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Encore une belle plongée à l'Anse du Sec
Le printemps a dû mal à ce faire sentir cette année dans le sud. Même si la température est douce, les journées se succèdent en alternant la grisaille et de longues périodes venteuses. Le plus pénible à mon goût c'est quand même le vent, car à force de souffler la mer s'agite, se trouble et elle se refroidit. J'ai pu en faire l'expérience ce samedi en allant faire une sortie du côté de l'Anse du Sec à la Ciotat, je me suis retrouvé dans une mer froide et très peu transparente. Si j'ajoute que pour cette plongée le Soleil était aux abonnés absents, les conditions pour faire du snorkeling n'étaient pas vraiment optimales. Mais comme toujours il ne faut pas trop faire de calculs, il vaut mieux simplement se jeter à l'eau et se laisser guider par la passion, c'est comme çà qu'on a parfois de bonnes surprises !
Quoi qu'il en soit j'aime beaucoup me rendre sur le site de l'Anse du Sec, pour moi il s'agit de l'un des plus beaux paysages des Bouches du Rhône. Ici les falaises teintées d'ocre contrastent merveilleusement avec le bleu de la Méditerranée dans laquelle elles plongent de façon parfois vertigineuse.
Comme la mer s'était réchauffée lors de ma dernière sortie, j'ai laissé le surshorty à la maison. Mais l'eau s'est bien refroidie depuis et j'avoue qu'avec ma combinaison de 2 mm je n'ai pas bien chaud ... Mais tant pis je vais faire avec, de toute façon je sais qu'à partir du moment où je vais commercer à chercher les petites bêtes sur les tombants mon attention sera concentrée sur autre chose et j'oublierai un peu ce désagrément.
Et je ne tarde pas à passer aux observations puisque juste sous la surface de l'eau je découvre une belle blennie coiffée (Coryphoblennius galerita) cachée parmi les algues. Elle est plutôt facile à reconnaître avec sa livrée blanche et noire et ses petits tentacules dressés sur sa nuque.
D'année en année j'observe de plus en plus de concombres cracheurs marron (Holothuria sanctori) entre le Mugel et l'anse du Sec. Cette espèce d’échinoderme originaire du sud de la Méditerranée semble s'être bien acclimatée au eaux plus fraiches de notre département. Celui-ci fait de l'escalade sur un petit tombant, je l'ai photographié vers trois mètres de profondeur.
Je commence à explorer les petites cavités sombres qui abondent sur ce spot. Dans ce biotope nous ne manquerons pas de rencontrer quelques petits triptérygions nains (Tripterygion melanurum). Les mâles sont très colorés, ils défendent ardemment leur territoire en faisant face aux intrus et se laissent assez facilement photographier.
Son cousin le triptérygion rouge (Tripterygion tripteronotus) se rencontre plutôt sur les roches superficielles des tombants. Ce mâle commence à prendre des couleurs, il s'apprête à passer en livrée de reproduction pour séduire les femelles. Sa tête deviendra alors complètement noire et son corps rouge vif.
En parcourant attentivement le coralligène avec la lampe je finis par tomber sur un petit nudibranche, il s'agit d'une calmella (calmella cavolini). Elle n'est pas facile à voir car en plus d'être minuscule, elle est empêtrée dans une véritable forêt de branches d'hydraires. Heureusement son petit corps blanc contraste bien avec le matelas d'algues rouges qui tapissent la roche.
Dans ma lente progression le long de la falaise je ne manque pas d'aller jeter un coup d'oeil sous les corniches rocheuses. Bien à l'abri de la lumière et des vagues se cachent de petits trésors comme ces délicates clavelines (Clavelina lepadiformis) translucides.
Les clavelines, aussi appelées clochettes de cristal, sont des ascidies. Il s'agit d'organismes filtreurs qui se nourrissent en absorbant les particules organiques et le plancton en suspension dans l'eau.
Autres animaux filtreurs qui abondent à l'Anse du Sec : les éponges. Ici il s'agit probablement d'un éponge cornée noire (Scalarispongia scalaris).
