et cette sonorité vient bien de la mer car à l'air libre tout est parfaitement silencieux ! Les crustacés sont en pleine effervescences la nuit, dans l'obscurité ils n'ont plus besoin de se cacher, à l'image de cette nouvelle cigale de mer (scyllarus arctus) qui croise mon chemin.

    cigale de mer
    Une jolie surprise m'attend quelques mètres plus loin, alors que j'explore une fissure dans la falaise je découvre une belle murène commune (muraena helena) qui s'aventure hors de son trou.

    murène
    Il est 23h et nous commençons à entamer le chemin du retour, il est temps car la batterie de ma lampe de plongée Qudos Action commence à faiblir, le voyant vire au rouge ... Je continue malgré tout à faire quelques observations tout en me rapprochant du pont rocheux d'où nous nous sommes élancés deux heures plus tôt. 


    Les anémones et autres madrépores se déploient également la nuit. Les plongées nocturnes sont très intéressantes sur bien des points par rapport à ce que l'on peut observer en journée.

    Pendant que je photographie les cnidaires, je remarque la présence de deux dromies (dromia personata) côte à côte sur un rocher. Il est rare d'en voir deux en même temps !

    dromie

    Ce crabe arrondi et trapu aime se promener avec une éponge fixée sur son dos, elle lui assure de se fondre dans l'environnement rocheux riche en coralligène où il vit. Ainsi il peut passer inaperçu !


    dromie

    Avant d'achever la balade aquatique, j'éteins mes lumières pour me plonger dans le noir complet. En agitant les bras dans l'eau j'active la bioluminescence du plancton qui se manifeste alors sous la forme de petite "étincelles" lumineuses. Elles apparaissent fugacement en nombre autour de moi. C'est toujours une expérience sympa à vivre !

    Nous sortons de l'eau et nous rejoignons rapidement le cabanon pour nous sécher car la petite brise de la calanque est toujours là et elle devient un peu trop rafraichissante quand on est tout mouillé ! Nous avons été enchantés par cette promenade sous-marine nocturne et partageons nos impressions et découvertes autour d'un bon apéro sous les étoiles.


    Face à nous la Voie Lactée se dessine vers le sud, elle étend son ruban argenté au dessus de l'échancrure de la calanque qui s'ouvre sur le large. La planète géante gazeuse Jupiter - qui est au plus près de la Terre en ce moment - resplendit de tout son éclat à côté d'Antarès, l'étoile rougeoyante du Scorpion. De la mer au ciel il n'y a qu'un pas, peu importe où porte notre regard, nous sommes toujours entourés par les merveilles de la nature !

    Jupiter très lumineuse au centre de l'image. Antarès brille en bas à droite de Jupiter. Image prise avec le TG4 en 4s de pose

     


     

    http://ekladata.com/pKZInWQrtNko3NvafqLPODA6V68/GPS-icon.png    

    La calanque de Morgiou

     

    La calanque de Morgiou est située dans le Parc national des Calanques. Cette calanque encaissée abrite un petit port de pêche, quelques cabanons et un bar restaurant. Morgiou offre un cadre naturel magnifique, elle est sauvage et particulièrement paisible, l'eau y est souvent cristalline. L'accès en voiture y est réglementé en journée durant la période touristique entre le printemps et l'automne, seuls les résidents où les visiteurs ayant réservé une table au restaurant du petit port de pêche peuvent alors y descendre en véhicule.

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    gillounet
    Jeudi 27 Juin 2019 à 09:41

    Super résumé Laurent. De très belles photos comme d'habitude !

    Merci pour le partage.

    2
    Jeudi 27 Juin 2019 à 17:29

    Salut Gilles !

    C'était vraiment une superbe sortie nocturne. Je pense qu'on remettra çà cet été, peut-être au Petit Mugel ? En attendant il faut que je me trouve une bonne lampe de plongée pour suppléer mes qudos actions. La tienne en tout cas elle est efficace question flux lumineux, elle a combien de lumens ?

    3
    Jo
    Vendredi 28 Juin 2019 à 08:34

    Magnifiquement racontée et illustrée cette belle sortie au clair des étoiles. ça ma fait plaisir de la revivre comme ça. il faut que je trouve un peu de temps pour poster mes photos sur le forum
    A plus bonne plongée cet été

    4
    Vendredi 28 Juin 2019 à 13:41

    Salut François !

    On s'est encore régalé sur tout les plans, merci de nous avoir proposé cette sortie ! La prochaine fois il faudra que je pense à mener mon Sony A7s pour faire de belles photos du ciel étoilé de Morgiou après la plongée :)

    Si tu le souhaites tu peux mettre quelques images dans les commentaires de l'article, tu as un onglet qui le permet (celui qui ressemble à un cadre avec une montagne et le Soleil).

    Sinon j'ai été épaté par ta vidéo de la ponte des araignées de mer avec tout ces œufs éjectés dans l'eau, un sacré spectacle !

    A bientôt !

     

    5
    Davi Blin
    Vendredi 27 Décembre 2019 à 16:16

    Salut Laurent.

    Sympas la petite sortie de nuit. :)

    J' aime bien tes photos de cigale de mer. :) Elles ne sont pas facile à approcher.
    Je n' ai encore jamais vu de langouste en métropôle.

    J' espère en voir cette année car on en a pas mal en Bretagne normalement.
    Il va falloir que j' aille assez profond je pense.

    Par contre, on voit de plus en plus de poulpes chez nous aussi. J' en ai vu un encore samedis dernier lors d' une sortie à Moëllan sur mer mais pour la premières fois de ma vie, j' ai eu le mal de mer avec la houle et j' était à 2 doigt de vomir. :evil:
    J' espère que mes prochaines sortie seront plus calmes. :)

    A+
    David.

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    6
    Vendredi 27 Décembre 2019 à 16:17

    Salut David !

    On dirait que les poulpes sont partis en vacances en Bretagne alors :D
    Parce qu'ici je trouve qu'il y en a moins que d'habitude ...

    En ce qui concerne les langoustes j'en ai rencontré plusieurs fois à faible profondeur (entre la surface et trois mètres généralement, un fois à 7 mètres en plongée de nuit) mais à chaque fois dans sur des tombants riches en anfractuosités ombragées et en coralligène. Ici c'est les homards qu'il faut aller chercher en profondeur, Jo d'plum en a photographié un il y a quelques semaines mais vers 10 mètres de profondeur. De mon côté j'en ai jamais observé ...

    Je te souhaites de bonnes prochaines sorties, sans houles et sans mal de mer !

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