Sur les parois les plus riches en eudendriums de Méditerranée vivent de nombreuses hervias (cratena peregrina). Ces limaces de mer sont bien plus grandes que les calmellas, certains individus peuvent atteindre 5 cm. Leurs cérates très colorés permettent de les remarquer assez facilement.
Sur certaines branches d'hydraires il est même possible de tomber sur des regroupements. Comme j'ai observé de nombreuses pontes accrochées aux eudendriums, je suppose que ces rapprochements sont liés à la période de reproduction.
J'apprécie particulièrement l'esthétique du tombant des zoanthaires jaunes (Parazoanthus axinellae), je lui rend visite à chacune de mes plongées à l'anse du Sec.
Sur le versant exposé à la lumière je croise cette fois-ci une holothurie granuleuse (holothuria tubulosa). Avec ses papilles hérissées en pointes elle se distingue bien du concombre cracheur marron présenté plus haut. Pour le moment, l'holothurie granuleuse reste l'espèce de concombre de mer la plus répandue en Méditerranée occidentale.
Le grand tombant sud-ouest de l'anse du Sec est le territoire des facelines de Marion (Facelinopsis marioni) . Scruter en détail cette longue falaise pour dénicher ces petits nudibranches d'à peine 1,5cm de long est assez fastidieux mais si vous êtes patients vous serez certainement récompensés. Personnellement, à chacune de mes tentatives j'en trouve au moins une !
En fouinant pour trouver des limaces de mer j'ai dérangé malgré moi une blennie de Zvonimir (Parablennius zvonimiri) qui a fait un beau sursaut.
Je décolle un peu le nez de la falaise pour aller visiter les gros blocs rocheux qui jonchent le fond de la calanque.
Je repère vers trois mètres de profondeur un magnifique triptérygion jaune (triptérygion delaisi) qui se voit de loin avec sa rutilante livrée dorée ! Je n'hésite pas à descendre pour l'observer de plus près et lui tirer le portrait. Voilà les trois espèces de triptérygions de notre littoral observées en une seule sortie ! Le "jaune" est le plus difficile à débusquer pour les snorkelers car il vit dans un biotope plus profond que les deux autres espèces, du coup c'est en apnée qu'on aura le plus de chances de le croiser.
Sous un rocher, dans une faille étroite, je repère également une petite murène commune (muraena helena) qui sort à peine la tête de sa cachette. Elle est très craintive, si j'essaye de trop m'approcher elle part rapidement se cacher derrière un oursin qui semble monter la garde à l'entrée de sa tanière.
Je dépasse la zone des blocs rocheux pour rejoindre le minuscule îlot de poudingues qui trône dans l'anse du Sec. Mais j'ai du mal à me repérer dans cet mer aussi opaque qu'une purée de pois. Afin de m'assurer que je nage bien en direction de l'îlot je suis obligé de redresser régulièrement la tête et de jeter un coup d’œil à l'air libre. Je remarque qu'un cormoran m'observe d'un air dubitatif depuis son petit trône de pierre, il me suit attentivement du regard sans bouger malgré mon approche. Il doit certainement se demander à quelle drôle d'espèce de poisson j'appartiens !
Je retourne au promontoire rocheux qui me sert de rampe de mise à l'eau en coupant tout droit à travers la anse. Alors que je nage au raz de la partie immergée du promontoire j'observe une petite blennie pilicorne (Parablennius pilicornis).
Je dépasse le promontoire pour me rendre sur le tombant qui marque la bordure nord de la anse. Ce côté là de la calanque est également très intéressant à explorer, par contre il arrive que des pêcheurs s'y installent. Si c'est le cas il faut donc faire très attention de ne pas se prendre dans leurs lignes. Mais aujourd'hui la voie est libre, c'est l'avantage de plonger par mauvais temps ! Ici aussi la falaise est couverte d'eudendriums, du coup il est aussi possible d'y repérer quelques jolies hervias.
D'ordinaire sur ce tombant les hervias sont accompagnées par quelques flabellines mauves mais cette fois-ci c'est une cuthona ocellée (Trinchesia ocellata) qui s'est mêlée à elles. Ce nudibranche n'est pas bien gros mais il est bien identifiable avec sa teinte vert olive et ses cérates aux terminaisons brunes. J'ai déjà eu l'occasion de croiser cette espèce l'an dernier à la calanque voisine de Figuerolles.
En auscultant attentivement cette petite cuthona ocellée je remarque que le bout de sa queue est beaucoup plus clair que le reste de son corps, j'ai comme l'impression qu'elle s’apprête à déposer des œufs.
Sous les colonies d'hydraires fixées à proximité de la surface il me semble deviner la présence d'une petite cavité. J'effectue une petite apnée pour aller y jeter un coup d'oeil et je surprends un apogon (apogon imberbis) en compagnie d'une castagole (chromis chromis). En arrière plan je découvre aussi une belle ponte de seiche qui ressemble à une grosse grappe foncée fixée à la roche.
J'effectue une autre descente pour essayer de photographier l'apogon plus en détails mais il est très craintif et part se cacher dès que le faisceau lumineux de ma lampe parvient dans son antre sombre. Tant pis !
Les castagnoles sont moins farouches, elles sont nombreuses à trouver refuge dans les anfractuosités rocheuses.
Voilà maintenant deux heures que je barbote dans l'eau froide, je commence à être sérieusement fatigué. Depuis un petit moment j'entendais un petit claquement répétitif sans trop savoir d'où çà venait, et bien je viens de m'apercevoir qu'en fait se sont mes dents ! Il est donc vraiment temps d'arrêter. En tout cas je ne regrette pas d'être venu plonger à l'Anse du Sec malgré les conditions météos peu propices, explorer ce spot est toujours un gage d'émerveillement, avec une faune sous-marine toujours aussi riche et variée.
L'anse du Sec
L'anse du Sec fait partie du parc naturel des Calanques, elle est située au pied de l'imposant massif rocheux du Cap de l'Aigle à La Ciotat. Les falaises du Bec de l'Aigle sont les plus hautes falaises maritimes d'Europe, culminant à 394 mètres. La anse est accessible à pied en traversant le parc botanique du Mugel ou à la nage à partir du Petit Mugel et en dépassant la pointe de Nege Froume. Les fonds marins dans cette anse sont assez profonds, ils présentent un intérêt limité pour le snorkeler de surface. Par contre la anse est entourée de falaises de poudingues (conglomérats de galets) qui constituent dans l'eau de petits tombants ombragés où se développent du coralligène.
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Commentaires
2jeandefloretteMercredi 26 Mai 2021 à 15:46Hello, oh que oui, c'est le spot le plus riche de notre région et je m'apprêtais à te dire que j'y vais demain. Un beau temps est prévu. Si tu en as la possibilité, tu pourrais m'y rejoindre. Les holothuries de toutes sortes sont en effet de plus en plus abondantes. Je vais essayer de repairer des nudibranches autres que Hervia mais est ce que ma vue me le permettra?
Salut !
@ Julien : Merci pour ton commentaire. C'est vrai que les triptérygions rouges sont beaux, mais j'ai une petite préférence pour le jaune qui est un peu plus rare chez nous. Dans l'Atlantique il est beaucoup plus fréquent.
@ André : je crois qu'après avoir fait le tour des spots du coin il est difficile de trouver mieux que le triptyque Mugel - Anse du Sec - Figuerolles pour la Ciotat et la calanque de Morgiou chère à notre ami François pour Marseille. Quant au Cap Rousset il vaut le coup pour voir beaucoup de gros poissons, mais la biodiversité n'y est pas aussi riche que dans les autres spots cités.
Sinon pour demain malheureusement je travaille, je ne pourrai pas te rejoindre. C'est vrai que la météo prévoit du beau temps, tu devrais pouvoir en profiter. Si jamais tu veux rechercher la cuthona (en admettant qu'elle soit toujours au même endroit...) elle était située dans les hydraires qui surplombent la zone des gorgones jaunes. Elle devait faire dans les 1,5 cm, elle était petite mais pas trop minuscule.
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incroyable ! l'effet que ça fait sur le moral, une bouffée d'oxygène.
les tryptérigions sont les plus beaux. et les 3 d'un coup ! bravo !
je préfère le rouge